Patron est une copine (le) - Actualité manga
Patron est une copine (le) - Manga

Patron est une copine (le) : Critiques

Buchô wa Onee

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 04 Décembre 2019

Après quelques mois d'absence en librairies, les éditions Komikku reviennent enfin, qui plus est avec pas mal de nouveaux tomes entre novembre et décembre. Parmi ces sorties, trois nouveautés dont deux one-shot sont prévues, et l'un de ces one-shot est l'oeuvre d'un nom déjà bien connue en France: Nagabe, à qui l'on doit le chef d'oeuvre L'Enfant et le Maudit. Avec le patron est une copine, de son nom original Buchou ha onee, l'éditeur nous propose tout simplement de découvrir le tout premier manga professionnel de l'artiste, une oeuvre en 21 courts chapitres (plus un petit prologue et quelques bonus) qu'il a publiée entre 2013 et 2015 aux éditions Akaneshinsha, au sein du magazine Opera. Oui oui, le magazine opera, celui-là me^me qui est connu pour ses récits boy's love comme Doukyusei, Canis ou encore Heartless. Toutefois, même s'il sera effectivement question d'homosexualité dans ce one-shot, sachez que l'oeuvre est totalement dépourvue de scènes érotiques, et qu'elle est avant tout une comédie soft déjantée pouvant plaire à tous les publics.

Ici, on part à la découverte de Vincent Falnail, chef de service dans une entreprise importante. Comme le laisse voir le chapitre prologue, il est surtout vu par ses collègues comme un travailleur acharné, très sérieux, mais aussi suffisamment charmant pour plaire à ses subordonnées, d'autant qu'il montre par instants des petits comportement étonnamment féminins... Et pour cause: quand il ne travaille pas assidûment le jour, la nuit il devient Fal, travesti dans un club d'hôtesses ! Troquant alors son statut masculin et son costard contre une allure féminine et des vêtements plus sexy, il ne se sent jamais plus lui-me^me que quand il est ainsi. Mais Vincent doit toujours veiller à garder sa deuxième activité secrète, de peur de voir sa réputation ternie et d'être viré de son entreprise. Mais quand un collègue un peu envahissant n'est pas loin de percer son secret et qu'il se retrouve avec deux prétendants sur les bras, la situation ne cesse de se compliquer pour lui...

La première constatation à faire est d'ordre graphique, et se remarque immanquablement dès la jaquette. Celles et ceux lisant L'Enfant et le Maudit ou suivant de près la carrière de Nagabe le savent bien: l'artiste adore, depuis toujours, les créatures anthropomorphes, à l'image du Professeur de sa série-phare. Nagabe l'a déjà souvent dit: il apprécie moins de dessiner des humains que d'imaginer des anthropomorphes, c'est un amour qui existe en lui depuis longtemps, et il se retrouve donc très logiquement dès sa première oeuvre, chaque personnage étant un anthropomorphe basé sur un animal en particulier: dragon, chien, oiseau, brebis, tigre... un peu à la manière de Beastars, pourrait-on dire. Dans la mesure où il s'agit de la toute première oeuvre professionnelle de Nagabe et qu'il l'a dessinée en ne connaissant rien du monde professionnel des mangas, il y a évidemment des petites inégalités par-ci par-là, mais il y a surtout un très bon travail de design, avec des anthropomorphes qui ont tous leur look, leur dégaine, leur palette d'expressions spécifique, certaines expressions et certains traits de caractère rappelant aussi le comportement que peuvent avoir en vrai les animaux dont il s'inspirent, l'exemple le plus flagrant étant Danto Impasu, le collègue inspiré d'un chien. La patte visuelle est dynamique, expressive, généreuse, on la sent portée par la passion de l'auteur pour ce type de personnages.

Et c'est donc en se reposant sur ce travail visuel efficace que Nagabe installe une petite histoire somme toute assez classique, mais prenante dans son genre. On assiste d'abord à l'accumulation de problèmes pour Vincent, avant que de ces problèmes ne naisse un improbable triangle amoureux, où il se retrouve convoité à la fois par George, un oiseau très gentleman et bon parti venu de l'étranger pour quelques mois, et par Danto, collègue canin qui a d'abord beaucoup de mal à lui-même faire le point sur ce qu'il ressent exactement, et qui enchaîne les maladresse sans jamais avoir de mauvais fond, le rendant irrémédiablement drôle et attachant. Très souvent, Nagabe va jouer efficacement sur ce triangle, où il fait avant tout dans l'humour, avec notamment quelques rixes aussi intenses qu'amusantes entre les deux prétendants (ce duel de ping pong...).

Ce sont donc bien souvent les performances visuelles et l'humour qui priment, mais en filigranes Nagabe n'oublie jamais la part la plus originale de son propos, à savoir la double-vie de son personnage principal. Il y a souvent un côté comique qui découle de cet aspect, puisque Vincent cherche à garder secret sa vie nocturne de travesti où il peut laisser s'exprimer autant qu'il le veut sa part féminine, mais Nagabe y distille aussi très bien un réel travail sur son héros, homme qui se sent femme, qui ne se sent jamais autant lui-même que quand il est au club avec ses attachantes compagnes aussi travestis, et on découvrira même vite et bien pourquoi il se sent aussi bien en ce lieu, où il est entouré de personnes bienveillantes l'acceptant totalement tel qu'il est.

Soyons clairs: il ne faut pas lire cette oeuvre en vous attendant à un conte noir et posé façon L'Enfant et le Maudit, car c'est vraiment une autre facette de Nagabe que l'on découvre ici. Une facette beaucoup plus humoristique, entre autres, mais témoignant aussi de beaucoup de passion, et de tout l'amour de l'artiste pour les personnages anthropomorphes. Une autre facette tout aussi qualitative que celle que l'on connaissait déjà via L'Enfant et le Maudit, pour un récit ayant assurément son charme, la seule condition étant d'y être réceptif.

Côté édition, l'ouvrage fait donc partie des sorties de novembre 2019, marquant donc le changement d'imprimeur annoncé par Komikku alors de l'annonce de son retour: fini l'imprimeur français Aubin devenu trop cher pour l'éditeur, et bonjour l'imprimeur italien Lego. Dans les faits, la différence se ressent peu: Komikku a cherché à garder un imprimeur qualitatif, et c'est ce que Lego propose, avec un papier souple et sans transparence, ainsi qu'une bonne qualité d'impression. Les 4 premiers pages couleur sur papier glacé sont un vrai plaisir, la traduction d'Aline Kukor est excellente en jouissant d'une certaine vivacité adéquate, et le travail d'adaptation graphique et de lettrage est on ne peut plus honnête.
    

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs