Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 14 Mars 2013
Les Français (ou du moins, ceux qui s'intéressent aux mangas horrifiques pas nécessairement connus) connaissaient déjà Ochazukenori avec Le Manoir de l'horreur, dont la parution débutait chez Delcourt en 2004. La série, en dix volumes, proposait une flopée d'histoires courtes d'épouvante. Deux ans plus tard, Réincarnation, un one shot basé sur ce même principe d'histoires courtes horrifiques est lui aussi licencié dans nos contrés.
Au total, sept petites nouvelles composent cet unique volume. Sept récits d'intérêt variable, qui mettent en avant malédictions, assassinats et créatures mortellement dangereuses en tout genre. Malheureusement, un constat s'impose à la fermeture de l'ouvrage : la quasi totalité des histoires est linéaire, et souvent dénuée d'originalité.
Un exemple concret avec « Le manoir du professeur Berg » : Il y a bien longtemps, vivait un professeur nommé Berg dans un manoir. Celui-ci avait pour hobby peu banal de parcourir les ruelles de sa ville pour y assassiner de jeunes filles, de les découper, puis d'essayer de créer un être unique (belle perte de temps, soit dit en passant) avec les parties adéquates des corps de ses victimes. Sa mère finit par ne plus supporter la cruauté de son fils, et décida de le tuer, avant de se donner elle même la mort. Deux cent ans plus tard, un groupe d'adolescents décide d'explorer cette demeure dont on dit que chacun de ses propriétaires sont morts dans d'atroces souffrances.
Le recueil date certes de 1996, mais même à l'époque, c'était du déjà vu. Les histoires sont très courtes et se contentent la plupart du temps d'accabler ses protagonistes de malheurs avant de se terminer avec le pseudo cliffhanger de l’éternel recommencement typique (Le monstre rôde toujours, la réincarnation recommencera, la malédiction perdurera...).
Pourtant, on peut lire sur le site de Delcourt la phrase suivante : « C’est donc avec sept histoires courtes qu’Ochazukenori va continuer à explorer et à éclairer les zones d’ombres des méandres du cerveau humain ». Effectivement, on sent cette volonté de l'auteur de mettre ses personnages dans des positions générant des dilemmes qui soulèvent des questions intéressantes. « Pourrais-je tuer ma fille si cela pouvait sauver d'autres vies ? », « Jusqu’où ma culpabilité me poussera-t-elle ? » et caetera. Du remord à la déception, en passant par les regrets et la peur, Ochazukenori pousse à l’extrême les comportements humains pour mieux les décortiquer.
Trois problèmes viennent entraver cette démarche pourtant prometteuse :
-C'est beaucoup trop convenu (au contraire des travaux de Junji Ito, par exemple), et la réflexion reste superficielle.
-Le lecteur n'a pas peur, et c'est là le point le plus dérangeant.
En effet, pour mieux faire passer sa volonté d'analyse des comportements humains, l'auteur décide d'utiliser l'horreur, un moyen efficace qui a déjà fait ses preuves. Seulement, les histoires ne sont absolument pas effrayantes, à cause d'une immersion quasi-impossible.
Et la faute en revient aux graphismes. Que l'on aime ou pas, là n'est pas la question, le style est ce qu'il est, mais il est inadéquat lorsqu'il s'agit d'effrayer. Il est simple, très simple, souvent brouillon et la mise en scène parfois difficile à comprendre. Lire un manga dont la narration n'est pas fluide freine considérablement l'immersion, mais en plus, l'auteur représente ses personnages de façon si basique et peu détaillée qu'on les confond souvent entre eux. Ces graphismes représentent mal les expressions faciales comme la peur, et les passages « gores » ne produisent aucun effet.
Bref, le plus gros défaut de l’œuvre se situe dans ses graphismes qui produisent une réaction de cause à effet qui terni considérablement la totalité de l'ouvrage.
L'édition de Delcourt est de bonne qualité, et il est toujours appréciable de lire un manga dans un plus grand format, même si au vu des dessins, il sert plus à rendre un peu plus compréhensible un découpage déjà trop serré qu'à mettre en valeur les illustrations. On appréciera la postface la petite interview de l'auteur.
Avec Réincarnation, Ochazukenori nous livre un recueil d'histoires horrifiques qui parviennent à distraire le temps de la lecture, mais la volonté première de l'auteur est un échec. À réserver aux fans ultimes du genre.