Spectre de ton désir (le) - Manga

Spectre de ton désir (le) : Critiques

Onegai Erika Boku wo Ikasete

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 06 Novembre 2024

Après la série en trois tomes Share qu'elles publièrent en 2021-2022, les éditions Akata s'intéressent à nouveau au travail de Yuu Mitsuha avec ce qui est leur dernier one-shot-shôjo de 2024: Le Spectre de ton Désir, sorti en France à la fin du mois d'octobre. De son nom original "Onegai Erika Boku wo Ikasete" (pouvant être traduit littéralement par "S’il te plaît Erica, fais-moi partir" ou "S’il te plaît Erica, fais-moi jouir", un double sens qui se révèlera avoir son importance dans l'histoire), ce récit en 4 chapitres fut initialement prépublié au Japon en 2021 dans le Betsufura des éditions Shôgakukan, un dérivé du magazine Betsucomi qui a été lancé le 29 janvier 2020 et qui propose des shôjo abordant d'autres genres que la romance tels que la fantasy, le mystère...

L'intrigue de ce one-shot, elle, s'inscrit dans le fantastique en nous plongeant auprès d'Erika Yokoyama, une étudiante en école d'esthétique qui, à l'âge de 20 ans, voit actuellement sa vie bouleversée: alors qu'elle perçait dans le mannequinat grâce à son physique jugé mignon et attirant par tout le monde, une rumeur affirmant qu'elle a eu recours à la chirurgie esthétique a tout brisé, les haters s'en donnant à coeur joie pour la descendre,notamment en tirant parti des photos d'elles qui ont fuité et qui la montrent avec un physique moins facile lors de ses années de collège. Depuis, Erika a soudainement disparu de la scène médiatique, ne donne même plus de nouvelles à la société pour laquelle elle était mannequin, et passe son temps à fuir en se réfugiant dans des plaisirs simples comme la nourriture et le sexe. C'est précisément en cette période où elle est au plus mal, et où elle envisage même de mettre fin à ses jours, que la jeune femme voit apparaître dans sa vie nul autre que le fantôme d'un jeune homme, qu'elle est a priori la seule à voir ! Qui est-il ? Lui-même l'a complètement oublié. Tout ce qu'il sait, c'est que cela fait bien longtemps qu'il admire Erika au point d'en avoir fait son idole, et qu'il a le sentiment qu'il pourra trouver le repos uniquement quand celle-ci aura trouvé et prononcé son nom...

Alors qu'avec sa sortie à l'approche de Halloween, on aurait ou imaginer une histoire de fantôme un peu flippante, il n'en est rien. Bien au contraire, Yuu Mitsuha s'empare ici de cette thématique spectrale à des fins radicalement opposées, faisant de ce garçon fantomatique le ressort qui permettra peut-être à Erika de se relever face à ses regrets. Et des regrets, elle en a bel et bien, en particulier vis-à-vis des choix qu'elle a faits après avoir vécu une adolescence très difficile à cause de son physique. Tour à tour gentiment pervers tant il aime Erika, un petit peu flippant quand il veut la protéger de certains sales types, et drôle dans certaines de ses interactions avec elle, le fantôme permet à l'autrice de jouer sur différents tonalités bien dosées. Mais derrière ça, il dégage surtout une grande tendresse en voulant avant tout le bien de celle qu'il admire plus que tout, et brille particulièrement à travers les raisons expliquant pourquoi il l'aime. Des raisons qui ne trouvent aucunement leurs racines dans la beauté plastique d'Erika la mannequin, mais bien dans la force de caractère que put autre fois montrer Erika la collégienne moquée et brimée.

Surtout, de cette relation spéciale, Yuu Mitsuha tire, en seulement 160 pages environ, tout un propos suffisamment poussé et cohérent sur les côtés critiques de la société des apparences, entre les nombreux aspects hypocrites ou méchants des gens se basant uniquement sur le physique, les choix qu'Erika a été amenée à faire pour se tirer de cette méchanceté et de cette hypocrisie... avec, à la clé, deux idées essentielles qui en résultent: l'importance de savoir regarder les gens au-delà de leur apparence physique, et le fait que notre apparence n'appartient qu'à nous et qu'on est libre d'en faire ce que l'on veut. C'est d'autant plus prenant que la mangaka sait aussi distiller quelques brèves séquences riches en émotions et en sens (en tête celle avec les grands-parents), et qu'elle parvient à apporter quelques "surprises" dans son final. Sur ce dernier point, on pourrait presque trouver la tournure de cette fin un peu facile, mais dans les faits elle nous satisfait pleinement, au regard de ce que les deux personnages principaux ont pu traverser, s'apporter et vivre ensemble.

Exploitant sa part surnaturelle avec intelligence pour jouer sur différentes ambiances et surtout pour aborder des messages assez forts sur les apparences, Yuu Mitsuha livre un très bon récit court, qui est en plus servi dans une édition française très satisfaisante : le papier allie souplesse et opacité, l'impression est convaincante, Claire Olivier livre une traduction impeccable, Rindra R. propose un lettrage propre, et Clémence Aresu offre à la fois un logo-titre soigné et une jaquette bien pensée,qui reprend l'illustration de l'originale japonaise en la recadrant joliment.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs