Zero - Taiyô Matsumoto - Actualité manga
Zero - Taiyô Matsumoto - Manga

Zero - Taiyô Matsumoto : Critiques

zero

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 18 Juin 2018

Auteur devenu véritablement culte en 28 ans de carrière avec des titres comme Amer Béton, Ping Pong, Gogo Monster ou Le Samouraï Bambou, et ayant influencé nombre d'artistes comme Nicolas de Crécy ou Keigo Shinzo, Taiyô Matsumoto était jusqu'à présent surtout édité par les éditions Delcourt et Kana. Mais depuis la nouvelle orientation de sa collection Graphic, Pika Edition ne se prive pas de s'immiscer dans la publication de ce genre d'auteurs à la personnalité plus marquée, et l'on accueille donc avec grand plaisir Zero, qui est tout simplement la toute première série de la carrière de Matsumoto. Initialement publiée en 1990-1991 dans le magazine Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan, cette oeuvre a été compilée en deux volumes reliés au Japon. En France, Pika a choisi de plutôt nous a proposer en un unique pavé de 440 pages, avec l'habituel format 17x24cm de la collection Graphic. Cette sortie se fait quasiment en même tant qu'une autre oeuvre de jeunesse d'un autre auteur reconnu, à savoir Blue Corner de Jirô Taniguchi, ainsi l'éditeur cherche à créer un petit pont entre ces deux titres qui abordent tous les deux le thème de la boxe, mais d'un point de vue différent.


Voilà déjà une dizaine d'années que dure la carrière de boxeur professionnel de Miyabi Goshima, et autant d'années qu'il est un champion invincible dans la catégorie des poids moyens. Fort logiquement champion du monde, il est surnommé "Zero" depuis longtemps, et fait la fierté du Japon. Le bonhomme est souvent réputé pour sa hargne et ses provocations, qui font partie de sa personnalité qui plaît tant au public. Mais en réalité, voici bien longtemps que le champion est devenu apathique, enchaînant les victoires sans le moindre enthousiasme, ne considérant ses adversaires que comme des punching-balls tant ils font pâle figure face à lui. A 30 ans passés, il est désormais un vétéran, pourrait raccrocher en champion invaincu, mais quelque chose semble le retenir encore sur le ring... Que cache au fond de lui cet homme ? Et le jeune boxeur mexicain Travis Bal, dont tout le monde dit qu'il est un prodige et qu'il sera son successeur, réveillera-t-il enfin sa rage de vaincre ?


Quand on est habitué aux récits de boxe, Zero propose un scénario qui a largement déjà été vu et qui, dans son déroulement, ne surprend pas spécialement, hormis peut-être dans son final qui reste ouvert dans son genre, même s'il conclut bien quelque chose en Goshima et Bal. Avant d'en arriver là, Matsumoto s'applique longuement à croquer le parcours de son personnage principal, et dépeint un milieu qui, comme on le sait, est rude et sans concession. Tandis qu'en toile de fond l'auteur évoque bien des choses comme l'aspect "business" très important et le fait que ce sport soit parfois mal vu, au premier plan il délivre un portrait d'homme qui, au fond de lui, a finalement quasiment toujours été seul si l'on excepte son manager Araki. Sorte de longue mise en place tout compte fait, la première moitié n'évite pas quelques rallonges, essentiellement à travers un premier combat important contre un autre Japonais qui reste indispensable pour mieux cerner Goshima. Puis la suite installe très bien l'ambiance avant la rencontre au sommet en Goshima et Bal, entre provocations et découverte de certains traits de caractère du mexicain. C'est néanmoins bel et bien sur le ring que les deux hommes révéleront tout le fond de leur personnalité, y compris Bal. On dit de lui qu'il a déjà tué un adversaire... alors quelle part sombre cache-t-il en lui ? Et quelle est sa part de similitude avec Goshima ? Dans le feu de l'action et des coups qui pleuvent à n'en plus finir, alors que les deux hommes atteignent leurs limites, en réalité ils semblent se libérer et on cerne bien leur fond. Matsumoto a le mérite de souvent très bien gérer ses dialogues, avec quelques phrases particulièrement fortes et qui en disent beaucoup sur les personnages.


Côté dessins, il y a des hésitations de jeunesse, surtout au début, mais Matsumoto ne fait que trouver de mieux en mieux ses marques tout au long de la lecture, et installe déjà une patte immédiatement identifiable, avec son trait en perpétuel mouvement, ses corps parfois distordus, ses membres qui s'allongent dans des perspectives folles (certaines cases rappelant alors Ping Pong), ses angles de vue très souvent captivants tant il s'affranchit des habitudes, ses visages marqués, expressifs et triturés, ses quelques découpages de cases en diagonales dans les moments de boxe, son soin sur des décors de première importance où les personnages se fondent... Pour quiconque aime le travail de l'auteur, cette oeuvre de jeunesse est un régal à parcourir, tant on y voit des bases stylistiques déjà très affirmées.


Côté édition, entre le grand format, les 440 pages et le papier assez dense, le volume est assez lourd en mains, mais il est plutôt facile à manipuler malgré tout, surtout grâce à la souplesse de la reliure. L'impression est tout bonnement excellente, de même que la traduction d'Aurélien Estager. On regrettera simplement l'absence d'une préface, d'une postface ou d'un mot de l'auteur, et on trouve simplement une présentation de Matsumoto sur le rabat.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs