She Wasn't a Guy Vol.1 - Manga

She Wasn't a Guy Vol.1 : Critiques

Ki ni Natteru Hito ga Otoko Janakatta

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 26 Juin 2024

Véritable phénomène au Japon ces derniers temps, le manga "Ki ni Natteru Hito ga Otoko Janakatta" (littéralement "La personne qui m’intéressait n’était pas un homme" ) débarque en France en ce mois de juin sous le titre "She wasn't a guy", grâce aux éditions Mangetsu. Le parcours de cette oeuvre au Japon est un peu particulier, puisque celle-ci est née en 2022 sur Twitter et a très vite été encensée par le public avec plus de dix millions de likes cumulés au fil des chapitres, si bien que les éditions Kadokawa, à partir d'avril 2023, ont décidé de lui offrir une publication professionnelle en version papier, cette dernière comptant deux tomes à l'heure où ces lignes sont écrites. Par ailleurs, le premier tome a dû être réimprimé très peu de temps après sa sortie au Japon, suite à son grand succès. Il s'agit donc là du genre de succès-surprise qui ne pouvait qu'attirer l'attention y compris en dehors du Japon, à tel point que, dans son pays d'origine, la série a même eu droit à de grandes publicités dans les métros, à des goodies et à des expositions. Evidemment, ce fulgurant succès a également offert une véritable consécration à son autrice Sumiko Arai, qui jusque-là se contentait modestement de proposer ses oeuvres en numérique à titre personnel sur internet. A présent, sa popularité est telle qu'elle compte plus d'un million d'abonnés sur Twitter/X et près de 500 000 followers sur Instagram, ce qui n'est clairement pas rien !

Cette tranche de vie nous immisce auprès d'Aya, une lycéenne populaire que certaines personnes qualifieraient volontiers de gyaru. Pourtant, elle a beau sembler suivre les modes et se la jouer fashion avec ses deux amies Chizuru et Mao, il y a un domaine où l'adolescent dénote, et il s'agit de la musique: Aya est une grande fan de rock, en particulier occidental et plutôt typé 90s au vu de la plupart de ses références, alors autant dire que les personnes de son âge ne captent généralement pas grand chose à ses goûts musicaux. La jeune fille est donc particulièrement ravie de se rendre régulièrement chez un disquaire où l'un des employés, un jeune garçon masqué à l'allure très rebelle et classe, a une passion pour le rock similaire à la sienne. A tel point qu'elle est totalement tombée sous le charme de ce mystérieux homme, et qu'elle ne cesse plus de parler de son crush à ses copines en classe... Ce qu'elle ne sait pas, c'est que son idéal masculin si charismatique est en réalité une fille, qui plus est l'une de ses voisines de classe, Mitsuki, adolescent à lunettes très discrète en cours ! Alors, que se passerait-il si, un jour, Aya venait à découvrir qui est réellement Mitsuki ?

Si le pitch de base est assez classique, de même que le format en très courts chapitres de quatre pages qui est assez typique des publications sur les réseaux sociaux, Sumiko Arai installe immédiatement un charme bien à elle grâce à différents éléments dont le premier est évidemment la culture rock qui imprègne très souvent les pages. On pense notamment à l'allure un peu street grunge de Mitsuki en tant que disquaire, mais surtout aux très nombreuses références à tout ce vaste courant musical, au gré de ce que nos héroïnes écoutent et partagent: de Nirvana à Radiohead en passant par Beck, Gorillaz, Pearl Jam, The Strokes et beaucoup d'autres, il y a un vrai plaisir, quand on est fan (comme moi), à voir passer ces références et à se retrouver à avoir en tête certains morceaux qui collent très bien à l'atmosphère du manga.

Une autre qualité évidente est l'impact narratif et visuel de l'autrice. Côté narration, Arai parvient à maintenir un rythme assez trépident pour une tranche de vie et à établir un vrai fil conducteur, si bien que même si les chapitres sont très courts, il y a aucune interruption, l'intrigue est continue et on ne voit pas défiler lesdits chapitres. Qui plus est, l'autrice a aussi le mérite de plutôt bien alterner les points de vue entre Aya (dont on suit quasiment exclusivement les pensées dans la première partie du tome) et Mitsuki (que l'on suit au plus près surtout dans la suite),en laissant ainsi le temps de bien nous plonger auprès de chacune d'elles pour nous y attacher facilement. Et côté dessin, la mangaka affiche un découpage sortant juste suffisamment des standards pour nous imprégner et porter comme il se doit la franchise du ressenti et des émotions des héroïnes, ainsi qu'un style assez travaillé dans les designs et dans les looks, et une expressivité mettant bien en valeur l'intensité de ces jeunes filles. Surtout, la principale originalité graphique se voit dès la jaquette et provient de l'omniprésence d'une teinte verte qui, à chaque page, enrichit et met en évidence différents éléments de façon plus ou moins marquée. Eventuellement étonnant sur le coup, le rendu ne manque pas de charme.

En somme, il y a tout ce qu'il faut en matière de rythme, d'ambiance, de références, pour accompagner comme il se doit les premiers pas d'une relation pas comme les autres, démarrant sur un malentendu que le titre de l'oeuvre retranscrit très bien, et nous maintenant accroché tant on se demande comment évoluera la situation entre Aya et Mitsuki dès lors que la vérité sur le statut féminin de cette dernière sera dévoilé aux yeux de sa camarade. Le crush d'Aya va-t-il durer malgré tout , Si oui, va-t-elle réussir à l'assumer ? Leur lien va-t-il plutôt tourner à l'amitié ou tout bonnement s'arrêter là ? Fort heureusement, Sumiko Arai ne rallonge pas inutilement la sauce de ce côté là et finit assez vite par faire évoluer les choses, éventuellement au gré de quelques épreuves: le risque pour Aya de s'éloigner de ses fidèles amies, la peur de Mitsuki de lui dévoiler la vérité, les maladresses de ces deux jeunes filles côté communication... sans oublier la place que prennent d'autres figures secondaires comme Kei (un camarade de classe qui semble déjà prendre beaucoup de plaisir à observer nos deux héroïnes) où Joe, le disquaire oncle de Mitsuki et attentionné envers sa nièce. Dans tous les cas, Aya et Mitsuki dégagent quelque chose de sincère et touchant, un peu à l'image de la musique qu'elles adorent, si bien qu'on n'a aucune difficulté à se laisser emporter parles débuts de leur histoire commune.

Une fois arrivés au bout de ce premier tome, on comprend alors facilement ce qui a pu faire de cette oeuvre un vrai petit phénomène, et il est certain qu'on en découvrira la suite avec plaisir, d'autant plus que l'édition française est largement à la hauteur. En effet, derrière la jaquette très fidèle à l'origine nippone (et ayant la bonne idée d'épurer un peu les textes, très présents sur la version japonaise, pour mieux mettre en valeur l'illustration), on trouve un grand format appréciable, un papier bien épais et opaque mettant une excellente qualité d'impression, un lettrage très soigné de Lucie Archambault, et une traduction moderne et très naturelle de la part de Morgane Paviot.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs