Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 19 Juin 2023
Après First Job, New Life et New Love, New Life, la mangaka Yoko Nemu fait son retour dans le label Life des éditions Kana en ce mois de juin avec la série en 4 volumes Trap Hole. Au Japon, ce manga a été prépublié dans les pages de l'excellent magazine Feel Young des éditions Shodensha entre 2012 et 2014, ce qui en fait à ce jour l'oeuvre la plus récente de l'autrice à être publiée dans notre langue.
Trap Hole démarre sur une scène qui semblerait presque anodine: après des années sans se voir, des copines se revoient autour d'un verre, et c'est l'occasion pour elles de voir que chacune est devenue une adulte a priori accomplie et comme elle l'avait imaginée: l'une a poursuivi son rêve par ses propres moyens, une autre a un poste à responsabilités, une autre encore a fondé une famille avec deux enfants... Quant à notre héroïne, Haruko, 29 ans, elle est elle aussi aux anges puisqu'elle va bientôt se marier, ce qui faisait partie de son projet de vie. Employée dans la même grosse entreprise depuis sa sortie de la fac il y a 8 ans, elle y a effectivement rencontré Kenta, collègue avec qui elle sort depuis 5 ans, et leur relation semble si idéale à ses yeux qu'elle se laisse porter par le courant... au risque de chuter de haut.
Car on le sent bien, dès le chapitre 1 qui ponctue ces retrouvailles entre copines de quelques visions moins épanouies où le climat semble froid entre Haruko et Kenta. Et malheureusement pour notre héroïne, ça se confirme dès lors que son fiancé lui annonce vouloir annuler le mariage car il est tombé amoureux d'une autre femme de l'entreprise. Elle a beau essayer de prendre sur elle et être soutenue par ses amies et ses parents, elle a forcément le sentiment que sa vie s'est soudainement effondrée, comme si un trou s'était ouvert sous ses pieds pour la faire chuter et la piéger (d'où le titre de la série).
C'est là qu'intervient Asano, un homme qui a lui aussi été invité à la réunion de copines, et dont notre héroïne ne se souvenait pas alors qu'il était dans sa classe au lycée. Le gaillard, plutôt avenant et gérant aujourd'hui un restaurant brésilien à Tôkyô, avait mauvaise réputation à l'époque du lycée, notamment parce qu'il s'était tatoué lui-même et sortait avec plusieurs filles à la fois. Et pourtant, quand, pour la consoler et la pousser à faire table rase du passé, cet homme lui propose de démissionner pour venir à Tôkyô bosser dans son restaurant, Haruko trouve cette idée si déraisonnable qu'elle en devient totalement alléchante...
A travers le nouveau départ d'une héroïne qui vient vivre pour la première fois dans la gigantesque capitale nippone à 29 ans, Yoko Nemu entame le portrait d'une femme qui a soudainement vu sa vie s'écrouler, qui est au fond du trou, et qui espère bien en sortir petit à petit... même si le chemin sera long puisque, comme nous le prouvera en particulier la dernière partie de ce premier tome, même en étant déjà au fond du trou on peut encore creuser. Car à force de s'être confortée dans sa relation avec Kenta qu'elle pensait acquise, Haruko a peut-être oublié de mûrir sur certaines choses, elle qui se pensait être une "adulte accomplie" comme ses copines. A l'heure où elle cherche une forme de réconfort physique et qu'elle veut oublier son mariage avorté, Asano risque bien de le lui montrer, tout comme sa collègue Kaneko qui, même si elle la trouve forte dans son genre, s'étonne d'apprendre qu'elle a démissionné si facilement quand tant d'autres ne peuvent pas se le permettre.
Sur ces bases intéressantes, et même si le déroulement vis-à-vis d'Asano était assez attendu, on suivra avec intérêt la suite du parcours, de cette femme en quête de reconstruction et de réalisation de soi, au sein de cette mégalopole où elle vient de débarquer à quasiment 30 ans. Et on attendra la suite avec d'autant plus de plaisir que la patte graphique de Nemu a, une nouvelle fois, son charme, surtout quand elle s'adonne à quelques planches déconstruites, à d'autres plus aérées, et à quelques petites petites originalités visuelles (comme quand Haruko ramasse ses pensées par terre).
Enfin, quelques mots sur l'édition française, tout à fait honnête avec une jaquette dotée d'un vernis sélectif et assez proche de l'originale japonaise, une première page en couleurs sur papier glacé, un papier souple et peu transparent, une qualité d'impression assez honnête, un lettrage propre, et une traduction suffisamment claire de la part de Misato Raillard.