Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 11 Mai 2023
C'est un boys' love sortant un petit peu de l'ordinaire que les éditions Hana ont lancé en France en novembre de l'année dernière: Undead, une série qui suit toujours son cours au Japon depuis 2021 dans le magazine Cab des éditions Tokyo Mangasha, en comptant 2 volumes à l'heure où ces lignes sont écrites. Il s'agit de la toute première publication française de Fumi Tsuyuhisa, une mangaka prolifique depuis ses débuts professionnels en 2018, qui n'a à ce jour fait quasiment que du yaoi (hormis le shôjo en 2 tomes Stylish Cheat BBA to Poor JK, inédit en France), et que l'on a ensuite pu retrouver chez Hana en février dernier avec le one-shot Je t'aime, mais ne m'embrasse pas.
Cette histoire nous plonge dans un univers terrien post-apocalyptique: voici un an que le monde s'est effondré soudainement, quand un virus inconnu s'est propagé en un rien de temps sur la planète entière en faisant revenir à la vie les morts, et en transformant ensuite en morts-vivants les personnes mordues par les infectés. Hikaru Asahina, 19 ans, et Ai Kôsaka, 21 ans, sont des amis d'enfance et voisins qui survivent ensemble depuis ce terrible jour, jour où Hikaru a vu sa mère infectée tuer son père et essayer de s'en prendre à lui, avant qu'il ne soit sauvé in extremis par Ai. Dans leur lutte pour la survie, ils sont accompagnés de Yukio Yoshitaka, un ancien médecin de 28 ans, et de Kaname Igarashi, un ancien policier de 30 ans qui avait autrefois une femme et un enfant.
Fumi Tsuyuhisa nous propose donc un yaoi sur fond de pandémie zombie mondiale, avec ce que ça peut impliquer d'ambiance assez sombre et de péripéties. Sur ce dernier point, cela passe par la lutte contre les infectés et les tentatives de leur échapper bien sûr, mais aussi par différentes rencontres aux fortunes assez diverses, puisque certains humains survivants laissent parler leurs mauvais instincts dans ce monde où il n'y a plus de lois, tandis que d'autres sont bien plus bénéfique, à l'image de la femme enceinte Chizuru et de son adorable petite fille Shiori, figures féminines que chacun tâche de protéger. Et il va de soi, même si c'est plutôt survolé et donc peu prégnant en terme d'atmosphère, que les personnages doivent aussi faire avec leurs douleurs respectives, que ce soit la perte d'êtres chers, quelques brefs souvenirs douloureux et nostalgiques de l'époque où tout était normal, et une vision plutôt fataliste de la situation (même si l'on trouvait un antidote, il serait sûrement trop tard pour soigner les infectés).
On ne va pas se mentir, tout ceci reste abordé de façon assez basique, et reste on ne peut plus classique de bon nombre de récits de zombies. Mais dans le cadre d'un yaoi, c'est évidemment un autre aspect qui intéresse le plus l'autrice, à savoir la relation entre Hikaru et Ai, amenée à évoluer, le premier n'ayant au départ aucunement conscience des sentiments que le deuxième nourrit secrètement et imperturbablement pour lui depuis leur toute première rencontre quand ils étaient enfants. Car si Ai se montre prêt à tout pour Hikaru, c'est bien sûr parce qu'il n'a plus que lui, et encore plus car il n'a toujours eu que lui, comme nous l'expliquera vite fait mais assez bien un petit flashback sur son enfance et sa situation familiale désastreuses avant que le lumineux Hikaru n'entre dans sa vie. Suivre l'évolution sentimentale (et teintée d'érotisme, bien sûr) de ces deux-là est alors assez intéressant même si là aussi basique du genre, jusqu'à ce qu'un événement dramatique ne frappe en toute fin du chapitre 4, en donnant un bon petit coup de boost à l'intrigue.
En combinant de façon très classique BL et récit de zombies, la mangaka arrive ainsi à un résultat pas transcendant mais assez sympathique à suivre. Et cela, même si son travail visuel ne suit pas toujours: il y a pas mal d'inégalités dans le dessin des personnages (les vues de loin sur eux sont très pauvres, il y a plusieurs inégalités anatomiques dont quelques torses assez improbables, ça manque de nuance dans les trames), les designs de morts-vivants sont banals, les décors restent plutôt pauvres et se contentent généralement de photos peu ou pas retravaillées, les angles de vue restent plutôt simples... Ce n'est jamais désagréable, mais ça ne dégage pas de grande personnalité ni d'ambiance particulière.
Enfin, du côté de l'édition française, on regrettera principalement que la traduction d'Amandine Martel soit un peu aléatoire dans l'utilisation des suffixes des prénoms/noms (parfois ils sont là, parfois non) et ait laissé passer quelques petites coquilles d'inattention "monstres" au lieu de "monstres", par exemple. A part ça, cette traduction en elle-même est claire, le lettrage est propre, le papier ainsi que l'impression sont honnêtes, la première page en couleurs est un petit plus sympathique, et la jaquette reste assez proche de l'originale japonaise.