Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 03 Novembre 2017
Critique 2
Ogata travaille comme hôte dans une boite de nuit. Il a beaucoup de succès auprès des femmes même s’il est souvent incompris par son visage inexpressif. Durant son travail, il fait la connaissance de Saya, un jeune homme connu pour enchainer les conquêtes féminines soir après soir. Malgré leurs caractères complètement opposés, Ogata et Saya se lient d’amitié. Or, Ogata devra faire face à de nouveaux sentiments qui n’ont rien avoir avec de l’amitié…
Ogeretsu Tanaka n’est plus une auteure inconnue et dont nous pouvons que saluer la qualité de ses titres. C’est donc avec un réel plaisir que nous découvrons un de ses titres parus en 2015 au Japon.
Dans « Neon Sign Amber », l’auteure choisit de faire rencontrer deux personnes aux caractères complètement opposés. Ogata est un homme sérieux et assidu dans son travail. Même s’il est très charmant physiquement, il souffre de l’impassibilité de son visage. Son entourage n’arrive pas à se rendre compte quand il se réjouit et malheureusement, il est difficile pour lui de réussir à conserver durablement une relation sentimentale. A la différence d’Ogata, Saya rayonne et attire par son charme bon nombre de jeunes filles. Mais, il ne conclut jamais et repart bredouille à chaque fois. Un soir, en échange d’un service payant, Saya propose à Ogata de le dédommager en lui offrant autant de petits déjeuners qu’il faut pour le rembourser. Ogata est troublé par le caractère de Saya et surtout par sa perspicacité. En effet, c’est la première fois qu’il rencontre une personne arrivant à lire les expressions sur son visage. Petit à petit, Ogata se sent de plus en plus attiré par cet homme et ne peut refréner ce qu’il ressent…
Et c’est là que tout le talent de l’auteur apparait. Non, Ogeretsu Tanaka ne prendra pas le chemin le plus simple pour rapprocher ces deux hommes. En effet, contrairement à d’autres auteurs surfant sur la mode de l’hétéro qui tombe amoureux de l’homo et tout se passe bien dans le meilleur des mondes, elle aborde les questions et les réactions que peuvent vivre un homme qui se trouve attirer pour la toute première fois envers un autre homme. Même si Saya a une apparence androgyne, il n’en reste pas moins un homme avec ses formes musclées. La réalité sautera en plein visage à Ogata au risque de blesser Saya. Quant à Saya, sa joie de vie exubérante cache en réalité des blessures bien profondes. L’auteur aborde avec justesse les difficultés sentimentales auxquelles peut être confrontée une personne homosexuelle. Pouvoir s’épanouir sentimentalement et l’assumer n’est pas si évident et aisé.
Concernant les graphismes, l’auteur a un joli coup de crayon. Saya a un visage fin, séduisant et dégageant pas mal de sensualité. Quant à Ogata, Ogeretsu Tanaka retranscrit bien son côté « impassible » en lui donnant un visage marqué et très sérieux. Les trames et les décors sont également bien utilisés. Quant à l’édition, elle est de bonne qualité avec une belle couverture.
A nouveau, Ogeretsu Tanaka nous charme complètement avec ce titre. La manière dont la relation sentimentale évolue, les questionnements et les remises en question nous touchent par leurs authenticités. Un excellent titre à découvrir.
Critique 1
En attendant que le bar où il travaillait avant en tant que barman rouvre ses portes, Yûsuke Ogata joue les hôtes de salle dans une boîte de nuit. Mais il a beau être un beau jeune homme apte à plaire aux femmes, ses relations ne durent jamais. La Raison ? Son visage, éternellement inexpressif. Il a beau essayer de sourire, il paraît toujours neutre, sans émotion, impossible à cerner, et ça déstabilise les gens qui le fréquentent. Du moins, jusqu’au jour où il est amené à se rapprocher de l’un des clients réguliers de la boîte de nuit. Masaki Saya est un o-gyaru, penchant masculin des fameuses gyaru : il a la peau bronzée et les cheveux blonds. Et il est connu dans la boîte pour draguer les filles à tout-va et enchaîner les conquêtes qui ne durent jamais. Mais derrière cette apparence légère, Saya cache toute autre chose…
Quatrième manga d’Ogeretsu Tanaka à paraître chez Taifu Comics, Neon sign Amber a été publié au Japon chez Shinshôkan en 2016, et fait donc partie des œuvres les plus récentes de cette jeune artiste qui séduit un peu plus à chaque nouveau titre. Et avec ce nouveau récit en 4 chapitres (plus un bonus qui apporte la caution érotique), Tanaka nous offre ce qui semble être à ce jour son histoire la plus aboutie, confirmant encore un peu plus qu’elle est en train de devenir une mangaka-phare dans le paysage du boy’s love en France.
La première leçon de Neon sign Amber est qu’il ne faut jamais se fier aux premières impressions. Auquel cas, Ogata apparaîtrait comme un homme froid et impassible à cause de son visage inexpressif, et Saya comme un homme léger à cause de son comportement avec les femmes. Mais en réalité, tous deux cachent des blessures qui sont amenées à se révéler. Ogata souffre de son visage qui lui vaut d’être constamment incompris et d’être lâché par ses relations. Quant à Saya, sa tendance à draguer les filles cache une sorte de fuite en avant, pour tenter d’échapper à un passé difficile, si difficile qu’il se trouve lui-même répugnant. En filigranes, Tanaka ne manque alors pas d’aborder une nouvelle fois le regard dur que la société peut avoir sur l’homosexualité. Et ici, elle le fait vraiment à merveille, car elle n’a pas besoin d’étirer les choses pour le faire comprendre : quelques images dures suffisent à comprendre ce que Saya a enduré, et à cerner pourquoi il agit comme il le fait avec les filles.
Les deux personnages principaux apparaissent alors très réalistes et crédibles dans leurs doutes et la difficulté qu’ils ont à faire face à leurs sentiments. Au contact de Saya, Ogata a enfin le sentiment d’être compris, et par la suite c’est peut-être Saya qui pourra enfin s’accepter et arrêter de se considérer comme un être répugnant. Mais leur évolution ne sera pas facile, entre un homme qui tente d’oublier qu’il aime les hommes, et un autre qui découvre qu’il en aime un pour la première fois alors que jusque-là il n’avait connu que des femmes. A ce titre, une scène atteint presque la perfection dans ce qu’elle nous fait comprendre des deux personnages : celle arrivant à peu près à la moitié du tome, vers la fin du chapitre 3. A l’heure où Ogata découvre pour la première fois le corps d’un homme, il n’a pas tout de suite conscience du regard blessant qu’il porte sur Saya, un regard qui ne peut que réveiller ses tourments… Et finalement, dans ce récit très bien mené, la seule petite faiblesse provient sûrement du personnage Nishiyama, qu’il n’était pas forcément nécessaire de faire réapparaître pour cerner entièrement Ogata et Saya. D’autant que son arrivée dans la dernière ligne droite du récit sonne comme une grosse coïncidence qui brise un petit peu le réalisme du récit. Ce n’est toutefois qu’une toute petite tache dans une œuvre forte magnifique.
Magnifique, Neon sign Amber l’est également dans ses visuels, où l’on sent à quel point Ogeretsu Tanaka continue de peaufiner son style. Ici, il y a de quoi rester bluffé par son travail sur les trames et les ombres. A commencer, bien sûr, par la peau bronzée de Saya qui s’offre de nombreuses nuances selon les éclairages et qui apparaît très sensuelle. Mais il y a aussi tout le travail d‘ambiance que la dessinatrice effectue avec ses jeux d’ombre et de lumière, dans la boîte de nuit, dehors le soir sous les réverbères, etc. L’atmosphère et bien là. Le design des personnages est impeccable aussi : le piercing de Saya à la lèvre lui confère un charme supplémentaire (et Tanaka joue bien avec lors des moments plus intimes), et le visage d’Ogata a bien ce côté inexpressif où l’on devine pourtant les émotions en l’observant bien. Les décors sont bien utilisés, un grand soin est accordé aux gestes, le découpage accompagne très bien le récit… Il n’y a vraiment rien à redire.
Du côté de l’édition, on a du bon travail avec une bonne qualité d’impression faite chez Jouve, un papier souple et sans transparence, une première page en couleur, et une traduction d’Isabelle Eloy qui sonne juste. Quant à la jaquette, est s’avère magnifique en posant bien l’atmosphère du titre.
En dehors du cas Nishiyama, Neon sign Amber se présente comme une œuvre très juste et forte, où Ogeretsu Tanaka excelle autant dans le portrait et l’évolution de ses deux personnages principaux que dans ses visuels. Une réelle confirmation des talents de cette mangaka toujours plus prometteuse à chaque nouveau titre.