Natsuko no Sake Vol.5 - Actualité manga
Natsuko no Sake Vol.5 - Manga

Natsuko no Sake Vol.5 : Critiques

Natsuko no Sake

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 07 Décembre 2021

Depuis qu'elle est revenue de la capitale où elle n'est pas parvenue à faire sa vie, Saeko semble, petit à petit, trouver sa voie dans l'agriculture, et plus particulièrement l'agriculture raisonnée. L'amie de Natsuko et commerciale dans la brasserie Saeki, qui détestait tant le monde agricole autrefois, a déjà beaucoup appris auprès de l'agriculteur soi-disant "excentrique" Goda, et s'applique désormais avec ardeur et amour à la culture de sa petite parcelle de tatsu-nishiki... mais autour d'elles, certaines personnes peinent encore à la comprendre. Pour pas mal d'agriculteurs dont le jeune Jinkichi, Goda reste un hurluberlu peu recommandable, l'agriculture bio ne peut pas avoir d'avenir, et il y en a même qui commencent déjà à regretter les facilités permises par l'épandage aérien de pesticides malgré les énormes dangers... Mais c'est sur un plan plus personnel encore que le pire arrive pour Saeko, dès lors que son père, la considérant toujours comme une incapable et estimant que c'est Goda qui lui a mis n'importe quoi en tête, entreprend de saccager toute sa récolte de Dragon Merveilleux...

Ce 5e pavé de plus de 450 pages commence alors fort en revenant sur le cas de Saeko, et sur les épreuves cruelles qui lui sont imposées, en particulier à cause d'un père obtus qui peine non seulement à envisager que sa fille soit capable de se débrouiller, mais aussi à entrevoir la possibilité d'une agriculture différente. Le résultat est alors passionnant, tout d'abord pour la mise en avant de l'amie de Natsuko: vue par son paternel comme une bonne à rien, surtout depuis son échec à Tôkyô, la jeune femme a devoir prendre des décisions fortes, importantes, courageuses, qui ne font que confirmer qu'elle a trouvé sa voie, qu'elle a pris du poil de la bête, qu'elle n'est plus du tout une incapable, car Goda, Natsuko, l'agriculture, la tatsu-nishiki lui permettent une véritable reconstruction à partir de choses simples et essentielles. Mais à travers la vision que pas mal d'agriculteurs et de gens du milieu ont encore de Goda, c'est aussi la difficulté de changer les mentalités que l'auteur Akira Oze aborde. Pourtant, comme il le dit si bien lui-même, ce qui est vu comme excentrique est pourtant ce qu'il y a de plus normal. Enfin, tout ceci permet à nouveau au mangaka d'évoquer différentes difficultés de milieu agricole, entre manque d'avenir du riz, travail éreintant, le fait que l'agriculture ne soit apparemment pas une voie que l'on choisit de son plein gré mais plutôt que l'on se transmet de père en fils alors qu'elle est essentielle...

En bref, on a droit à un début de tome excellent, et la suite n'est pas en reste en se recentrant évidemment sur Natsuko et sur sa culture du tatsu-nishiki, qui prend de pus en plus forme, si bien que la conception du saké tant espéré ne semble plus loin. De l'été jusqu'au début de l'automne, Akira Oze va, bien sûr, continuer d'aborder avec une certaines précisions toutes les étapes devant amené le précieux riz cultivé à devenir l'ingrédient phare d'un grand saké, avec tous les efforts que ça implique à échelle humaine: récolte des épis, battage, décorticage... puis, bien sûr, toutes les étapes devant mener au brassage par le tôji, en ne négligeant pas les étapes d'hygiène, tout étant fait minutieusement. Mais en parallèle de tout ceci, rien n'est simple pour Natsuko, qui va devoir se confronter ici à des tourments plus personnels que jamais jusqu'à possiblement remettre en question sa vision du saké qu'elle veut mettre au monde.

On peut certes évoquer les quelques considérations sentimentales puisque, même si elles sont discrètes, elles ont leur importance et sont abordées avec réalisme: tandis que Kusakabe laisse mieux apparaître ses sentiments, le coeur de la jeune femme semble pourtant, peu à peu, se tourner vers Utsumi, cet homme qui l'apprécie beaucoup, qui aime sa ténacité. Natsuko et lui ont beau être rivaux pour concevoir le meilleur saké du Japon, ils se respectent et semblent se vouer des sentiments sincères, qui sont eut-être aussi une belle forme de reconnaissance pour notre héroïne dans un univers très masculin et où, pourtant, elle ne lâche rien.

Mais c'est surtout sur d'autres créneaux que Natsuko est chamboulée, dès lors que sa belle-soeur Kazuko lui fait goûter un saké conçu par son défunt frère Yasuo, saké qui va bousculer toutes ses convictions. Bouleversée par ce breuvage dont elle est l'une des seules à percevoir l'unicité et qui lui fait miroiter l'idéal de son défunt frère, notre héroïne se met à faire des choix que son entourage considère comme mauvais: sélection d'un daiginjô Rosée de Lune différent de celui que Kusakabe voulait, provocation envers le fidèle et expérimenté toji "Papy" Yamada concernant la levure à choisir, opposition à son père qui ne sait pas encore s'il pourra un jour lui confier les rênes de la brasserie... le tout risquant alors, parfois, de briser une chose essentielle dans la conception d'un bon saké: l'harmonie entre les humains qui le fabriquent. Le tome est, alors, longuement marqué par une Natsuko dans le doute... mais justement, doute-t-elle vraiment, au vu de sa volonté d'imposer certains de ses choix, quand bien même elle se doute qu'ils ne peuvent pas plaire à la majorité ? C'est là toute la délicatesse du récit, qui finit surtout par placer Natsuko face à deux possibilités: rester "enfermée" dans le passé en ne faisant rien d'autre que concevoir le saké idéal qui voyait feu son frère et en restant prisonnière du souvenir de celui-ci, ou s'émanciper bel et bien jusqu'à concevoir son propre saké, le saké de Natsuko, ou "Natsuko no sake" en japonais. A moins, peut-être, qu'elle ne parvienne à allier les deux... ?

Alors, tout en étant toujours aussi riche sur la fabrication d'un bon saké, et engagé dans certaines thématiques avant-gardistes sur l'agriculture raisonnée entre autres, Natsuko no Sake reste également une fresque humaine incroyable et très nuancée. Encore un grand volume, qui nous laisse espérer un final de très haute volée dans le sixième et dernier tome.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17.75 20
Note de la rédaction