Trouble is my business Vol.1 : Critiques

Jikenya Kagyou

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Avril 2013

Jôtarô Fukamachi est un privé. Le genre de personne qui voit la crasse du monde au quotidien. Il a des relations louches d’ailleurs : un yakuza, des flics véreux, un loueur d’arme vénal, une dentiste un brin désagréable qui lui loue un bureau pour son activité… Et entre deux affaires, sa fille lui suggère de raccrocher le métier pour reconquérir son ex-femme, qui ne supportait pas d’avoir un mari ayant une activité aussi glauque et dangereuse.
Dès les premières pages de Trouble is my Business, on voit qu’on n’a pas affaire à du Taniguchi habituel. Pour rappel, Taniguchi est principalement connu en France pour ses récits tranche-de-vie intimistes, souvent axés sur la famille. Ici, le dessin est brut, dur, bien que reconnaissable, et le découpage fait exactement penser aux films noirs d’il y a quarante ans.

On ne peut pas nier une chose : cette série joue énormément sur les clichés des films noirs, avec ses personnages poseurs et les thématiques qui s’y rapportent. Est-ce qu’en 2013, ce manga des années 1980 est totalement dépassé ? Non ! Pour deux raisons principalement.

La première, c’est que malgré le classicisme des histoires pour chaque chapitre, il y a quelque chose d’assez saisissant dans la façon de les raconter. Cet effet est probablement dû au style graphique du jeune Taniguchi, très détaillé et très obscur. Par exemple, l’une des premières choses qu’on voit dans le premier chapitre est Fukamachi en train de se regarder dans un miroir brisé pour voir s’il présente bien. Ce petit détail d’une case, typique de ces vieux films noirs, montre l’univers sale dans lequel le héros vit.

La deuxième, c’est que, oui, les histoires sont classiques, mais les auteurs ajoutent régulièrement des notes d’humour qui transforme l’allusion aux films noirs en parodie. Fukamachi est presque plus drôle que dur, tant il sait faire preuve d’humour en toutes circonstances. Pour autant, cela n’entrave en rien la force de certaines scènes sérieuses, comme cela a été le cas souvent dans City Hunter. Le deuxième chapitre évoque une femme, bonne épouse, sœur d’un yakuza, qui s’est enfuie pour tourner des films pornographiques. Tout est brutal dans ce chapitre : les scènes de sexe, grâce au graphisme puissant de Taniguchi, ainsi que la conclusion, presque choquante.

L’édition de Kana est de bonne qualité en terme matériel : le grand format et le papier sont de qualité. 18€ est un prix élevé, surtout pour un Taniguchi, titre qui fait vendre, mais l’objet est à la hauteur des espérances. En revanche, le traducteur use énormément de mots raccourcis (« p’têt », « p’tit »), et donne l’impression que tous les personnages sont des paysans (avec tout le respect que le rédacteur accorde à cette profession). Peut-être que les dialogues originaux allaient dans ce sens, mais la retranscription en Français, de cette manière, est assez étrange, et pas forcément des plus agréables à lire. À ce sujet, l’édition de Kana n’est pas avare en textes bonus, notamment les riches préfaces et postface de Jean-Pierre Dionnet et Karyn Poupée, ainsi qu’un extrait de la biographie du scénariste du manga, Natsuo Sekigawa. Cet auteur est connu pour avoir effectivement élaboré des scénarios pour Taniguchi à cette époque. En plus de Trouble is my Business, on lui doit Au Temps de Botchan. Cet extrait de biographie évoque le milieu des mangakas détourné en milieu de gangster. Malheureusement, cet extrait, qui raconte vaguement comme la série a été créée, est assez lourde à lire, et pas spécialement des plus enrichissantes.

Avec Trouble is my Business, Kana ose nous montrer Taniguchi comme on l’a rarement vu. On est bien loin des récits tranche-de-vie, et malgré les clichés, cette série est une lecture surprenante, intrigante, passionnante, pour peu qu’on soit amateur de ces ambiances.


 


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Raimaru
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs