Our Colorful Days Vol.2 : Critiques

Bokura no Shikisai

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 02 Décembre 2020

Chronique 2 :

Jusqu'à présent, le lycéen Sora vivait dans le secret et la solitude son homosexualité, ainsi que ses sentiments pour son camarade Yoshioka. Mais depuis sa découverte du café de l'homme mûr qui l'avait observé sur la digue, il a petit à petit trouvé un endroit où être lui-même. Mieux encore, par la force des choses, il a pu faire son coming out à Nao, sa précieuse amie d'enfance qui tâche d'accepter la chose, quitte à ce que cette révélation soit une déception amoureuse pour elle. Et à présent, le jeune garçon a décidé d'accepter la demande du patron de concevoir une fresque sur l'un des murs du café.

C'est ainsi que se poursuivent les choses, autour de ce petit café devenu un véritable havre pour Sora, et pas forcément que pour lui, l'endroit étant un lieu apaisant où on peut être tel qu'on est, de façon apaisée, sans avoir besoin d'être sur la défensive. Ainsi, en premier lieu, on appréciera beaucoup dans ce deuxième opus ce que dégage Nao, assez vite dans le volume. La jeune fille s'interroge beaucoup, depuis que Sora lui a avoué ce qu'il gardait pour lui depuis trop longtemps. Si ça se trouve elle a déjà blessé son ami par le passé sans le vouloir. Et elle qui n'a jamais connu de personne gay auparavant ne sait pas encore comment réagir. Mais il s'agit avant tout de son ami d'enfance, et elle veut qu'elle le reprenne et lui fasse des remarques si elle dit des choses inappropriées. Car c'est uniquement en se parlant que l'on peut se corriger et avancer, d'où l'importance de ne pas tout garder pour soi ! Mais s'il est désormais facile de partager la chose entre Nao, Sora et le patron, la tâche s'annonce encore difficile dans d'autres cas...

Et de ce côté-là, Gengoroh Tanabe, en subtil connaisseur du sujet, va encore pouvoir brasser pas mal de choses ici. Il y a en premier lieu le cas de Mizuki: l'amoureuse éconduite de Sora et amie de Nao se demande bien pourquoi cette dernière est si souvent avec notre héros, au point de lui avoir menti sur une sortie et de ne pas lui révéler le fameux secret de Sora. C'est l'occasion de voir encore que Nao est vraiment une fille désireuse de ne pas faire de mal à son ami de toujours en évitant le piège de l'outing, mais le fait est que la situation menace désormais de créer une rupture entre elle et Mizuki... Alors, que faire ? Et puis il y a la question de la mère de Sora, qui pense désormais que son fils et Nao, toujours fourrés ensemble, sont en couple, sans avoir conscience que les conseils qu'elle tente de donner à son enfant en tant que bonne mère lui font en réalité du mal, notre héros prenant de plein fouet (même s'il passe en "mode masqué") cette manière de faire ressentir, sans forcément de méchanceté, que l'hétérosexualité est la norme. A partir de là, comment donc Sora pourrait-il donc trouver la force de faire son coming out à son entourage ? D'autant que la question se pose aussi vis-à-vis de Yoshioka, envers qui il n'envisage aucunement de se déclarer, par peur d'être détesté.

C'est sur ces éléments que s'engage alors une petite discussion pleine de sens entre notre héros, Nao et le patron du café, ce dernier ayant bien des choses à dire du fait de son expérience passée et de ses propres regrets. Car des regrets, il en garde toujours... On peut avoir des regrets d'avoir agi, tout comme avoir des regrets de n'avoir rien fait. Le patron, lui, est concerné par la deuxième possibilité, a ignoré la façon dont il voulait vivre, s'est enfoncé dans une vie de mensonge qui le rattrape d'ailleurs encore en fin de tome. Mais pas question pour lui de donner de grandes leçons (il affirme même trouver Sora bien plus courageux que lui quand il était plus jeune): c'est à chacun d'agir comme il le veut, tant qu'on est en accord avec soi et qu'on a le sentiment de prendre la meilleure décision. Mais dans tous les cas, s'il y a une idée qui se dégage au fil de ce tome, c'est bien celle du secret/mensonge, qui ne semble pouvoir rendre heureux aucun de ces personnages, tandis que la société normative, parfois inconsciemment, est une forme d'obstacle à leur bonne émancipation.

On attendra donc avec un intérêt décuplé le troisième et dernier volume de la série, tant il y aura sans doute encore de nombreuses choses à dire, et différentes situations à décanter autour de ces personnages en plein questionnements. En attendant, Tagame décortique son sujet avec une douceur, une précision et un réalisme pouvant être salvateurs, chaque protagoniste ayant des choses différentes à véhiculer et pouvant trouver un écho en chacun(e).


Chronique 1 :

Sora semble s'être trouvé un havre de paix au sein du petit café tenu par l'intriguant Shirô Amamiya, un homme gay qui a décidé de ne plus cacher sa sexualité. Maintenant que Nao, son amie d'enfance, est au courant de ce secret, elle fait le choix d'être le plus bienveillante possible, afin de ne pas blesser son camarade. Pourtant, Sora reste perturbé, et ne sait pas s'il doit avouer ses sentiments à Yoshioka, par peur de perdre leur amitié...

Après la très jolie entrée en matière constituée par le premier tome (sur trois) de Our Colorful Days, la dernière tranche de vie sociale en date de Gengoroh Tagame, le titre avait déjà notre confiance pour ses deux opus finaux. L'auteur continue alors de développer son histoire de manière logique, avec la belle tonalité déjà implantée, mais en continuant de décortiquer les sujets qui lui tiennent à cœur, tout en plantant quelques enjeux autour de ses personnages.

Ainsi, même si Sora est apaisé par l'existence de M. Amamiya et qu'il trouve, dans son modeste commerce, un lieu de quiétude, tous ses tourments ne l'ont pas quitté. Ici, le mangaka s'intéresse encore un peu plus aux troubles que peuvent connaître un adolescent gay dans une société hétéronormée, notamment lorsqu'il s'agit de l'amour ressenti envers un ami, et qui pourra difficilement évoluer vers autre chose. A travers les interactions entre Shirô Amamiya et le jeune Sora, le mangaka livre un petit message positif et humain, teinté de belles notes d'émotion. La forme est simple et sans artifice, mais Gengoroh Tagame la mène avec toute la douceur qu'on lui connait dans ce type de récit, celle qui nous avait déjà charmé avec Le Mari de mon Frère.

Pourtant, on ne peut pas dire que Our Colorful Days soit une histoire exclusivement centrée sur Sora, aussi chaque personnage a des choses à dires. A commencer par Nao, l'amie d'enfance du héros qui a récemment appris son homosexualité, et qui va travailler son comportement pour conserver leur harmonie. Avec notamment une histoire de jalousie avec sa propre amie, Nao présente ses propres dilemmes, simples mais rationnels, rendant le personnage crédible. Enfin, le charismatique Shirô a lui aussi droit à son lot de secrets. On se doutait déjà que l'homme cachait quelques mystères, et ceux-ci aboutissent à un climax de volume intense (à l'échelle de la série), et plantant certaines ambitions appréciables en vue du tome final.

Alors, petit à petit, la douceur du titre bascule vers certains enjeux moraux et relationnels plutôt lourds. Car outre les révélations de fin de tome, tout l'axe présentant le point de vue des parents de Sora est particulièrement pesant. A ce titre, l'auteur fait ressentir comme il se doit la pression ressentie par le jeune homme, aussi on se demande logiquement si le récit parviendra à clôturer ce pan de l'intrigue dans l'optimisme qu'on connait généralement chez l'artiste.

Alors, Our Colorful Days confirme ses qualités dans un second opus dans la même lignée que le premier, mais qui confirme aussi que la série n'est pas toujours aussi paisible que le fut Le Mari de mon Frère. Plus brusque par moment, ce portrait de la psychologie d'un lycéen gay sonne juste, ce qui implique son lot de moments durs étant donné la société dans laquelle le protagoniste vit. La fin du tome est forte, et annonce un volume final qui le sera tout autant.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction