Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 09 Janvier 2025
Les profonds tourments de Yôhei l'ont poussé à commettre un acte d'automutilation terrible et très parlant sur son état intérieur. A son réveil à l'hôpital, le jeune garçon trouve à son chevet Mitani, Ano et, surtout, Kei, à qui il avoue qu'il l'a vu en rêve, avec les cheveux courts et sans genre masculin ni féminin. Marqué par cette vision, il propose alors à Kei un objectif voué à les sauver tous les deux: chercher ensemble de nouveaux corps qui n'appartiendraient qu'à eux, loin des considérations masculines et féminines qui les font tant souffrir. Mais face à ça, comment réagira Mitani ? Que faire de sa souffrance, elle qui se sent abandonnée ?
Si les réponses données au cas de Mitani mais aussi à celui d'Ano (un peu trop transparente dans ce dernier volume, il faut le dire) pourront éventuellement sembler succinctes, c'est bien parce que Shuzo Oshimi souhaite avant tout se recentrer exclusivement sur ses deux personnages principaux que sont Yohei et Kei, afin de mieux mettre en lumière leur lien tellement unique, transcendant tout, et sur lequel on apprendra encore certaines choses puisque Kei fera quelques confidences sur la toute première fois où, en maternelle, Yohei l'a changé. L'auteur cristallise vraiment bien cette relation à-part entre les deux personnages, s'écartant totalement des normes genrées binaires pour que, simplement, ils parviennent à se trouver, à se comprendre eux-mêmes et à s'accepter.
Et dans cette optique plaçant le rapport au corps et au genre au coeur du récit, le mangaka nous fait passer par trois grandes étapes, marquées chacune par un des changements de style graphique dont Oshimi est coutumier dans ses oeuvres: une première partie plus claire, classique et posée à l'hôpital, une deuxième partie beaucoup plus dépouillée, avec des traits minimalistes et un rendu très symbolique pour souligner la façon dont Yohei et Kei cherchent et atteignent leur idéal personnel, et une dernière partie plus hachurée et apaisée.
On referme alors avec, dans l'ensemble, une certaine satisfaction l'ultime opus de ce qui est, à ce jour et de très loin, la série la plus personnelle de Shuzo Oshimi. Une oeuvre pour laquelle il reste indispensable, pour en saisir tout l'intérêt, de lire soigneusement chacune des postfaces du mangaka, celle de ce dernier tome étant par ailleurs très longue et fournie pour mieux nous faire comprendre son fond, ses malaises en tant qu'homme, son anxiété face aux femmes, etc... et l'étape que constitue cette série dans son processus de guérison face à ses propres tourments. La série n'est pas facile d'accès, mais elle vaut son pesant d'or au vu de l'étape essentielle qu'elle représente dans la carrière d'Oshimi.