Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 17 Janvier 2025
Annoncée initialement pour 2024 par les éditions Vega, la série en deux tomes Stardust Family a finalement fait ses débuts dans notre langue en ce mois de janvier 2025, avec la parution de son premier tome aujourd'hui-même. De son nom original "Hoshikuzu Kazoku", cette oeuvre a été prépubliée au Japon en 2022-2023 dans le prestigieux magazine Comic Beam des éditions Enterbrain/Kadokawa. On la doit à Poroyama Aki, mangaka dot ce fut la deuxième oeuvre professionnelle, après le one-shot Marble Bitter Chocolate qui est inédit en France à ce jour et qui a lui aussi été édité au Japon par Enterbrain.
Ce récit nous plonge dans un Japon différent de celui que l'on connaît, puisqu'une mesure radicale y a été instaurée quelques décennies auparavant, en ayant d'abord suscité de vives réaction, mais en étant désormais totalement acceptée, quasiment comme une norme qu'il serait inimaginable de faire disparaître. Outre la natalité en chute libre dans le pays, il a été remarqué une recrudescence des actes de maltraitance envers les enfants, si bien qu'un idée se développa: les enfants ne pouvant pas choisir leurs parents, il a été convenu qu'il fallait sélectionner qui peut devenir parent. Ainsi le gouvernement a-t-il mis en place le "permis de procréer", qu'il faut obtenir en passant avec réussite un examen, pendant lequel un enfant-examinateur existant pour ça vient vivre pour quelque temps chez les candidats à la parentalité, afin de juger s'ils sont aptes à élever parfaitement une progéniture, sans jamais sortir des normes. De nombreuses aides étant en plus accordées aux parents "certifiés", le taux de fécondité est reparti à la hausse, et le peuple nippon a ainsi bâti cette sorte de "société idéale".
Le jeune Hikari est précisément l'un de ces enfants-examinateurs. Nonchalamment, il enchaîne les examens et donc les couples qu'il doit juger les uns après les autres, en évitant toujours de s'attacher, mais en ressentant visiblement en son for intérieur un peu de dégoût pour tout ça. Alors quand il est chargé d'examiner Daiki et Chisa Hirokawa, il n'est pas au bout de ses surprises: ils ont déjà échoué à deux reprises à l'examen par le passé, leur petite demeure vétuste et pleine de toiles d'araignée ne correspond d'emblée pas du tout à ce qui est exigé, le premier contact avec Daiki est loin de se passer de manière idéale... Néanmoins, le petit garçon a de quoi être intrigué quand cet homme le supplie de tout faire pour qu'ils échouent encore à l'examen. Pourquoi donc ? Que cache ce couple ?
La dystopie reste, encore et toujours, l'un des meilleurs moyens, dans la science-fiction, d'aborder avec originalité et force différents sujets de société, et c'est évidemment le cas ici aussi. Après avoir posé vite et bien son petit univers dystopique avec ce système bien ancré de contrôle des parents, Poroyama Aki arrive très facilement à intriguer sur le couple Hirokawa, sur qui les mystères s'enchaînent, avant que la suite du volume ne commence déjà à nous révéler tout ce qu'il faut sur eux, sur leur passé commun, sur leur parcours compliqué... Et c'est à partir de là que sont mis en évidence des sujets toujours impactants et, parfois, assez universels. Ainsi le background très humain de ces deux personnages permet-il à Poroyama Aki d'évoquer notamment le regard des autres, que ce soit celui qui peut être posé sur les proches (pourtant innocents) de criminels ou celui que l'on pose sur les personnes voulant tourner le dos aux normes établies, plus encore dans un contexte comme celui-ci où tout est sous contrôle. Sondant vite mais de façon suffisante le vrai fond du couple, le/la mangaka montre aussi, petit à petit, les gens comme eux, réellement soudés et soucieux l'un(e) de l'autre, qui ressemblent le plus à de vraies familles, loin de la manière dont tout est calculé chez les parents "certifiés". Et inévitablement, cela aura peu à peu un impact sur Hikari, en qui on devine déjà par petites bribes des douleurs passées liées à ses propres parents, douleurs auxquelles il lui faudra sûrement se confronter.
Le style graphique, lui, vise surtout à bien accompagner l'histoire. Pour un manga issu du Comic Beam (magazine souvent réputé pour la forte personnalité visuelle de ses auteurs), Poroyama Aki offre quelque chose de plutôt "sage" et convenu, mais de toujours très propre et clair, et avec tout de même quelques jolis jeux sur les regards évocateurs.
Il faut désormais espérer que tout se tienne bien, au vu de tout ce qui est installé ici et du fait que le tome 2 sera déjà le dernier. mais dans l'immédiat, Stardust Family fait bien le job sur ce premier volume prenant, l'idée de base étant bien utilisée pour aborder des sujets qui n'ont rien de nouveau mais qui sont mis en avant avec concision.
Côté édition, enfin, c'est très propre: la jaquette de Tom "spAde" Bertrand est fidèlement adaptée de l'originale nippone tout en bénéficiant d'un logo-titre plus percutant, le papier est certes fin mais est surtout souple et assez opaque, la traduction d'Alexandre Fournier est très limpide, et le lettrage assuré par Farid Daoud de Blackstudio est très propre.