Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 16 Novembre 2020

Initialement une série d'animation produite en 2002 et réalisée par Yutaka Izubuchi au sein du studio Bones, RahXephon a une réputation particulière. Histoire solide gagnant en profondeur au fil des épisodes et des visionnages, elle est régulièrement décriée par les fans d'Evangelion, comme un vulgaire plagiat. Une opinion finalement délirante puisque l’œuvre d'Izubuchi a très clairement sa propre identité, et sait utiliser ses éléments mystiques pour nourrir un univers qui lui est propre, tout en plantant des personnages bien différents.

Comme beaucoup de séries animées, RahXephon a eu droit à sa propre version manga, publiée avant même la diffusion de l'oeuvre originale. Lancée en 2001 dans le magazine Sunday GX des éditions Shôgakukan, l'adaptation s'achèvera tout début 2003, avec la parution de son troisième et dernier volet. Elle est signée Takeaki Momose, un mangaka n'ayant plus trop d'actualité, et qui a surtout signé des œuvres ecchi. En observant son CV, tout porte à croire qu'il n'était pas le choix le plus judicieux pour dessiner le manga RahXephon, et la lecture de ce premier tome va confirmer cet a priori...

Dans cette version manga, la vision de RahXephon est nettement différente de l'histoire de l'anime. Ayato Kamina est un adolescent qui vit paisiblement à Tokyo, aux côtés de Reika Mishima, sa cousine qu'il considère comme une sœur. Son quotidien aux côtés d'elles et de sa petite-amie, Hiroko, va changer du tout au tout lorsque la ville est attaquée. Abordés par de menaçants individus à ce moment, Ayato et Reika sont sauvés par Haruka Shito, une infiltrée qui mène le garçon rencontrer son destin face à RahXephon, un dieu mécanique endormi qui s'éveille au contact du jeune garçon. A bord du robot, Ayato parvient à s'échapper, lui et ses deux acolytes, pour regagner le véritable monde dont il ignorait l'existence. Il découvre ainsi la complexité des rapports entre un Tokyo contrôlé par l'organisation Mu, et le reste du monde où agit Terra, une organisation gouvernementale anti muliens.

Les premiers pages de ce premier volume sont déroutantes pour quiconque serait passé par l'anime, puisque le plot de départ respecte le lancement de l'histoire originale tout en bouleversant certains de ses éléments. Camarade de classe d'Ayato presque mystique au départ, Reika devient la cousine du jeune homme. Mais rien de grave après tout, l'idée d'une autre version de l’œuvre pouvant se montrer pertinente si elle est bien exécutée... Ce qui n'est absolument pas le cas dans ce début d'histoire. Car en soit, le contexte de la série est retranscrit correctement, dans une certaine mesure, dans le sens où les principaux personnages répondent présent, et qu'on retrouve le conflit entre Mu et le reste du monde, dans lequel est projeté un Ayato voué à piloter RahXephon. Mais c'est bien le seul rapport cohérent entre les deux supports, Takeaki Momose ayant jeté tout ce qui existait d'onirique et de subtil dans l'histoire de Yutaka Izubuchi à la poubelle.

Car au milieu de ce début de guerre, assez succinctement raconté d'ailleurs, si bien que les explications sur le contexte ne sont livrées qu'en fin de tome, c'est surtout la comédie aux airs frivoles qui domine. D'entrée de jeu, le mangaka se plait à présenter une Reika cousine du héros, et qui lui fait du gringue à chaque instant. La suite suivra cette voie en faisant de Haruka et de Sayoko, la froide mais complexe assistance de Kisaragi dans la série d'origine, une simple bimbo jouant de ses attributs pour séduire le protagoniste. Comme présenté dans les notes des auteurs en début d'ouvrage, ce début de RahXephon a une volonté érotique particulièrement marquée, et développée sans aucune finesse. Celle-ci prend même une certaine place, au point que la guerre entre Terra et Mu ne semble, parfois, qu'un élément annexe du scénario.

Quid alors de l'intrigue pleine de mystère, qui nous tenait captif dans la série animée ? Pour l'heure, cette ambiance obscure n'est qu'à peine effleurée, les points d'ombres n'étant soient pas présent, soit à peine effleurés, et sans doute pas suffisamment pour piquer réellement l'attention du lecteur qui découvre RahXephon par ce support. Ce dernier ne tirera d'ailleurs sans doute pas grand chose de ce début d'histoire, si ce n'est un contexte un peu vague, prétexte à de multiples scènes aguicheuses. Autant dire que le récit créé par Izubuchi n'est pas vraiment respecté.

Et côté dessin, la série ne se rattrape pas vraiment. Le style de Taekaki Momose s'éloigne du character-design d'Akihiro Yamada, et manque de finesse puisqu'il nous arrive de confondre certains personnages entre eux. Le cachet proposé est vraiment léger, mais on félicitera néanmoins le mangaka de rester fidèle aux éléments mécaniques du récits, notamment dans le designs des dolems et de celui de RahXephon.

Alors, il apparaît que le premier tome de cette version manga de l’œuvre d'Izubuchi est un rattage, le mangaka n'ayant clairement pas saisi la subtilité de l'oeuvre qu'il retranscrivait. Si on peut se montrer compréhensif avec lui car la diffusion n'avait pas commencé au moment de la mise en œuvre de cette version papier, il devait tout de même bénéficier d'assez d'éléments pour comprendre l'ambiance et les ambitions du récit. Un volume de démarrage indigeste pour celles et ceux qui ont connu (et aimé, de préférence) l'anime, et sans doute un départ fade pour les néophytes. On peut espérer que les deux prochains tomes relèveront le niveau, ce qui ne sera pas trop dur étant donné un départ si foiré.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
6 20
Note de la rédaction