Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 10 Novembre 2022
Présenter Naruto relèverait de l'affront. Depuis le début des années 2000, le ninja blondinet fait partie des grands shônen issus du Jump acclamés, au même titre qu'un One Piece. Mais peut-être que l’œuvre de Masashi Kishimoto est encore plus importante que ça dans nos contrées, puisqu'elle était le manga porteur de cette période, un titre qui reste acclamé même aujourd'hui. Naruto tire finalement sa révérence en 2014, et totalise 72 volumes. Et si les regards sont aujourd'hui tournés sur la suite directe du titre, Boruto, les éditions Kana n'oublient pas l’œuvre originelle.
Naruto est, ce que l'éditeur appelle, une exception française. Si dans le monde entier One Piece domine en terme de vente et de popularité, ça n'a pas toujours été le cas dans nos contrées. Pendant un moment, les francophones se sont davantage enjoués pour le ninja orange, si bien que Naruto est aujourd'hui une icône de la pop-culture chez nous. Un exploit que Shûeisha a cherché à saluer en permettant à Kana de concocter une mouture inédite pour célébrer les 20 ans du manga : L'édition Hokage. Celle-ci est vouée à compiler les 72 opus d'origine sur 36 pavés au plus grand format (des tomes doubles, donc), en incluant le matériel couleur de la prépublication et d'autres bonus de fin de tome, le tout dans un bel écrin. Cette deluxe inédite s'annonçait comme un beau projet, qui a malheureusement connu son lot de mécontentements dès l'annonce : Outre une frise constituée par les dos des opus qui n'étaient pas du goût de tous ainsi que des couvertures dont certains regrettaient le manque d'originalité, la sortie en librairies le 6 mai dernier a aggacé par l'utilisation d'un papier qui, s'il est de qualité, empêche un total confort de lecture par sa transparence. Pour l'éditeur, une vraie crise autour de son titre phare. Et si les volumes en lui-même sont d'une bonne conception, ce papier transparent était clairement un dommage qui pouvait être évité... et qui le sera à l'avenir. En réponse, Kana a confirmé l'utilisation d'un autre papier pour le cinquième tome, un matériel qui concernera aussi les quatre premiers volumes dans leurs futures réimpressions. L'ayant-droits francophone est à l'écoute, et on ne peut que saluer leurs réactions quand certains de leurs confrères se contentent actuellement de faire la sourde-oreille sur des critiques légitimes.
La chronique de ce tome ayant été faite sur une premier version du tome, votre serviteur n'a pas spécialement été chamboulé par la transparence du papier. Mais ce critère de confort est une affaire de goûts et d'affinités personnelles, aussi Kana a bien réagi en tentant de satisfaire le plus grand nombre.
Les bases de Naruto, à savoir les deux premiers opus, sont donc contées dans ce premier volume de la version Hokage. Naruto est un adolescent qui vit au village de Konoha, et qui se destine à la profession de ninja. Le jeune garçon est pourtant bon dernier de sa promotion, puisqu'il prend plus de plaisir à faire le pitre pour épater la galerie qu'à acquérir les notions de base d'un ninja. Et pour cause : Orphelin et rejeté par tous les adultes, il n'a que son goût des farces pour s'attirer la sympathie d'autrui. Aussi, lorsque l'examen final pour devenir aspirant ninja a lieu, Naruto échoue... Mais par une succession d'événements fortuits, Naruto obtiendra la Graal : Sa licence et son bandeau de ninja. Il découvrira avec effroi à cet instant qu'il possède en lui l'esprit du démon renard à neuf queues qui ravagea Konoha autrefois, explication du mépris d'autrui pour lui. Mais qu'à cela ne tienne : Naruto est maintenant un ninja, et il compte bien devenir Hokage, le plus puissants des siens au sein du village, pour obtenir la reconnaissance de tous.
Avec cet équivalent des deux premiers tomes, Masashi Kishimoto livre un véritable exemple de lancement de shônen d'aventure et de combat. Les bases sont instaurées clairement, et cette première salve de 17 chapitres nous familiarise clairement avec l'univers prometteur de la série. Avec l'oeil d'aujourd'hui, il est d'ailleurs amusant de deviner ce qui était prévu par l'auteur, et ce qui ne l'était pas. L'amorce est donc efficace, et la découverte du monde proposé véritablement plaisante. Que ce soit par le lancement du premier arc sérieux ou les premiers chapitres de mise en place, le mangaka se montrait particulièrement habile, à l'époque, pour introduise les premières mécaniques de son œuvre. Difficile d'être perdu, tandis qu'on s'attache facilement aux premières figures présentées. Même avec le regard actuel, l'ensemble fait mouche, la quête de Naruto étant promise à de nombreuses possibilités, tandis que le protagoniste et des figures comme Kakashi n'ont pas pris une ride, malgré les archétypes que les personnages représentent dans la globalité. Même Sasuke, pourtant si moqué aujourd'hui, propose un capital sympathie certains dans ces premiers chapitres, ce qui ne sera pas forcément le cas par la suite, il sera donc plaisant de voir comment le titre a vieilli de ce côté-là.
Et si on insiste tant sur la réussite que constitue ce départ de série, c'est parce qu'on garde évidemment en tête l'échec retentissant de Samurai 8, manga annulé au bout de 5 tomes pour absence de succès. Après un Naruto si bien introduit où le récit y allait doucement pour mettre en place son univers, difficile d'imaginer que le même auteur ait échoué avec le début ultra laborieux et fouillis de Samurai 8.
Pour en revenir à l'édition, débat sur la qualité du papier mis à part, force est de constater que l'ouvrage est plaisant à tenir en mains. L'impression des pages couleur sur un papier non brillant est un plus pour donner au livre un bel aspect. Et malgré une obligation de réutiliser les visuels des jaquettes d'origines, Kana est parvenu à créer une belle maquette. A noter que la traduction de Sylvain Chollet, brillante, est ici reprise, de même pour le lettrage et l'adaptation graphique. Le travail supplémentaire vient de la traduction du chapitre bonus, le pilote de la série sous sa forme de one-shot, qu'il était astucieux d'introduire dans le premier tome. En somme, une fois le papier corrigé, l'édition Hokage de Naruto constituera une version plus qualitative du manga à même de ravir les fans et collectionneurs qui chercheraient un objet plus prestigieux.