Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 18 Septembre 2023
En ce mois de septembre, les éditions Soleil Manga inaugurent une toute nouvelle collection dédiée à la gastronomie et nommée "Gourmet", pour laquelle L'idée est de permettre aux lecteurs et lectrices de découvrir la cuisine japonaise et internationale de façon ludique. Deux oeuvres ont, ainsi, été lancées cette semaine. L'une, Today's Burger, explorera l'univers de hamburgers au fil de ses 18 tomes. mais c'est l'autre titre, plus modeste, qui nous intéresse ici, à savoir La Reine des Gyozas, un one-shot d'un peu pus de 120 pages dont les 8 courts chapitres ont initialement été prépubliés au Japon en 2020-2021 dans le magazine en ligne Comic Trail de l'éditeur Hôbunsha. Il s'agit de la première (et à ce jour unique) série de la mangaka Yûsuke Kanmera (également appelée Miri Nanase), qui est ici accompagnée, à la supervision, de Paradise Yamamoto, un véritable touche-à-tout (comme nous le fait bien comprendre sa biographie en début de tome) qui tient notamment un restaurant de gyozas entre autres activités très diverses.
Notons quand même tout de suite qu'à l'origine, l'oeuvre était prévue pour posséder plusieurs tomes, comme le laissent comprendre le "1" sur la jaquette japonaise et la présence d'une bande-annonce d'un tome 2 en fin de volume. Mais il n'y a finalement, à ce jour, jamais eu de suite, si bien que pour l'édition française Soleil a choisi de présenter l'ouvrage comme un one-shot. Est-ce gênant ? Eh bien pas vraiment, car même si l'enjeu d'un festival de gyôzas était préparé à la fin de cet unique volume, le format-même de l'oeuvre, très épisodique et typé tranche de vie, fait qu'il n'y a pas de frustration particulière une fois la dernière page tournée. Tout au plus aura-t-on un goût de trop peu puisque, au bout de ces 120 pages et quelques, on sent qu'il y avait encore un paquet de choses à explorer autour du merveilleux monde des gyozas.
Ici, notre "reine des gyozas" n'est autre que Yonagi, une jeune femme tenant un discret petit restaurant de gyozas où il n'y a pas forcément beaucoup de clients, mais où tous les clients l'ayant testé ont envie de revenir tant les mets servis par les doigts de fée de la gérante sont succulents ! A partir de là, le schéma est plutôt simple: on va suivre le quotidien du restaurant et de sa patronne, notamment au gré des clients qui y viennent, mais pas que. Quand on ne découvre pas les habitués du lieu qui connaissent Yonagi depuis un moment, on suit la cuisinière réconforter ses nouveaux clients avec des menus adaptés (qu'il s'agisse notamment d'une employée éreintée ou d'une romancière en panne sèche), concevoir des menus économiques, ou partager des gyozas entre amis. Certains événements viennent aussi ponctuer le récit, comme la recherche d'un employé pour aider Yonagi lors d'un festival (qu'on ne suivra finalement jamais, vu qu'il était a priori prévu dans le tome suivant). Et le restaurant n'est pas le seul lieu où se déroule l'oeuvre: quand on ne suit pas une cliente chez elle pour découvrir comment accommoder des gyozas surgelés, on a l'occasion de retrouver Yonagi dans sa demeure pour tester son nouveau menu.
L'oeuvre ne suit alors pas tout à fait un schéma bien défini, comme pourrait le faire la Cantine de Minuit, manga paraissant en France chez Le Lézard noir et reposant un peu sur la même idée de base. De ce fait, on a l'impression que les auteurs partent parfois un peu dans tous les sens, d'autant plus qu'ils jouent sur différentes ambiances à la fois, entre une héroïne qui apparaît souvent un peu perchée voire flippante auprès des clients qui ne la connaissent pas encore, des personnages parfois un peu illuminés, et un dessin qui se veut régulièrement. Et pourtant, globalement la sauce prend, notamment grâce à certains moments assez chaleureux, aux dessins des plats qui ont généralement de quoi donner facilement faim, aux pages entre les chapitres donnant quelques petites recettes et listes d'ingrédients, et à quelques petits commentaires et conseil du superviseur Paradise Yamamoto.
Soleil a également le mérite d'offrir une édition correcte: la jaquette reste assez proche de l'originale japonaise, les quatre premières pages en couleurs sont un chouette petit plus, l'impression est honnête, le papier est assez épais et plutôt agréable malgré une légère transparence parfois, le lettrage du Studio Charon est convaincant, et la traduction de Guillaume Mistrot est suffisamment claire malgré une bulle étrange où Yonagi vouvoie puis tutoie un personnage dans la même phrase vers la fin.
Sans grosse prétention, et malgré son statut d'oeuvre abandonnée au Japon, La Reine des Gyozas se révèle être une petite lecture assez agréable dans l'ensemble. On aurait pu s'attendre à découvrir plus de choses sur les gyozas (d'autant que, même s'il y en a, les fiches recettes et ingrédients restent plutôt succinctes), mais l'ensemble dégage un certain charme, et a le mérite d'être à moindre frais pour quiconque souhaiterait essayer cette nouvelle collection Gourmet. Et cela, même s'il faudra accepter quand même de payer 8,50€ pour moins de 130 pages en format standard.