Sur la colline ou poussent encore ces fleurs Vol.1 - Manga

Sur la colline ou poussent encore ces fleurs Vol.1 : Critiques

Ano Hanagasaku Oka de, Kun to Mata Deaetara.

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 08 Novembre 2023

La dernière nouveauté manga des éditions Doki-Doki pour cette année 2023 est une courte série dont les deux volumes paraissent simultanément en ce début de mois de novembre: Sur la colline où poussent ces fleurs..., l'adaptation du roman inédit en France "Ano Hanagasaku Oka de, Kun to Mata Deaetara" (littéralement "Si je pouvais te revoir sur cette colline où les fleurs s'épanouissent") qui a été écrit par Natsue Shiomi, et dont la popularité au Japon fut telle qu'il connaîtra très bientôt une adaptation en un film dont la sortie en salles est prévue là-bas le 8 décembre. Prépubliée dans son pays d'origine en 2021-2022 sur le site Dengeki Comic Regulus des éditions ASCII Media Works, la version manga a été confiée à Daichi Matsuse,un mangaka que l'on connaît déjà dans notre pays pour trois autres adaptations réussies: celles des arcs 1 et 3 du light novel mondialement célèbre Re:Zero de Tappei Nagatsuki qui sont sorties chez Ototo, et celle du roman Rendez-vous au crépuscule de Tetsuya Yano qui est disponible chez Akata.

L'histoire est celle de Yuri Kanô, 14 ans, adolescente de notre époque. N'ayant jamais connu son père et vivant dans un appartement sentant le moisi en compagnie d'une maman qui semble peiner à joindre les deux bouts, cette collégienne a développé un côté très rebelle, étant lasse de répéter les mêmes tâches tous les jours, voyant le collège comme une prison au point de ne rien écouter en classe et de souvent sécher les cours, et trouvant sa mère lourdingue. C'est, d'ailleurs, après une violente dispute avec celle-ci que la jeune fille fugue et trouve refuge, pour la nuit, dans un abri antiaérien datant de la Seconde Guerre mondiale. Et c'est lors de cette nuit que sa vie bascule. Le lendemain matin, en se réveillant, elle constate avec surprise que la ville a disparu, laissant place à de la végétation et à des maisons de village qui semblent issues d'un autre temps. En entrant dans ce village, elle croise notamment la route de militaires qui lui semblent étrangement nombreux et parmi lesquels se trouve Akira Sakuma, jeune homme de 20 ans dont elle se rapproche facilement. De fil en aiguille, elle comprend vite qu'elle a été victime de ce que l'on voit dans tant de fictions: un voyage dans le temps l'ayant propulsée en 1945, dans la dernière ligne droite de la Seconde Guerre mondiale, un peu avant que le Japon ne capitule après le dramatique et très mortel durcissement du conflit que l'on connaît tous. Yuri a beau essayer de retourner à son époque en dormant plusieurs fois dans le même abri antiaérien, rien n'y fait. N'ayant nulle part où aller, elle est recueillie par Madame Tsuru, femme accueillante et empathique, qui la pense venue du village voisin qui a été bombardé et qui l'embauche dans son restaurant. Petit à petit, l'adolescente s'acclimate très bien à ce quotidien... mais au bout de celui-ci, quand les derniers drames de la guerre viendront frapper, quel sort les attendra, elle et son nouvel entourage ?

L'un des premiers intérêts de ce récit est de confronter notre jeune héroïne à un contexte passé qui est totalement différent de son époque d'origine en paix alors que, finalement, seule une poignée de décennies sépare ces deux périodes. Au départ, elle se promène avec les jambes à l'air, dans sa tenue de lycéenne, quand le port du monpe (un pantalon agricole traditionnel) est obligatoire, puis constate l'absence de commodités qui lui semblent si évidentes à son époque d'origine (comme les bains). Puis elle doit se confronter à certaines réalités de temps de guerre qui sont rapidité mais bien évoquées: la montée du prix de denrées alimentaires essentielles comme le riz à cause de sa raréfaction, le fait que nombre de jeunes filles habituellement à l'école se retrouvent à l'usine pendant que les hommes sont à la guerre, ou encore la dureté de certains militaires excessivement patriotiques au point d'être très violents envers tout ce qu'ils considèrent comme antipatriotique de manière arbitraire.

Le contexte est donc quelque peu rudimentaire, et souvent difficile à cause de cette période de guerre qui n'est bénéfique pour personne. Et pourtant, c'est dans ce contexte que la jeune fille découvre des personnes chaleureuses et avenantes comme Tsuru, Akira ou encore Chiyo (une amie qu'elle se fait, même si celle-ci reste malheureusement très, très en retrait dans ce premier tome), et qu'elle prend goût à des valeurs d'entraide et de bienveillance dont elle n'avait pas du tout conscience à son époque d'origine. Sans compter que, de manière prévisible est sans doute naïve dans ses grandes étapes, l'adolescente se met à nourrir des sentiments amoureux pour son sauveur Akira, qui arrive toujours au bon moment pour l'aider (c'en est presque magique), avec qui elle se sent apaisée ne serait-ce que quand il lui tient la main, tandis que lui la voit simplement comme une petite soeur (et heureusement, vu leur différence d'âge et le statut de mineure de notre héroïne).

La part sentimentale pourra éventuellement être ce qui convaincra le moins une part plus adulte du lectorat, tant elle joue sur quelques grosses ficelles un petit peu guimauves. Mais cette "candeur" a assurément son intérêt, non seulement pour éventuellement attirer un public plus jeune/adolescent afin de lui rappeler le contexte de la guerre qui tend à être oublié au fil des décennies, mais aussi pour cristalliser de plus belle ce contexte de guerre si difficile qui est en totale opposition avec les purs sentiments adolescents de Yuri. Un contraste qui prend encore plus de sens dans le fait qu'Akira est membre d'une unité d'attaque spéciale, l'une de ces unités dont les membres sont voués à être envoyés directement à la mort dans des missions-suicide. Forcément, alors qu'elle sait pertinemment que le Japon capitulera et que toutes les morts seront vaines, Yuri doit essayer de garder pour elle ce lourd secret, souffre de voir chaque jour Akira et ses amis militaires se préparer à mourir pour leur pays sans avoir trop d'autre choix, s'inquiète du sort à venir de Tsuru et de ses autres proches à l'heure où le conflit va s'intensifier et où les bombardements vont s'enchaîner. En son fort intérieur, elle aimerait tant pouvoir faire quelque chose pour eux, et convaincre celui qu'elle aime de ne pas partir vers une inutile mort certaine le jour venu... Mais dans le fond, que peut-elle y faire ? C'est là toute la tragédie qui se joue en apportant un vrai facteur humain assez touchant dans cette histoire. Et tout ceci, Daichi Matsuse l'accompagne efficacement avec son trait assez doux, sensible et parfois dur (les quelques phases de bombardements montrent de front la cruauté de la guerre, sans trop de gore mais avec dureté, dans un bon équilibre), ainsi qu'à travers de bons choix d'adaptation puisque, si l'on excepte le cas de la transparente Chiyo, tout semble couler de source.

A l'arrivée, on a donc un premier tome très convaincant dans l'ensemble, pour ce diptyque qui, en toute logique, devrait monter d'un cran en intensité tragique dans le deuxième et dernier volume pour mieux cristalliser ses sujets autour de la mémoire et de la valeur de la vie.

Côté édition, Doki-Doki livre une excellente copie: la jaquette reste fidèle à l'originale japonaise tout en s'offrant un logo-titre soigné, le papier bien épais et peu transparent permet une bonne qualité d'impression, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sont un plus appréciable, la traduction d'Arnaud Delage est très claire et bien dans le ton du récit, et le lettrage de Jean-François Leyssène est très propre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs