Versus Vol.1 - Actualité manga

Versus Vol.1 : Critiques

Versus

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 10 Octobre 2024

S'il est un auteur de manga des plus iconoclastes, c'est bien One. Avec sa patte légère et déstructurée, que beaucoup considèrent comme maladroite alors qu'elle peut réserver quelques petits bijoux de composition malgré sa simplicité apparente, l'auteur a donné naissance au singulier Mob Psycho 100 et au webmanga original One-Punch Man. Deux œuvres qui, malgré la patte controversée de son artiste, ont trouvé grâce aux yeux d'un grand nombre de lecteurs, en partie grâce à leurs adaptations animées ou, dans le cas de One-Punch Man, par le biais de la réinterprétation qu'en fait Yûsuke Murata dans son œuvre phare.

One est donc un mangaka à l'œuvre générale étonnante et qui aime s'essayer à différents styles d'histoires. Et parmi ses derniers projets en date, on trouve Versus, un manga pour lequel il signe le récit ensuite reprit par l'auteur Bose, puis mis en dessin par Kyôtaro Azuma, un mangaka qui a notamment fait ses preuves sur des adaptations de la licence vidéoludique The King of Fighters. Une combinaison à six mains, donc, pour ce qui se présente déjà comme l'un des mangas de fantasy les plus étonnants du moment. Lancé en 2022 dans le magazine Shônen Sirius de l'éditeur Kôdansha, Versus dénombre à ce jour trois tomes au Japon. De notre côté, la série est l'un des grands lancements des éditions Pika pour l'automne 2024. La maison n'a pas hésité à introduire le titre en grande pompe dans nos librairies via un système de collector original à l'échelle du manga et directement emprunté des publications américaines : une pochette surprise contenant le premier volume agrémenté de bonus (comme des pages couleur et les coulisses de la création de la série), et surtout une couverture alternative parmi 13 disponibles, réparties en trois niveaux de rareté. S'il convient de soulever l'originalité de la démarche, celle-ci paraît assez dure pour les complétionnistes et fans de l'auteur. Calquer les manœuvres du monde du comics dans la sphère manga a de quoi faire débat. Dans tous les cas, le lecteur peut obtenir une version agrémentée pour 1.90€ de plus, ce qui semble être un prix honnête pour des suppléments plus utiles que ce qui est proposé ailleurs, dans d'autres éditions ou chez la concurrence.

Versus nous plonge dans un monde de fantasy comme il en existe des dizaines aujourd'hui dans le manga et dans l'animation nippone. Forcément, celui-ci est soumis à une menace. Pas celle d'un seul roi-démon... mais de 47 ! Pour les défaire, 47 héros ont été formés, et chacun doit s'opposer à l'une des menaces. XXX est l'un d'entre eux. Vaillant, il part affronter son ennemi en compagnie d'un petit groupe de combattants, mais l'assemblée essuie une défaite totale. Si même les héros ne suffisent pas à contrecarrer les rois-démons, il ne reste qu'une solution : invoquer des sauveurs issus d'un autre monde.

Et... nous n'en dirons pas plus concernant le synopsis, tant les surprises qui succèdent à ce postulat de base donnent une grande part de son sel à ce premier opus. À chaque chapitre, One repousse toujours plus loin les idées classiques du manga de fantasy et de l'isekai, prenant ses poncifs pour les déformer de son plein gré, et donner une intrigue qui ne ressemble à aucune autre. Certes, il est question de héros face à des démons. Certes, des invocations d'autres mondes ancrent le récit dans l'isekai. Mais ce classicisme est réinterprété et poussé à l'extrême par son auteur, puis couplé à des éléments de genres divers pour donner lieu à des concepts qui lui sont propres. À chaque chapitre, on se demande si le récit pourra être poussé plus loin. Et, spoiler, c'est le cas.

Un piège se présente alors à cette formule : que celle-ci repose sur les rebondissements de son premier tome et ne parvienne pas à faire de son audace une véritable composante de son ADN. Si c'est un point qu'il conviendra d'apprécier sur la durée, force est d'admettre que ce qui est mis en place impose tant de possibilités qu'il en est difficile de ne pas vouloir faire confiance aux auteurs. L'ambition du titre est énorme, et le concept même des 13 univers (largement dévoilés par Pika donc admettons qu'il ne s'agisse point d'un spoil) suffit à faire croire à un lore qui sera exploité à chaque tome un peu plus. Concernant ceux-ci, s'ils permettent à l'œuvre de naviguer entre les genres et de faire de Versus un manga de fantasy mais aussi de science-fiction, par exemple, leurs idées sont à la fois drôle de par les références qu'ils font à d'autres œuvres populaires, mais aussi particulièrement intéressantes pour cette croisée des genres qui peuvent amener des situations aussi variées que leurs personnages. C'est en ça qu'on veut croire à un tel titre avec One aux commandes : les ingrédients sont frais et savoureux, et on aime à penser que les auteurs sauront les cuisiner de manière à créer un récit d'aventure et d'action aux saveurs multiples.

Et pour mettre en dessin un tel gloubi-boulga, il fallait un dessinateur chevronné, capable de jongler entre les influences et les styles pour retranscrire les différentes facettes de la formule. Quand on se penche sur la carrière d'Azuma Kyôtaro, force est de constater qu'il coche toutes les cases nécessaires à un tel travail. Débutant dans les années 2010, l'artiste a travaillé sur de la baston pure (The King of Fighters) comme sur de l'action épique et historique (Tenkaichi : Nihon Saikyô Bugeisha Ketteisen, qu'on aimerait d'ailleurs voir paraître chez nous...), et de la SF comme avec Sacred Seven et Sakura Brigade. Le mangaka avait déjà une patte fournie, et il le démontre sur ce premier tome globalement très bien gratté, et aux scènes d'action lisibles et époustouflantes. Mais là où il excelle, c'est sans nul doute sur sa capacité à jongler entre les styles pour dépeindre ses bestiaires. Aucun d'eux ne se ressemble, si bien qu'on croirait avoir affaire à deux artistes différents quand on est face à deux entités diamétralement opposées. C'est assez remarquable, et ça suffit à nous convaincre que l'originalité de l'œuvre est aussi assumée sur le plan graphique.

Versus paraît déjà comme un petit OVNI, une série audacieuse qui devra faire ses preuves sur la durée, et une combinaison efficace entre l'uns des scénaristes de manga d'action les plus intéressants de la dernière décennie et d'un mangaka qui en a dans le ventre. Ce premier tome est prenant, efficace et nous cloue le bec à plusieurs reprises dans sa manière d'introduire ses bases on ne peut plus osées. Maintenant, on espère que cette alchimie nous portera sur les prochains tomes !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs