Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 12 Avril 2023
Chacun de leur côté, Asami et Hojo continue d'œuvrer, afin d'atteindre leur « Sanctuary ». Hojo se charge de la société de l'ombre, et tire les ficelles d'un conflit entre groupes du kanto, qu'il aura pour tâche de résoudre en un temps record. De son côté, Asami doit s'imposer après avoir été mis sur la touche. Aux côtés de deux nouveaux alliés, il va devoir opérer un coup de maître pour fédérer d'autres partis à sa cause, et œuvrer pour la chute du puissant Isaoka, digne représentant d'un Japon vieillissant...
La recette de Sanctuary ne change pas d'un pouce avec ce troisième épais volume : Le récit de Sho Fumimura et Ryôichi Ikegami continue de narrer une double ascension, celle de deux compères, qui œuvrent pour la conquête du Japon dans ses deux dimensions : Son monde politique et son monde de l'ombre. Mais si le schéma demeure inchangé, les multiples rebondissements développés par le scénariste continuent d'entretenir une énergie tout le long de la lecture. Alors, quand bien même l'un des deux pans de l'intrigue nous plairait plus que l'autre, Sanctuary garde ce côté addictif, tant tout est subtilement dosé, jonglant entre le thriller politique, le récit de yakuza et le drame de société, dans un ensemble toujours aussi brillamment mis en dessin par le monstre qu'est Ikegami. L'artiste dépeint une œuvre visuellement très marquée par son époque, par la noirceur de son trait ou l'élégance de ses personnages, ce qui constitue aujourd'hui une sorte de bouffée d'air frais, paradoxalement.
Et si en termes de divertissement Sanctuary constitue assurément une lecture forte, son propos ne manque pas de dérouter son lecteur. Il faut dire que la symbolique même de l'histoire reste forte, et narre la conquête d'un Japon vieillissant et autoritaire par deux jeunes individus qui veulent apporter du neuf au pays, afin de redorer son blason. Dans ces objectifs, il y a toujours un petit côté nationaliste, par l'omniprésence de la question d'une fierté bien nippone. Pour autant, Sho Fumimura sait apporter quelques nuances quand il le faut, élargir ces opinions et donner un sens beaucoup plus humain au sous-texte de l'œuvre. Tout ce segment se ressent surtout par la route du personnage d'Asami, l'épisode de sa rencontre avec Mme Bisset, la représentante du gouvernement allemand, étant d'ailleurs assez fort. Lire Sanctuary peut demander de mettre un tantinet sa vision sociétale de côté, une démarche qui en vaut la peine tant le récit présente bien des nuances. Car il faut aussi remettre l'écriture dans son contexte, celui du début des années 90.
Mais c'est bien le thriller social qui finit par dominer, en fin de compte. Si les enjeux politiques apportent énormément à la force du manga, la succession de rebondissements et les enjeux grandissants donnent un rythme encore plus haletant au dernier segment du tome, en amenant plusieurs notes de suspense quant au devenir des personnages centraux. Si Asami et Hojo sont montrés comme intouchables depuis les débuts, la fin de l'ouvrage rééquilibre les choses. Il ne reste d'ailleurs plus que deux tomes avant la fin de Sanctuary, et jamais l'attente de la suite n'aura été si forte, depuis les débuts.