Douce odeur de café (une) - Actualité manga

Douce odeur de café (une) : Critiques

Coffee Mou Ippai

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 27 Avril 2020

De temps à autre, la plutôt discrète mais souvent intéressant collection Graphic de Pika Edition nous propose de découvrir des artistes ne ressemblant à aucun autre, et ce fut le cas en février 2018 avec Une douce odeur de café, un recueil de 12 histoires courtes faisant environ 220 pages, et que l'on doit à Naoto Yamakawa, auteur né en 1962 et ayant vécu d'abord de petits boulots avant de se lancer dans son rêve de devenir mangaka avec une première série en 1988. Depuis, il a signé un certain nombre d'oeuvres dans le milieu professionnel, tout en restant toujours assez proche du milieu amateur, et au fil du temps il a développé une patte bien à lui. Depuis le début de cette année 2020, il travaille sur l'adaptation de l'oeuvre jeunesse Frederick de l'auteur Leo Lionni, en collaboration avec l'illustre Minetaro Mochizuki qui se charge des dessins.

Bien qu'il soit présenté comme un one-chot, le recueil ici présent est en réalité le premier d'une série de 5, publiés au Japon par les éditions Enterbrain (après prépublication dans le prestigieux magazine Comic Beam) entre 2005 et 2009 sous le titre Coffee Mou Ippai (un nom se référençant à "One More Cup of Coffee", une chanson de Bob Dylan que l'auteur adore), et présentant tous des histoires courtes ayant pour point commun le café de près ou de moins près.

Aura-t-on un jour la chance de découvrir en langue française les autres recueils ? Bonne question. Mais en attendant, on profite ici de 12 petits récits assez variés dans ce qu'ils traitent, dans la mesure où cela peut flirter avec le drame, le surnaturel, le comique, le lyrisme... toutes étant toutefois des tranches de vie bien ancrées dans le Japon quotidien, avec des lieux que l'on a le sentiment de pouvoir trouver à chaque coin de rue. A partir de là, Yamakawa délivre des histoires qui, bien souvent, distillent des petits messages propices à la réflexion, autour de ce qui fait notre vie: l'amour et les désillusions qui vont parfois avec, les rencontres, la famille, la mort, le souvenir... l'auteur propose toute ceci avec une simplicité de ton où, plus d'une fois, on devine qu'à certains égards il a puisé dans ses expériences personnelles.

Car une chose est sûre dans cet ouvrage: le mangaka y met beaucoup de lui-même. Ca se voit à travers diverses petites références musicales ou cinématographiques à ses artistes fétiches (une pochette d'album de Dylan par-ci, une VHS de Big Fish de Burton par-là...), mais aussi et surtout via sa manière d'incorporer le café à ses récits. Yamakawa est un grand amoureux de café, il adore lui-même en préparer, et a signé au Japon d'autres oeuvres autour de ce breuvage (Children of Paradise in a Coffee Shop en 2017, Coffee and the Moon, and the Telephone Pole en 2018...). Ici, il nous invite à le découvrir, à l'apprécier, à le déguster en même temps que ses récits, et de manières différentes, entre la présentation de différentes manières de préparer le café, les habitudes propres à chacun le concernant (certains y mettent du sucre ou du lait, d'autre le boivent noir, etc), à quel point il peut être un vecteur de rencontres (que ce soit dans des cafés, ou sur le pallier de sa porte), ou tout simplement la mise en valeur de ces petits instants où l'on profite d'une simple tasse de café avec diverses émotions. Car le café est à l'image de la vie: il peut être profondément doux et chaleureux, ou tout simplement doux-amer voire plein d'amertume.

Visuellement, l'auteur a donc vraiment un style bien à lui, avec un trait assez épais et presque naïf, surtout dans les designs de ses personnages qui allient fantaisie et douceur. Chaque visage est assez unique en son genre (certains plus que d'autres), l'auteur brille aussi par ses décors omniprésents ne comportant quasiment aucune trame (il préfère hachurer, remplir au crayon), et le tout colle vraiment bien à ses récits et à l'ambiance qu'il veut y dégager.

On a presque l'impression de pouvoir sentir l'odeur du café et des moments que l'on peut y rattacher, au fil de ces 12 brefs récits qui sont tous réussis. Un moment de lecture tour à tour agréable, reposant, plus émouvant... servi dans une édition typique de la collection Graphic, c'est-à-dire un gros pavé en grand format, avec un papier bien épais et sans transparence et une très bonne qualité d'impression. A la traduction, Sébastien Ludmann livre un travail impeccable. Et n'oubliez pas de lire les différents mots de Yamakawa parsemant la lecture, tant ceux-ci permettent de comprendre encore mieux l'auteur et sa volonté.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs