Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 17 Juillet 2025
Pan éditorial boudé chez nous, le Teen’s Love a droit à une reconnaissance depuis peu dans nos étalages. Deux éditeurs ont particulièrement assumé ces récits : Meian avec sa collection Teens Love, mais aussi Taifu Comics et son label Cripsy Love. Ce dernier est d’ailleurs le premier à avoir lancé les hostilités avec une première fournée de titres. Parmi eux, See u on Friday, Baby violet de Hiro Eguchi, une mangaka spécialisée dans les œuvres érotiques à destination du lectorat féminin. Taifu semble faire d’elle l’une des premières égéries de sa collection puisque, outre les deux volumes de la courte série, l’éditeur a aussi publié son one-shot XXX Lecture. Une démarche d’autant plus appréciable que le premier tome, dont il est question dans cette chronique, se révèle particulièrement satisfaisant.
Sumire Mizuno est une employée de bureau dans la vingtaine qui excelle dans son domaine, mais qui s’avère peu sociable. Derrière cette facette sérieuse se cache une jeune femme complexée par sa virginité, qui l’exulte à travers un compte érotique anonyme sur les réseaux sociaux, par lesquels elle se présente sous son plus simple appareil via des photos aguicheuses. Par son travail, elle fait la connaissance de Shûji Murasaki, designer d’une société de lingerie dont les créations relèvent de la passion. Ce dernier a reconnu celle qui se cache derrière le compte coquin, et leur rencontre lui paraît providentielle. Prêt à garder le secret concernant les activités de Sumire, il ne lui demande qu’une chose : essayer ses prototypes de modèles. En contrepartie, la jeune femme a une demande : que Shûji fasse l’amour avec elle.
Exclusivement centrée sur ses deux protagonistes, l’histoire narrée par Hiro Eguchi sait parfaitement traiter ses sujets de prédilections, et par conséquent la psychologie des deux figures concernées. D’un côté, une Sumire complexée par sa virginité et, de l’autre, Shûji peine à trouver l’assurance pour honorer ses rêves de stylisme en lingerie. Ce premier tome est en réalité un opus autosuffisant qui aborde les dilemmes de ces personnages tout en croquant habilement leur relation. De leur rencontre à la dernière page, c’est leur histoire et leurs évolutions côte à côte qui nous sont dépeintes dans un rythme rondement mené qui sait enchaîner les quiproquos, situations torrides et progressions des sentiments des protagonistes.
La subtilité du récit vient aussi de l’importance de la lingerie féminine en toile de fond. Loin de seulement habiller l’érotisme de l’ouvrage, elle pousse de vrais questionnements sur la vision que peut avoir la gent masculine sur ces vêtements en opposition avec le côté pratique mis en relief par l’écriture féminine de l’intrigue. C’est non seulement charmant en termes d’esthétique, mais aussi pertinent sur le plan narratif.
Puis, il est indéniable que le trait expressif et anguleux de la mangaka donne un cachet tout particulier aux scènes de rapports charnels. Puisque l’on découvre véritable ce pan du manga sous son appellation Teen’s Love, il convient de noter que les séquences sont explicites, et que l’œuvre n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. Pour dépeindre son érotisme, l’autrice sait utiliser les tempéraments de ses protagonistes, y ajouter l’élégance de la lingerie et raconter de véritables échanges humains dans chaque rapport. Un équilibre d’autant plus présent qu’il est découpé en une progression à base de préliminaires, donnant une sorte de schéma narratif à cette relation charnelle qui se développe entre Sumire et Shûji. Si le trait de Hiro Eguchi ne va pas forcément convenir à toutes et à tous (mais que votre serviteur a adoré), ce que la portée explicite de l’ouvrage raconte est particulièrement prenant.
Il en résulte un opus vraiment convaincant, porté par des personnages attachants et ponctué de moult petites subtilités, pour l’une des premières approches frontales du Teens’ Love par les éditions Taifu. On n’évite pas certains écueils tels que des quiproquos un poil grossiers, mais le reste du tome est suffisamment bon pour qu’on n’y prête guère attention. Si l’ouvrage se suffit à lui-même, on est quand même enthousiastes à l’idée de retrouver les deux protagonistes dans un deuxième opus sous-titré « Re:play ».