Shibuya Hell Vol.1 - Actualité manga
Shibuya Hell Vol.1 - Manga

Shibuya Hell Vol.1 : Critiques

Shibuya Kingyo

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 09 Juin 2020

Les éditions Pika ont un certain goût pour les mangas d'horreur aux allures de série Z, où des créatures improbables remplacent les traditionnels zombies pour semer la panique dans les rues en dévorant tout le monde. On a notamment déjà eu les variantes "plantes carnivores" avec Green Worldz en 2016, et "poupées" via Dolly Kill Kill à peine quelques mois plus tard, pour des résultats qui pouvaient repartir tout aussi vite aux oubliettes. En ce printemps 2020, l'éditeur récidive donc dans ce registre avec Shibuya Hell, où la menace provient cette fois de... poissons rouges. Si si.

En cours de parution au Japon sous le titre Shibuya Kingyo depuis 2016 avec actuellement 8 tomes au compteur, l'oeuvre est la toute première de la carrière du dénommé Aoi Hiroumi, et est proposée au sein du Gangan Joker de Square Enix, un magazine shônen assez mûr ayant vu passer notamment les séries Dusk Maiden of Amnesia, les Mémoires de Vanitas ou encore Gambling School. Pour la publication française, Pika a toutefois choisi de placer l'oeuvre dans sa collection seinen, sans doute du fait de la part sanglante.

Car du sang, il y en aura forcément dans Shibuya Hell. Imaginez donc: Hajime Tsukiyoda, lycéen de son état, est un cinéphile amateur, venu passer sa scolarité dans le quartier branché de Shibuya uniquement dans l'espoir de pouvoir y filmer des choses sortant de l'ordinaire. Après tout, Shibuya est l'un des principaux quartiers de Tokyo et un des plus animés... Mais étant donné qu'il n'aime ni la monde, ni le bruit, ni tout ce qui est "bling bling", il a plutôt tendance à regretter son choix, d'autant qu'à part certains de ses potes personne au lycée n'a envie d'intégrer son club de cinéma. La situation semble pourtant changer le jour où, en sauvant des griffes de dragueurs un peu lourds sa camarade de classe Chitose, la plus belle fille et plus douce du lycée, celle-ci lui affirme être elle aussi fan de cinéma... La demoiselle le plus populaire du bahut s'intéresserait donc à ce qu'il aime ? Ca pourrait constituer enfin un événement sortant de l'ordinaire... C'est, du moins, ce qu'il aurait souhaité, avant qu'un événement encore plus dingue ne survienne dans la foulée: de façon inexplicable, le quartier tout entier de Shibuya se voit isolé dans une sorte d'aquarium gigantesque, où des poissons rouges géants et flottant dans les airs apparaissent tout aussi soudainement en attaquant les habitants pour les dévorer ! La menace pourrait paraître absurde, elle est pourtant on ne peut plus sérieuse. Lui qui voulait de l'extraordinaire, voila Hajime servi, mais pas forcément comme il l'espérait: la fuite peut commencer, dans un quartier fermé de toutes parts et où quasiment aucune échappatoire ne semble possible...

Ce qui est intéressant en premier lieu dès le départ de Shibuya Hell, c'est le statut de cinéphile amateur de son personnage principal: Hajime se dit fan de cinéma, pas forcément de séries Z mais de cinéma de manière générale. Dès lors, on imagine facilement que c'est aussi le cas du mangaka, et ça tend à se confirmer en voyant Hiroya Oku, lui-même très nourri de films de série B, recommander l'oeuvre. Mais c'est surtout via les idées de Hiroumi que l'on ressent un certain goût pour ce type de récit horrifique grotesque, pour ce type de séries B étant légion dans le monde du cinéma. Des menaces plus ou moins décalées, on a déjà pu en voir un paquet dans le registre de la série B horrifique, des insecte aux clowns en passant par les tomates, les blobs... et dans son désir de provoquer un certain décalage, une certaine absurdité, Hiroumi n'a pas à rougir avec son idée des poissons rouges. Car concrètement, qui, dans la réalité, aurait peur de ces petites bêtes barbotant en rond dans leur bocal en attendant qu'on leur file à manger ? Seulement, avoir une idée sympa de "méchants" ne peut pas se suffire à elle-même, et il faut parvenir à lui offrir derrière une certaine unicité et à bien l'exploiter, un point où Green Worldz peinait à convaincre et où Dolly Kill Kill se viandait. Est-ce différent pour ce premier tome de Shibuya Hell ? Oui et non...

Oui, car des idées, on en découvre pas mal par-ci par-là, essentiellement grâce à la volonté du mangaka d'exploiter les spécificités propres aux poissons rouges, en tête leur design assez réussi en grand format: qu'on soit clairs, ça reste des poissons rouges au regard vide et avec des têtes ahuries, et il est difficile d'en avoir vraiment peur, mais la plupart ont des designs assez diversifiés et, surtout, de grands yeux globuleux qui peuvent faire leur effet. Mais on appréciera surtout la ponte d'alevins donnant lieu à quelques petites doses de body horror peu ragoûtant, ou le besoin des héros de comprendre la fonctionnement des poissons rouges (notamment le fait qu'ils se repèrent surtout à l'odeur et au son) pour mieux échapper à la menace. Reste qu'il est pour l'instant parfaitement ridicule de les voir nager dans les airs (une pointe de grotesque collant bien au genre), et qu'il faudra à un moment ou à un autre un paquet d'explications pour justifier un tant soit peur toutes les interrogations qui viennent forcément à l'esprit du lecteur: comment est apparu cet aquarium géant ? D'où viennent ces poissons ? Quelle est la signification des petites phrases lambda qu'ils peuvent prononcer ? Comment peuvent-il voler dans les airs ?

Et non, car concrètement, au-delà de ces idées... eh bien, ce premier volume reste globalement dans tous les poncifs possibles, en tête desquels le cas de la fameuse Chitose et de son changement complet de ton aussi prévisible qu'hyper caricatural dans le rendu. Mais de manière générale, on se retrouvera à 100%, du moins dans ce premier tome, avec une palette de personnages principaux on ne peut plus stéréotypée, de l'idole au grand coeur à la femme-flic trentenaire célibataire tâchant d'accomplir son rôle protecteur. Et ne parlons pas des personnages secondaires, qui ont tout juste le temps de montrer 2-3 traits de caractère bien caricaturaux avant d'y passer dans l'indifférence. Très peu approfondis (ou alors de manière expéditive et banale, à l'image du petit désir de mariage de la policière ou du désir de l'apprentie idole de ne pas mourir pour ses fans) et très classiques, les protagonistes sont fort peu attachants... mais ce n'est pas le plus embêtant, car à certaines reprises Hiroumi fait trop dans l'invraisemblable (cette caméra restée totalement intacte dans une pièce où il y a eu des massacres dans tous les sens, cette chute de l'immeuble sans égratignure...), ou surtout cantonne certains personnages à de la pure idiotie (ce téléphone qui sonne pile au mauvais moment alors que c'est le premier truc à vérifier quand on est un minimum malin, et les deux concernés qui juste après beuglent de plus belle histoire de bien attirer les poissons...).

On aurait alors pu prendre plaisir à voir les plus neuneus mourir de façon grotesque, mais sur ce point il y a un problème: la plupart des "mises à mort" sont expédiées sans véritable éclat, voire sont un peu bordéliques quand les poissons et les onomatopées se mettent à être trop nombreux. Tout n'est pas toujours clair dans la mise en scène de l'auteur. Et même s'il y a de bonnes idées d'angles de vue parfois, elles se font rarement écho sur une page complète. En dehors de ça, le design des personnages humains est on ne peut plus standard: assez expressif, mais plutôt impersonnel. Reste alors le cadre de Shibuya, qui a évidemment une place importante ici: me^me si les décors sont généralement des photos un peu retravaillées, l'ensemble est assez immersif, et on prend plutôt plaisir à parcourir certains recoins bien connus du quartier en même temps que les héros dans leur fuite.

Vu comme ça, le bilan semble donc plutôt mitigé pour ce premier volume, et pourtant qu'on ne s'y trompe pas: pour qui aime le genre, ça se lit facilement. Malgré certaines crétineries, le concept, tout aussi absurde soit-il, apparaît pour l'instant mieux pensé qu'un Dolly Kill Kill ou qu'un Green Wordlz (en tout cas, à mes yeux). Et puis, il y a ces dernières pages qui parviennent à faire leur effet, en suscitant comme il se doit la curiosité, puisque l'oeuvre ne semble aucunement vouée à suivre un seul groupe de "survivants"...

"Cette histoire n'est pas la mienne. C'est celle du combat de tous ceux abandonnés à Shibuya ce jour-là."

Dès lors, malgré des limites qui peuvent tout à fait s'estomper sur la longueur, ce premier tome de Shibuya Hell accomplit globalement son rôle: une certaine curiosité est bel et bien éveillée au bout de ce qu'on pourrait presque voir comme un classique "tome d'introduction". L'idée de Pika de sortir le tome 2 en même temps que le premier volume n'est donc sans doute pas bête, afin de se faire une opinion plus poussée !

Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique non-corrigée fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs