Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 29 Avril 2025
Entre la découverte de mangakas très prometteurs comme Sakana Sakatsuki (à qui l'on doit le sublime Planetarium Ghost Travel) ou Miyako Miiya (Louve, Contes fabuleux de la nuit), et ma publication de très jolis noms qui n'ont plus rien à prouver (Daisuke Igarashi et Hisae Iwaoka en tête), la collection Le Renard Doré des éditions Rue de Sèvres continue de se développer doucement mais sûrement et surtout très joliment depuis son lancement l'année dernière. Et en ce mois d'avril, c'est une nouvelle artiste incontournable et expérimentée qui fait son retour en France en la personne de Moyoco Anno. Bien connue pour le succès intergénérationnel Chocola & Vanilla (une série "jeunesse" beaucoup plus profonde qu'il n'y paraît, on ne le dira jamais assez), pour Sakuran, et pour des séries qui ont considérablement marqué les jeunes femmes adultes de leur époque (Happy Mania et In the clothes named fat en tête), l'autrice aux plus de trente années de carrière revient toutefois avec Ichibi et ses amis, une oeuvre un peu particulière, entièrement en couleurs, faite de courts strips, et qui a accompagné plusieurs années de sa carrière puisqu'elle l'a tranquillement publiée entre 2008 et 2021 dans le journal national Asahi Shimbun, un des grands quotidiens nationaux japonais, en s'affranchissant donc des magazines de mangas habituels. Notons que l'édition française est vouée à compiler les dix tomes japonais en huit volumes.
La recette est ici très simple: on se contente de suivre les petites péripéties quotidiennes d'Ochibi, un drôle de petit bonhomme vêtu d'un pull et d'un bonnet à rayures, très souvent accompagné de ses deux fidèles amis canins Kézako, un petit chien noir qui aime étaler sa science et réfléchir à ce qui l'entoure, et Croque-Miche, un caniche blanc-beige dont la principale passion est de manger. Au fil de ce premier tome de presque 160 pages et où chaque mois de l'année est déjà traité deux fois, Moyoco Anno suit un schéma très précis, avec de très courts chapitres allant entre 3 et 5 pages, se consacrant chacun à un mois de l'année, et où chaque planche donne lieu à un nouveau moment de vie généralement comique de quelques cases.
Pendant 14 ans, Ochibi et ses amis ont ainsi accompagné quasiment tous les jours le quotidien du vaste lectorat de l'Asahi Shimbun, pour un résultat qui vise sans aucun doute tous les publics mais qui pourra avant tout parler au jeune lectorat, d'où son arrivée dans la collection Le Renard Doré qui se dédie avant tout à un jeune public. Et il faut bien l'avoue: sans être d'une grande ambition, la lecture, toute simple, a de quoi séduire à petites doses, car elle marie bien diverses choses: des gags où la mangaka sait alterner les styles d'humour (purement loufoque, un brin absurde, voire très légèrement cruel), esquisser très brièvement quelques débuts de réflexions sur notre époque et sujets qui nous concernent tous (comme la protection de l'environnement), voire amener des choses typiquement japonaises que le jeune public pourra découvrir avec curiosité (d'autant que l'éditeur a pris soin de proposer des éclaircissements et un petit lexique dans les deux dernières pages du livre)... le tout sous un style graphique chibi (comme l'indique très bien le nom du personnage principal) assez universel, et sous un travail de colorisation soigné et où l'artiste varie suffisamment sa palette de couleurs d'un mois à l'autre pour coller aux différentes saisons.
Petite lecture sans grosse prétention, Ochibi et ses amis est alors le genre de lecture qui se savoure à petites doses, assez haute en couleurs, et sur laquelle il sera sans doute plaisant de revenir de temps à autre, même si l'on se demande comment Moyoco Anno parviendra à renouveler cette recette sur sept volumes supplémentaires (mais au vu de son expérience, on lui fait confiance pour ça). Qui plus est, il n'y a rien de spécial à redire sur l'édition française, qui est à la hauteur: en plus des deux pages de suppléments évoquée plus haut, on trouve une bonne qualité de papier et d'impression, une traduction très convaincante d'Anaïs Koechlin, un lettrage propre, et une jaquette bien conçue par Cerise Heurteur, Catherine Bouvier et l'éditeur.