The Fable Vol.1 - Actualité manga
The Fable Vol.1 - Manga

The Fable Vol.1 : Critiques

The Fable

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 23 Avril 2021

Chronique 2 :

Les mangas assez adultes ancrés dans le milieu de la pègre japonaise ne sont malheureusement pas parmi les plus populaires en France, comme en attestent certains arrêt de série par le passé dans notre pays, ou le manque de présence depuis quelques années d'auteurs incontournables du genre comme Ryôichi Ikegami. Et le constat est d'autant plus vrai dès lors que l'on recherche des séries du genre qui soient un peu longues... Alors voir Pika Edition prendre le risque de publier dans notre langue The Fable, c'est une aubaine, l'annonce de l'acquisition de la série en décembre dernier ayant fait l'effet d'une vraie petite surprise !

The Fable, c'est une série lancée au Japon en 2014 dans le Young Magazine de Kôdansha par Katsuhisa Minami, un mangaka jusque-là inédit dans notre langue, mais actif au Japon depuis 1999 où, à l'âge de 18 ans, il fut distingué au 41e prix Chiba Tetsuya pour les débuts de Naniwa Tomoare, une oeuvre dans l'univers des gangs (entre autres) qu'il a poursuivie jusqu'en 2014 (juste avant de commencer The Fable, donc) sous la forme de deux saisons, pour un total de 59 volumes. Entre cette oeuvre-fleuve puis The Fable, Minami s'est imposé comme un fer de lance du Young Magazine... et ça ne devrait pas s'arrêter là puisque, si The Fable s'est achevé en 2020 après 22 tomes (en plus d'avoir connu un spin-off d'histoires courtes), il s'agit en réalité d'une fin de première partie: à l'instar de Naniwa Tomoare, une deuxième partie est prévue, mais n'a pas encore démarré dans son pays.

Très remarqué au Japon, The Fable a su séduire son public pour sa recette assez unique, sur laquelle nous reviendrons pas la suite. Auréolée en 2017 du 41e Prix du manga de Kôdansha catégorie générale, l'oeuvre a aussi été adaptée une première fois en film live en décembre 2019, tandis qu'un deuxième film live est attendu pour juin au Japon (après avoir été reporté à cause de la situation sanitaire, puisqu'il était initialement prévu en février dernier).

"The Fable", c'est le surnom que certains ont donné à notre héros dans le milieu du crime, quand bien-même le principal concerné, toujours masqué lors de ses contrats, se définit comme un simple tueur pro. Yakuzas, hommes politiques, médecins, patrons, artistes... aucun homme n'échappe à ce tueur de génie, dès lors qu'on lui a sommé de le liquider. Et en six années d'activité, il a déjà ainsi liquidé 71 personnes dont nombre de gros bonnets, ce qui leur a valu une très solide réputation à lui et à sa fidèle assistante/chauffeuse Yôko. La série commence d'ailleurs sur l'un de ses énièmes contrats, qu'il expédie avec une efficacité redoutable, lui qui a été surentraîné pour tuer avec rapidité et précision, en moins de 6 secondes si besoin est... Et pourtant, juste après ça, son patron a un ordre d'un tout autre genre à lui donner: après une année particulièrement chargée, mieux vaut que lui et son assistante se mettent au vert, pendant un an. Une année complète qu'il faudra passer comme quelqu'un d'ordinaire, sans tuer qui que ce soit et en évitant tout problème, sans quoi le patron viendra lui-même les liquider. Et pour cela, voici donc le duo affublé d'une fausse identité, et sommé d'aller passer cette année au came à Ôsaka dans un appartement prêté par le clan Maguro, un gang de yakuzas travaillant avec le patron depuis plusieurs années.

Quand un génie du crime doit devenir un gars ordinaire: telle est l'idée de base de l'oeuvre, donc. Là où aurait pu s'attendre à une longue série mafieuse voyant le plus grand des tueurs accomplir nombre de missions, Katsuhisa Minami prend donc le parti inverse, chose très bien véhiculée par ce tout début violent avant que la mise au vert n'arrive. Et c'est bien ce qui devrait faire le sel de The Fable, tant, pour un homme dont la seule activité depuis des années est de tuer, devenir "normal" n'aura rien d'une sinécure.

Au-delà du cadre mafieux, The Fable est alors une série qui se veut surtout humoristique pour l'instant, un humour presque pince-sans-rire qui prête beaucoup plus à sourire régulièrement qu'à réellement éclater de rire. Ce côté comique, bien sûr, promet de surtout passer par le décalage de Fable vis-à-vis du monde qui l'entoure (il a un langage inadapté face au patron du clan Maguro, par exemple) et à son côté un peu "éternel ado" (son seul divertissement dans la vie: un comique de seconde zone), mais aussi par nombre de situations où son instinct de tueur pro est au garde-à-vous, comme quand il détecte les micros de l'appartement ou qu'il analyse chaque mouvement en combat de rue pour se faire passer pour un faiblard. Mais on sent déjà que la série ne s'arrêtera pas à ça, car d'autres choses se mettent déjà en place, entre les doutes que le lieutenant du clan a envers cet homme au point de vouloir le tester, la promesse de découvrir le background des personnages (ça commence déjà un petit peu pour Yôko, dont on entrevoit l'enfance et la façon dont elle a été recueillie par le patron), et la possible découverte de Fable de ce qu'est une vie "normale". Et puis, les personnages gravitant autour de notre héros devraient aussi apporter une part d'humour, à l'image de Takahashi qui fantasme un peu trop sur Yôko.

Visuellement, c'est efficace, très efficace même, en premier lieu pour les designs des personnages qui recherchent un certain réalisme, ce qui renforce plutôt bien l'humour plutôt pince-sans-rire. Mais au-delà de ça, Minami brille par sa mise en scène, son découpage clair, ses élans d'action aussi bruts que limpides, et surtout ses décors photoréalistes omniprésents qu'il utilise à merveille dans des angles de vue travaillés, bien souvent à hauteur d'hommes, pour un ensemble proprement immersif.

Quant à l'édition française, elle jouit en premier lieu d'une très bonne idée: une jaquette réversible, avec au verso la jaquette originale japonaise, et au recto une jaquette inédite s'inspirant de l'affiche du premier film live, avec un fond jaune où Fable s'affiche arme en main avec sur la tête son perroquet (un personnage animalier que l'on a hâte de voir entrer en scène). En somme, un très chouette travail de Tom Bertrand, le concepteur de la maquette de couverture. A part ça, on a droit à un volume souple, doté d'un papier légèrement crème sans transparence qui permet une qualité d'impression tout à fait convenable. Les choix de police sont convaincants, et la traduction soignée de Djamel Rabahi permet de s'imprégner facilement de la tonalité spécifique de l'oeuvre.


Chronique 1 :

Lui, on le surnomme « Fable », et nul ne sait que derrière sa cagoule se cache un homme assez jeune, mis à part ses employeurs et la demoiselle qui lui sert de chauffeuse. Toujours accompagné de son pistolet Nighthawk, il ne lui fait que quelques minutes et une poignée de balles pour que l'assassin touche sa cible. C'est un tueur à gage talentueux, aussi acclamé que redouté. Pourtant, il va devoir mettre de côté son activité pendant un an. Les ordres de ses supérieurs sont clairs : Le garçon et sa chauffeuse vont devoir vivre sereinement à Osaka, logé par un clan mafieux allié, sans en se faisant passer pour un frère et une sœur et sans faire la moindre vague, ni tuer qui que ce soit. La mission paraît simple mais pour un homme dont le seul passe-temps est son activité d'assassin, la tâche s'avèrera rude...

Avant sa parution chez nous, The Fable jouissait d'un solide petite réputation. Manga de Katsuhisa Minami, un auteur qui s'était distingué pour le long titre Naniwa Tomoare inédit chez nous, le titre fut publié entre 2014 et 2020 dans les pages du Young Magazine de l'éditeur Kôdansha, pour un total de 22 volumes et un recueil d'histoires annexes. La série fut aussi transposée au cinéma via deux longs métrages parus en 2019 et cette année au Japon, tous deux dirigés par le cinéaste Kan Eguchi. Une adaptation inédite chez nous mais qui mériterait de nous être proposée, puisque le manga nous parvient en ce mois d'avril 2021 aux éditions Pika. Son annonce fut une petite surprise en soi car étant donné la longueur de l'oeuvre et son ton, une parution francophone n'était pas des plus prévisibles.

Difficile de définir un genre pour The Fable, après lecture de ce premier tome. La série de Katsuhisa Minami, flirtant avec le thriller, la tranche de vie et la comédie, démarre sur les chapeaux de roue et dans un déluge d'action. Ce sont les compétences hors normes de « Fable » qui nous sont dévoilé, un assassin sans pareil dont le talent n'a d'égal son sang froid imperturbable. Et pourtant, le lecteur qui n'a pas lu le synopsis au préalable sera pris à contrepied par une intrigue qui joue de manière innovante avec la facette sanguinaire du protagoniste : Plus question pour lui de tuer, et c'est une année sabbatique en compagnie de sa camarade de mission qui l'attend. Dès lors, le récit se pose et dévoile une atmosphère unique, légère et qui s'amuse du monde mafieux. Cela passe par un « héros » imperturbable, une sorte d'éternel ado dont la source seule d'amusement est un comique de troisième zone. Lui et le commun des mortels, ça fait deux. Aussi, son rapport avec un gang inconnu d'Osaka étranger a de quoi faire rire. Ces derniers semblent ouvert mais se méfient en arrière-plan du jeune homme qui ne sait pas vraiment comment se comporter. Leur relation et les événements qui en découleront seront source de situations singulières qui consisteront à opposer le tempérament du tueur à l'impératif de ne pas tuer.

La recette, sur ce simple premier opus, s'avère assez réussie : Si on ne rit pas forcément à gorge déployée, l'ambiance dressée est immersive et amusante tandis que les situations s'enchainent de manière fluide, et que la narration épurée du mangaka fait ressortir la cocasserie de l'ensemble. Le plus gros défi de l’œuvre sera d'entretenir cette aura plaisante sur le long terme, et là est le danger pour les récits qui versent dans une formule humoristique précise. Il s'agira de ne pas tourner en rond, un piège qui pourrait être évité grâce aux petites idées que le mangaka pourrait être capable de décortiquer.

Car au-delà de l'opposition entre le protagoniste, un sacré original, et les situations, toute sa relation avec Yôko constitue déjà une touche à la fois douce et amusante, la jeune femme endossant le rôle de sœur dans plusieurs optiques. Du côté de « Fable », on comprend que le garçon n'en n'est pas arrivé là par hasard, aussi on s'attend à ce que le manga dans son ensemble développe son rapport au monde, et étoffe le background du personnage. Son quotidien paisible, contradictoire avec sa carrière de tueur, pourrait apporter beaucoup de choses en termes d'écriture, et c'est tout le bien que l'on souhaite à la série de Katsuhisa Minami.

Derrière une recette qui peut paraître simple, The Fable offre un premier tome véritablement convaincant, à la fois drôle et pêchu. L'ensemble en est-même touchant, très subtilement, dès lors qu'il s'agit de parler de la naïveté du personnage phare dans son rapport au monde, tandis que les situations propres à l'univers de la Pègre savent bien utiliser les atouts du tueur en hiatus. S'il est encore trop tôt pour affirmer la qualité de l’œuvre dans son ensemble, le démarrage constitue une bien bonne lecture, et pique notre curiosité quand à sa suite.

Concernant l'édition, Pika offre un travail de bonne qualité : Un format seinen agréable et un papier fin mais qualitatif forment un bel objet, mais on apprécie surtout que l'éditeur laisse le choix entre la jaquette revue pour le marché français et celle d'origine, via sa couverture réversible. Une belle initiative qui devrait inspirer les autres éditeurs qui s'adonnent à l'exercice, parfois douteux, du changement de jaquette, jetant alors certaines intentions de leurs auteurs à la poubelle.
La traduction, elle, est signée Djamel Rabahi qui offre un texte vivant et efficace, qui s'adapte très bien au ton du titre.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs