Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 04 Mars 2014

Après un deuxième recueil de Bonolon en janvier, la seconde nouveautés des éditions nobi! nobi! en 2014 se nomme Le Peintre, et nous propose de découvrir un portrait de vie bourré d'humanisme via une grosse quarantaine de pages conçues par deux auteures japonaises multi-récompensées, Kaho Nashiki et Iku Dekune.

Shinya est un jeune apprenti peintre en bâtiment, qui poursuit son apprentissage aux côtés de son maître, au gré des travaux qui lui sont confiés. Encore maladroit pour saisir les nuances entre les couleurs et pour cerner celles qui plairont aux clients, il fait néanmoins de son mieux pour progresser... et marcher un peu malgré lui sur les traces de son père, qu'il n'a jamais connu, et qui est mort à Paris où il était parti poursuivre ses rêves de peintre. Décidant de partir sur les traces de ce père, il prend le bateau pur la France, et rencontre sur celui-ci une étrange et énigmatique femme qui lui remet un pinceau qui aurait appartenu à son père, et avec lequel il devra, un jour, peindre en blanc... mais pas n'importe quel blanc : le blanc d'Utrillo, un blanc unique en son genre.
Shinya revient au Japon sans avoir retrouvé la tombe de son père, mais en en ayant appris un peu plus sur lui et sur son rêve. Pour lui, la vie continue, mais il a désormais mieux cerner son travail de peintre, et les nuances de couleurs qui le composent. Il est désormais armé pour trouver ce qui fera le bonheur des gens... et ce qui enjolivera se propre existence, qui passe, année après année...

L'oeuvre de Kaho Nashiki et Iku Dekune fait partie de celles qui, en quelques dizaines de pages, parviennent à narre toute une vie avec justesse et originalité. A classer directement aux côtés de la Maison en petits cubes de par son sujet sensiblement proche, Le Peintre s'en démarque en ne se construisant pas autour du souvenir et de la mémoire, mais en présentant de façon linéaire la double quête initiatique de Shinya. Une première quête qui est celle de tout le monde, celle de la vie, à laquelle vient s'ajouter une deuxième quête, celle des couleurs, qui seront autant de témoins des évolutions prises par notre personnage principal.
Les deux auteures entremêlent ces deux quêtes de façon à les faire entrer en résonance. De son statut d'apprenti jusqu'à la fin de sa vie, le parcours de Shinya sera fait de nombreuses joies, de nombreuses peines, de nombreuses rencontres décisives, d'une multitude d'émotions qui seront autant de témoins de son enrichissement dans la vie, et qui trouvent un écho dans sa découverte des couleurs, de leurs nuances, et des sentiments qu'elles peuvent véhiculer.
A l'infinie palette d'émotions et d'expériences faisant une vie, répond une palette tout aussi grande de couleurs riches en nuances. Au bout du chemin, Shinya devra alors enfin maîtriser et découvrir la véritable valeur du blanc d'Utrillo, un blanc en réalité composé de toutes ces couleurs qui l'ont enrichi pendant toute sa vie.

Les illustrations à l'eau-forte d'Iku Dekune accompagnent très bien le récit. Si le design des personnages pourra paraître étrange à certains yeux, il va pourtant très bien dans ces illustrations elles-mêmes ponctuées de nombreuses nuances de couleurs (observez bien chaque illustration, vous y trouverez beaucoup de nuances) et dégageant un charme à la fois rétro, mélancolique et onirique. La petite pointe de fantastique autour de l'inconnue donnant le pinceau à Shinya finit d'offrir à l'album une atmosphère unique.

A ranger dans la même catégorie que la Maison en petits cubes, Le Peintre est une oeuvre précieuse qui offre un portrait de vie humain, sensible et mélancolique, sublimé par son rapport aux couleurs et à ses nuances aussi infinies que les émotions que l'on peut ressentir dans une vie.

L'édition est évidemment impeccable. L'effet tissé de la couverture offre un cachet à l'album, la traduction et l'impression sont irréprochables, et il est plaisant de trouver en fin d'album de petites biographies des deux auteures, mais aussi du peintre Maurice Utrillo, sans lequel l'album ne serait pas ce qu'il est.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction