Onimbo : Critiques

Jigoku Mushi o Kuu! Oninbo

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 20 Mai 2024

Quelques mois après la publication de l'excellent "Le Chat Noir" en février 2023, les éditions IMHO ont poursuivi leur exploration de la bibliographie de Hideshi Hino en sortant, au mois de novembre dernier, "Onimbo". Riche de deux volumes au Japon, mais compilée en un seul pavé de presque 400 pages pour l'édition française, cette oeuvre d'horreur, tout comme "Le Chat Noir", fut initialement éditée au Japon en 1987-1988 par feu les éditions Rippu Shobo, en étant catégorisée shôjo et donc orientée avant tout pour un jeune public féminin (une énième preuve que le genre du shôjo est infiniment plus riche que ce que, malheureusement, trop de monde pense encore). D'ailleurs, les lecteurs les plus observateurs remarqueront vite que les personnages ciblés par Onimbo dans les différentes histoires sont quasiment tous des jeunes filles, voire parfois aussi leurs mères, le casting étant donc très féminin.

Onimbo, tel est donc le nom du personnage central de ce manga. Mais ne vous attendez à un héros classique, car derrière son physique de petit garçon, il s'agit d'un yôkai errant dans le monde des humains à la recherche de son plat préféré: les vers infernaux, des sortes d'insectes surnaturels et terrifiants qui se nichent dans le coeur des gens pour se nourrir de leurs traumatismes, leurs angoisses, leurs complexes... soit tout ce qui entretient en eux de la négativité. En débarrassant les victimes de ces parasites infernaux, l'enfant yôkai leur permet très souvent d'être enfin libérés de leurs tourments, cependant n'allez pas croire qu'il est altruiste: il se fiche bien d'être sauveur ou bourreau tant qu'il obtient les repas qu'il est venu chercher, et il n'est même pas rare qu'il s'applique lui-même à entretenir les sentiments négatifs des humains pour faire grossir les vers en eux et ainsi se régaler encore plus !

En compilant huit histoires courtes indépendantes (mais ayant toutes Onimbo pour figure centrale) de 40-50 pages chacune, l'oeuvre suit un schéma on ne peut plus simple, qui pourrait même sembler un petit peu répétitif sur la longueur. Mais heureusement, afin d'éviter la redondance, Hideshi Hino sait plutôt bien varier les plaisirs, ne serait-ce qu'en terme d'ambiances. Ainsi, même si l'horreur est bien présente avec notamment des designs de vers assez cracras et horrifiants et des hallucinations (provoquées chez les hôtes humains par les vers) permettant beaucoup de trouvailles graphiques proches du body-horror, il y a aussi, chez ce yôkai à l'allure d'enfant malsain, des élans "trollesques" un brin amusants, tant il semble régulièrement se réjouir face à des situations terribles (mention spéciale, dans ces cas-là, à ses sourires et à ses rires un peu machiavéliques), à tel point que parfois il nous rappelle un petit peu d'autres gamins facétieux/dérangés/inquiétants/étranges/trolls (rayez les mentions inutiles) imaginés par d'autres maîtres de l'horreur, comme le Soichi de Junji Ito ou le Makoto-chan de Kazuo Umezu (à ceci près que ces deux-là sont humains). Et puis, Onimbo n'est pas le seul yôkai à allure enfantine à animer les pages: régulièrement il croise la route de Himebo et Mamushinbo, tantôt rivaux tantôt alliés dans la quête des succulents (enfin, pour eux) vers.

Au-delà de tout ça, cette oeuvre est aussi l'occasion pour Hino, comme souvent dans ses histoires, de sonder certains aspects rarement reluisants de l'espèce humaine: le fait que les vers se nourrissent des traumatismes, angoisses et autres complexes de leurs hôtes n'est effectivement pas anodin, et permet de proposer un petit portrait de société autour de certaines tares. Le stress et le surmenage liés aux études, les apparences, le regard de la société, les brimades, ou plus généralement certaines violences faites aux femmes, sont autant de choses parmi d'autres à être évoquées. Et même si Hino reste plutôt en surface de ces sujets (peut-être parce que son manga reste initialement orienté pour un public jeune), il parvient tout de même à mettre en avant ces problèmes qui sont importants à tout âge, voire même à faire prendre conscience qu'il est important de le traiter et de ses débarrasser de ces choses négatives qui nous plombent. Et ce titre, on pourrait même se dire que les mères des victimes, importantes dans certaines histoires et peinant souvent à capter la détresse de leurs enfants sur le coup, peuvent être un moyen de capter l'attention de lecteurs et lectrices étant eux-mêmes parents.

On a donc un manga qui, comme souvent avec Hideshi Hino, se veut globalement plus riche et plus profond que ne le laissent penser le pitch de base et le format potentiellement redondant des histoires courtes.

Sinon, du côté de l'édition française, une seule chose pourra diviser, et il s'agit de la traduction montrant quelques étrangetés: quelques verbes conjugués au conditionnel présent au lieu du futur (principalement des terminaisons en "ais" au lieu de "ai"), et surtout le choix continu d'écrire "vers" au lieu de "ver" pour désigner les insectes infernaux. A part ça, Léopold Dahan reste un traducteur très talentueux, et tout le reste de sa version française est très bonne. Enfin, soulignons un grand format et une charte graphique en totale cohérence par rapport aux autres mangas de Hino sortis chez IMHO, une bonne qualité de papier et d'impression (même si l'on regrettera que l'identité et l'origine précise de l'imprimeur ne soient pas indiquées), et un lettrage tout à fait convaincant.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction