Orme du Caucase (l') - Actualité manga
Orme du Caucase (l') - Manga

Orme du Caucase (l') : Critiques

Keyaki no ki

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 17 Juillet 2012

Dans ce recueil de nouvelles, enfants et adultes sont en butte aux difficultés de l'existence, seuls face à eux-mêmes et à leurs espérances. Taniguchi et Utsumi explorent, avec subtilité, ces moments de reculs et de réflexion qui déterminent une vie. Avec toujours autant de finesse et d'émotion, l'auteur de Quartier Lointain et du Journal de mon père nous convie à une recherche pleine de sagesse, en quête d'une paix intérieure.

Célèbre pour ses oeuvres très "humaines" emplies d'un réalisme souvent très émouvant, Taniguchi accompagné d'Utsumi nous offre un recueil touchant en nous dépeignant les soucis de gens lambda, comme vous et moi. Enfants, jeune femme, homme quinquagénaire ou encore vieille femme, toutes les générations sont touchées par la poésie de ces deux auteurs. Voici donc 8 histoires pleines de sentiments, initialement publiées dans le Big Comic en 1993.

La première nouvelle éponyme nous conte l'histoire de M. et Mme Harada, couple de retraités venant s'installer dans une maison dont le jardin fût décimé malgré eux avant leur arrivée. Il ne reste plus que l'orme du Caucase, cet arbre géant aux feuilles virevoltantes sur les maisons voisines dès l'arrivée de l'automne, ce qui justement agace l'entourage du couple. Contraint d'écouter ses nouveaux voisins pour ne pas attirer leur colère, M. Harada se décide d'abattre l'arbre dans les jours qui suivent. Cependant, l'ancien propriétaire de la demeure vient rendre une visite pour revoir cet arbre qui lui a beaucoup apporté dans le passé...
La première histoire qui donne son nom au recueil est une nouvelle émouvante, où l'auteur nous fait comprendre par ses personnages que l'homme ne peut vivre sans la nature, que celle-ci a une âme et qu'un simple arbre peut avoir une autre fonction que de décorer un jardin. Très belle, cette histoire nous offre déjà une bonne mise en bouche qui donne envie de prolonger sa lecture de suite.

La seconde, intitulée "Le Cheval de bois", traite plutôt des relations humaines. Hiromi est la petite fille de M. et Mme Kinoshita, celle-ci est sous leur garde durant une semaine. Pendant ce temps, ses grands-parents décident de l'emmener au parc d'attraction, cependant celle-ci boude tout le temps et a l'air d'être apeurée constamment. D'où peut bien venir ce malaise ?
A travers ce récit, le duo d'auteurs nous font comprendre que les enfants sont des êtres fragiles et que leur éducation ne dépend que de leurs parents. Dès qu'Hiromi nous offre son premier sourire, on ne peut pas s'empêcher de sourire avec elle, comme quoi voir un enfant triste si jeune peut être vraiment douloureux pour des adultes...

Vînt ensuite une des histoires les plus émouvantes du recueil, "La petite fille à la poupée". Un homme de 50ans, célèbre graphiste grâce à son travail acharné du temps où il était jeune, voit un jour sur le journal un article sur son ex-femme qui l'a quitté il y a de cela 23ans. Cependant sur la photo, il aperçoit à côté d'elle une jeune femme : il reconnaît de suite sa fille qu'il n'a pas vu depuis 23ans. Celle-ci est devenue une célèbre peintre et M. Iwasaki décide d'aller à sa rencontre, tout en restant dans l'anonymat pour ne pas la choquer : voici un défi très difficile que le quinquagénaire va tenter de relever, en gardant pour lui toute émotion...
Comme dit précédemment, voici une des histoires les plus touchantes du recueil : durant tout le récit on voit que l'homme a très envie de tout avouer à sa fille, ce qui ne l'empêchera pas de pleurer en cachette...et de nous faire pleurer par la même occasion ! Bercées d'émotions, ces retrouvailles anonymes ont de quoi nous faire verser quelques larmes tant les auteurs arrivent à transmettre parfaitement les émotions ressenties par le pauvre homme.

La quatrième histoire, "La vie de mon frère", joue sur les relations fraternelles. On suit encore une fois un homme d'âge mûr qui part retrouver son frère qu'il n'a pas vu depuis 10ans.
Moins émouvante que la précédente histoire, nous avons là une conversation longue entre deux frères qui n'ont pas forcément les mêmes opinions mais ceci ne les empêchent pas de discuter longtemps de ce qu'ils sont chacun devenus en 10ans. Malgré le fait que cette histoire nous touche moins, cela n'empêche pas celle-ci d'être tout autant réussie qu'intéressante.

Nous trouvons ensuite la nouvelle intitulée "Le parapluie", avec comme protagoniste principal un personnage féminin. Le synopsis ressemble d'ailleurs un petit peu à l'histoire précédente, bien que le contenu soit totalement différent. Une jeune femme attend donc la visite de son frère cadet qu'elle n'a pas vu depuis 12ans, celui-ci ayant vécu avec leur père contrairement à elle qui a vécu avec leur mère. Nous découvrons comment ceux-ci l'ont vécu à travers leur passé, lorsqu'ils n'avaient même pas encore 10 ans. Le jeune homme a malheureusement mal vécu le fait de ne pas être aux côtés de sa mère, chose qu'il n'hésitera pas à avouer à sa soeur lors de leurs retrouvailles.
Taniguchi et Utsumi nous montrent à travers cette histoire à quel point il est difficile pour un enfant d'être séparé d'un de ses parents lorsque celui-ci est encore jeune. Ne se finissant pas forcément dans la plus grande des joies, cette histoire atteint le coeur et risque de toucher les gens qui ont vécu la même histoire, chose qui est loin d'être improbable.

S'en suit avec l'histoire qui est sans doute la plus mignonne du recueil, "Les environs du musée". Mme Ôtani, une vieille femme veuve se fait souvent réprimander sur le fait qu'elle sorte en fin de journée se balader dans le parc de la ville, un endroit où elle se sent bien. Un jour, elle y fait la rencontre d'un homme de son âge avec qui elle s'entend très bien et surtout qui la comprend. Celle-ci se rendra vite compte qu'elle devient amoureuse, mais se sent ridicule car pour elle ce n'est plus de son âge. Malheureusement, du jour au lendemain et ce pendant plusieurs jours, le vieil homme ne se rend plus au parc, et Mme Ôtani ne connaît de lui que son nom. Qu'a-t-il bien pu arriver au pauvre monsieur ?
Cette nouvelle est sans doute celle qui transmet le plus d'émotions à travers des dessins juste sublimes ! Nous ressentons les mêmes choses que la vieille dame et on ne lui souhaite que du bonheur à travers tout le récit. Encore une réussite de la part des deux auteurs qui nous prouvent leur talent avec cette histoire merveilleuse.

L'avant dernière nouvelle nommée "Dans la forêt" change totalement de personnage principal : cette fois-ci nous suivons un jeune garçon accompagné de son petit frère. Ceux-ci ont du dire adieu à leur chienne, Koro, alors qu'elle n'avait même pas encore 2ans car ils ont du déménager dans un HLM. Leur mère leur cachant ce qu'est devenue leur chienne, ils ne cessent de penser à elle jusqu'au jour où ils reconnaissent son aboiement la nuit dans la forêt. Convaincus qu'il s'agit bien de Koro, ils partent donc en escapade dans celle-ci afin de retrouver leur amie d'enfance.
Cette nouvelle fait sans aucun doute aussi partie des meilleures du recueil. Notre jeune homme prend son courage à deux mains pour traverser cette forêt tout en veillant sur son frère dont on se rendra vite compte qu'il en est jaloux, pour des raisons qui nous sont expliquées via des flash-back. Le chien est le meilleur ami de l'homme comme on dit et les deux frères seront prêt à tout pour retrouver cette chienne qu'ils portent depuis toujours dans leur coeur. Toujours très émouvante, surtout sur sa fin, cette histoire touchera petit et grand tant il est possible de s'y reconnaître lorsque l'on a déjà eu un animal auquel on tenait.

Enfin, la dernière nouvelle s'intitule "Son pays natal" et a pour héroïne une jeune française ! Cette histoire est bien sûr captivante grâce au fait que l'on retrouve une femme ayant quitté la France pour aller vivre au Japon avec son mari alors qu'elle ne parle pas un mot de japonais. Celle-ci adore la peinture et réussit grâce à son mari à se faire reconnaître, cependant celui-ci mourra prématurément à cause d'une crise cardiaque. La jeune femme se retrouve seule, et en plus n'est pas appréciée par sa belle famille qui l'accuse d'être la cause de la mort de leur fils. Cela ne l'empêchera pas de rester au Japon et de poursuivre sa carrière de peintre.
La fin du recueil se voit donc servie par une nouvelle très triste et très humaine : la situation de la jeune femme est très difficile et pourtant celle-ci s'accrochera à ses rêves. La vie peut être très dure, les imprévus peuvent surgir à n'importe quel moment, et pourtant il faut s'accrocher à la vie et ne pas se laisser abattre; voilà le message que veulent nous faire comprendre notre duo d'auteurs talentueux.

Ainsi, l'Orme du Caucase est un magnifique ouvrage à lire et à relire, qui pourrait même toucher des enfants notamment avec l'histoire "Dans la forêt". Taniguchi et Utsumi nous font le portrait de gens comme d'autres, auxquels on peut très facilement s'identifier car ils ont une vie que toute personne peut avoir. C'est par des ouvrages comme celui-ci que l'on se rend compte aussi que les mangas ne sont pas que des bandes dessinées violentes visant seulement les adolescents, ceux-ci peuvent avoir des sujets très humains qui visent un public très large et transmettre par leurs pages diverses émotions. L'Orme du Caucase est une oeuvre qui devrait être dans de nombreuses bibliothèques donc si vous la croisez en magasin ou sur le net, n'hésitez pas et testez, car après tout c'est en se penchant sur des choses inconnues que l'on fait souvent d'incroyables découvertes !

Un dernier mot sur l'édition : celle-ci est impeccable, l'Orme du Caucase se range dans la collection Ecritures de Casterman et est proposée avec un sens de lecture occidentale, ce qui est d'ailleurs une bonne idée pour pouvoir faire découvrir cette oeuvre à des non-initiés à la bande-dessinée japonaise et son sens de lecture "à l'envers". Les rabats de la couverture nous parle un peu plus de l'auteur, et la fin du volume nous offre un essai de 4 pages de Yoshikawa Ushio, critique de théâtre et romancier.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Kiraa7
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs