Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 21 Octobre 2022
"Le pardon, ça n'existe pas. Tout ça nous suivra jusqu'à la mort."
Pourquoi a-t-on fait appel à Mimi et à Sakai pour jeter le cadavre de Yuna ? Pourquoi le lieutenant a-t-il préféré faire appel à de possibles témoins plutôt que de faire disparaître le corps lui-même ? Pourquoi Kimtak le couvre-t-il ? Qui est la fille au parapluie vue sur les caméras si ce n'est pas Yuna ? Nourri par le témoignage de Hinako la petite soeur de Kimtak, Sakai a pu se forger de nouvelles hypothèses sur tout ça, en voyant dès lors se dessiner en lui une tout autre possible vérité. Et ainsi, c'est avec des idées fermes en tête qu'il se retrouve face à Kimtak, au Lieutenant et au Troué, pour un nouvel échange plus houleux que jamais, d'autant que de son côté Kadono, toujours ivre de vengeance, a enlevé Hinako qu'il tient enfermée dans un lieu tenu secret. Une chose est désormais sûre: personne ne ressortira indemne de la tempête qui souffle sur ces différents personnages. mais à l'arrivée, celle-ci pourrait dévoiler une vérité encore plus cruelle que toutes les hypothèses émises...
Malgré quelques rallonges et raccourcis, l'avant-dernier tome de Quand sonne la tempête a su installer de fortes attentes en vue de la dernière ligne droite, tant les enjeux s'y multipliaient encore, et tant le nouveau face-à-face entre Sakai et les autres s'annonçait tendu. Cela ne manque pas, dès les premières pages assez brutales et malsaines dans ce que le Lieutenant fait au Troué, mais il ne s'agit là que d'un début avant que tout ne s'accélère toujours plus jusqu'à ne plus nous lâcher.
Car ce dernier tome est effectivement marqué par un rythme soutenu d'un bout à l'autre, au fil duquel Masaki Enjoji maîtrise bien mieux sa narration, sans coupures, sans transitions maladroites, où il est difficile de lâcher prise avant de connaître le fin mot de toute cette histoire. Et c'est précisément là que l'issue du récit d'Enjoji brille le plus: au fil des pages, les uns après les autres, les personnages vont pleinement se révéler, dévoiler leurs réelles raisons d'agir, en dévoilant chacun à leur manière une part d'humanité (et par la même occasion leur perte d'humanité, qui en fait aussi partie finalement) face à des désirs tout à fait compréhensibles, en têtes desquels la volonté de protéger ou venger les personnes qui leur sont chères. Il y avait déjà, bien sûr, Kadono qui était déterminé à venger la mort de sa fille pour se convaincre que sa vie a eu une importance, mais bien d'autres figures se montrent aussi sous un autre jour: le Lieutenant, Kimtak, même Mimi (plus discret, mais ce qu'il demande à son réveil concernant Sakai veut tout dire), et surtout Hinako, une jeune fille qui va prendre ici une importance centrale, en plus de permettre au mangaka d'aborder un peu un autre sujet via le regard qui peut être porté sur les personnes "handicapées" et sur le regard que ces personnes risquent de porter sur elles-mêmes.
Plus fort encore est notre sentiment quand, enfin, se dévoile toute la cruelle vérité sur la mort de Yuna, au fil d'une dernière ligne droite intense et désespérée. Une vérité qui inflige à l'histoire quelque chose d'assez vain dans les quêtes des différents personnages, tant le point de départ de tout ce drame a quelque chose d'absurde, tout en cristallisant en même temps la façon dont la folie humaine peut vite se réveiller en chacun. Une chose est sûre: la fameuse tempête emporte tout... ou presque. Car la conclusion, bien que très loin d'être idéalisée et donc marquante à souhait, offre une lueur d'espoir en Sakai, un anti-héros qui aura énormément évolué tout au long de la série.
"Le vent qui s'est abattu sur la ville ce jour-là a bouleversé nos vies à jamais. Mais peut-être que ce vent mauvais s'était mis à souffler depuis un certain temps."
Quand sonne la tempête ne pouvait pas s'offrir de meilleure fin, tant Masaki Enjoji parvient à nous tenir en haleine, à offrir des dernières surprises saisissantes, et à peaufiner ses personnages, au fil d'un récit où le thriller cynique laisse clairement place à un incroyable drame humain. L'oeuvre a certes été un peu inégales sur ses tomes précédents, en revanche elle a tout pour satisfaire dans cette dernière ligne droite, et donne furieusement envie de voir comment la carrière de cet auteur évoluera.