Rouge et le noir (le) - Actualité manga

Rouge et le noir (le) : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 27 Mai 2011

"Général Napoléon... J'ai remporté une bataille aujourd'hui."

Après avoir entamé sa collection "Classiques" avec l'adaptation du Capital, les éditions Soleil récidivent en s'attaquant simultanément à deux chef-d'œuvre de la littérature française. Pourtant, qu'il semble difficile de trouver son public avec "Le Rouge et le Noir", titre qui aura fait frémir de nombreuses générations de lycéens, dont votre serviteur a fait partie, par sa relative complexité et son contexte historique très marqué. Comment peut-on d'ailleurs adapter un roman si riche en un manga de moins de 200 pages, sans dénaturer le récit ? Avant de se lancer dans les hostilités, l'éditeur nous prévient que ce titre n'a nullement l'intention de remplacer la version littéraire d'origine, mais au contraire d'inciter les lecteurs à se plonger dans le récit de Stendhal dans son ensemble. Le pari est-il réussi ?

Avant toute chose, établissons le synopsis de l'œuvre, bien que le terme ne paraisse pas très bien approprié devant un tel monument : Nous sommes au XIXe siècle, dans une petite ville de Verrières où vit un fils de charpentier, du nom de Julien Sorel. Passionné par le mythe de Napoléon, Julien rêve de se hisser en haut de la hiérarchie sociale, chez les puissants. Mais le rouge de l'armée ayant perdu de sa superbe, le jeune homme vise la voie du noir ecclésiastique. Recommandé par son mentor l'abbé Chélan, Julien se retrouve du jour au lendemain précepteur des enfants chez Monsieur De Rênal, maire de la ville. Son charisme et son intelligence seront rapidement remarqués et sollicités, tandis que sa beauté ne laissera pas indifférente Louise, la maitresse de maison. Julien comprendra alors son pouvoir de séduction et conquerra les faveurs de son employeuse, et que l'Amour pourrait bien être le sésame qui lui ouvrira toutes les portes vers la haute-société... à moins qu'il ne cause sa propre perte ?

Julien Sorel, l'archétype du protagoniste téméraire et ambitieux, aux qualités indéniables et au charisme certain : cela ne pouvait faire qu'un héros de manga idéal ! Malgré son aspect volontairement efféminé, sans doute pour s'attirer les faveurs du public féminin, force est de reconnaitre que le studio Varietty Artworks rend honneur à toute la complexité du personnage de Stendhal. Tantôt volontaire et opportuniste, son regard s'allume lorsqu'un chemin s'ouvre à lui, sans jamais fomenter de mauvais coups indignes à sa fierté; tantôt candide, sa jeunesse ressurgit lorsqu'il se retrouve pris au piège de l'Amour et dans de sombres complots. S'il faudra se replonger dans le roman pour saisir toute sa psychologie, l'essentiel est là, dépeint en quelques chapitres bien saisis. On regrettera en revanche l'inégalité des personnages féminins : si Mathilde offre quelques bons moments par son caractère égocentrique et passionné, Louise De Rênal ne dépasse hélas jamais le statut d'amante déplorée. Les autres intervenants secondaires sont quant à eux relativement basiques, tant dans leur expression que dans leur style : on reconnait aisément les méchants des gentils, les quelques retournements de veste s'exprimant jusqu'au physique.

Comparé au Capital, où il aura fallu inventer un scénario original, l'adaptation du roman de Stendhal pourrait sembler plus aisée : c'est là sous-estimer les nombreuses thématiques de l'oeuvre qu'il convient de mettre en lumière ! Le Pouvoir, la Religion, l'Amour, la Mort,... tout s'entremêle de manière très équilibré au fil des épisodes. Il ressort de cette adaptation japonaise une vision d'une France sublimée, voguant entre les illusions perdues et le retour d'un noblesse à qui tout semble permis. On aurait en revanche espéré que la lutte des classes s'exprime d'avantage, hors de la bouche de Julien. La religion, quant à elle, se présente d'avantage comme une autre forme de pouvoir que sous une vraie dimension spirituelle, hormis le caractère dévot de Louise se croyant maudite par son péché. Et l'Amour, dans tout ça ? Déclarations enflammées mises de côtés, les auteurs parviennent à garder l'ambiguïté autour des sentiments qu'entretient Julien pour ses amantes. Parfois, on s'étonne aussi de voir poindre une certaine modernité dans les relations entre personnages, s'attirant de manière très légère.

Le graphisme, quant à lui, s'avère peu marquant, suffisamment passe-partout et acceptable pour ne rien gâcher, même si l'on ressent parfois quelques inégalités et maladresses chez les personnages. Bien que discrets, les décors font preuve par moment d'une vraie minutie, témoignant d'un travail de reproduction abouti tout en restant naturel. Le seul véritable bémol viendra d'une mauvaise manie du(des) dessinateur(s) à incorporer des expressions typiques du manga peu appropriés, dénaturant parfois quelques scènes-clés de l'œuvre. Mais dans l'ensemble, le tout se lit avec une certaine aisance, sans crier au génie.

Du côté de l'édition, Soleil semble avoir pris quelques leçons suite à la parution du Capital, en offrant un ouvrage convaincant, et optant toujours pour un sens de lecture français pour atteindre un public particulier. On adhère d'ailleurs à l'adaptation en français des onomatopées, même si certaines d'entre elles (les plus verbales) dénaturent quelque peu l'ambiance du titre. En effet, la traduction opte pour un langage soutenu et d'époque, avec des expressions du plus bel effet pour renforcer l'immersion. Du très bon travail dans l'ensemble !

Ainsi, en l'espace d'un seul volume, Le Rouge et le Noir version manga parvient à faire ressentir l'essentiel du roman original, en mettant en lumière un héros passionnant. Le pari des "Mangas de Dokuha" que suit aujourd'hui Soleil est une nouvelle fois réussi, et même s'il est présomptueux de dire que ce manga se suffit à lui-même, les idées qu'il prend à Stendhal suffisent pour offrir un moment de lecture très agréable et sans temps morts. Sur ce, je vous laisse et m'en vais retrouver mon enseignante de français pour lui conseiller ce titre... sans rancune !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Tianjun
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs