Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 22 Mars 2024

On l'avait découverte avec beaucoup d'enthousiasme entre 2014 et 2016 avec la série en 5 volumes Save me Pythie où elle revisitait avec beaucoup d'humour la mythologie grecque, puis on l'avait retrouvée avec joie via le one-shot Par le pouvoir des dessins animés en 2019: Elsa Brants fait son retour aux éditions Kana en ce mois de mars 2024 avec une nouvelle création originale, Myrtis, où cette fois-ci elle devrait se faire un plaisir de reprendre à saucer le monde merveilleux des royaumes enchantés, des princes et des princesses !

Myrtis est précisément la princesse bien-aimée de son royaume... enfin, "bien-aimée", c'est un grand mot. Pourrie gâtée par son père le roi depuis toujours, la jeune fille vit dans le luxe depuis toujours, voit le moindre de ses désirs exaucé, et est alors naturellement devenue hyper capricieuse, hyper impulsive, hyper égocentrique et hyper autoritaire, au point de virer quiconque l'agace un tant soit peu. Mais à vrai-dire, les personnes virées ne se plaignent pas vraiment de ne plus être au service de cette furie !

En un rien de temps, Elsa Brants s'amuse déjà à totalement casser la figure de la princesse douce, gentille, docile... et cela va encore plus se confirmer dès que Myrtis découvre la vraie raison pour laquelle ses parents l'ont toujours choyée: ils ne voient en elle qu'un pion à offrir en mariage à Willken, prince du royaume éponyme avec lequel ils comptent s'allier par ce biais, et homme le plus riche et le plus puissant du continent selon ses propres dires. Et à l'aube des 17 ans de la princesse, l'heure de ce mariage est enfin venue ! Mais si le peuple se réjouit de ce mariage a priori idyllique, Myrtis, elle, ne veut aucunement de ces épousailles forcées. Sauf qu'on ne lui laisse pas le choix: enfermée dans une geôle par ses propres parents en attendant le jour fatidique, elle ne compte pas se laisser faire et, pour s'enfuir, va rapidement pouvoir compter sur deux étonnants compagnons de cellule: Fi, une sorcière enfermée dans une fiole qui confère à notre héroïne un pouvoir plus ou moins efficace, et Louby, jeune homme dont Myrtis va exploiter la faiblesse pour le mettre à ses ordres. La fuite peut commencer, mais elle ne sera pas de tout repos !

En se reposant essentiellement sur la cavalcade de Myrtis pour échapper à son mariage (car il va de soi qu'une fois en fuite, le roi va tout faire pour la retrouver) et sur sa découverte trèèèès difficile d'un tout autre type de vie (finie la vie de princesse pourrie gâtée, bonjour un quotidien où elle va devoir apprendre à travailler et à ne plus donner d'ordres à tout le monde), Elsa Brants déballe déjà un flot constant d'humour où l'on retrouve bien sa patte: une héroïne bourrée de caractère et mettant son entourage sens dessus dessous, des principales figures masculines délicieusement malmenées (entre Willken dont l'arrogance et l'autorité en prennent un coup, et le faiblard Louby), des personnages secondaires déjà nombreux et tous plus incongrus les uns que les autres (coucou Marge la Barge dont le nom en impose plus que le physique, Pepino le colosse au coeur tendre, Gi la vieille sorcière nudiste, ou le cheval ayant parfois des allures de Maximus du Raiponce de Disney). Autour de cette galerie excentrique et décalée, les situations humoristiques s'enchaînent à un rythme effréné et limpide, avec au moins un gimmick comique à quasiment chaque page, ces éléments d'humour jouant par ailleurs sur des créneaux assez divers où le pur comique de situation peut côtoyer le burlesque, les petites parodies (de selfie, de Pôle Emploi...) et une écriture très efficace avec beaucoup de répliques qui font mouche !

En somme, il y a déjà ici une imagination foisonnante pour nous faire sourire face à cet enchaînement de mésaventures et autres situations impossibles. Et pour bien porter le tout, on peut compter sur le rythme soutenu et, surtout, sur la patte graphique typique de l'autrice, à mi-chemin entre Rumiko Takahashi et Gotlib avec ses designs variés, farfelus et hyper expressifs, et rehaussé d'un travail tout à fait honnête sur des décors dignes d'un royaume médiéval un peu merveilleux.

Avouons-le: on attendait de pied ferme Myrtis ici, et à l'arrivée ce premier tome tient bien ses promesses, grâce à cette délicieuse anti-héroïne surfant presque sur la mode des "villainess" et étant un excellent point de départ pour une déferlante de gags souvent bien sentis. On retrouve une Elsa Brants inspirée, et on ne peut qu'espérer que cela durera sur la longueur !

Côté édition, Kana propose une copie très honnête: derrière une jaquette soignée et où brille d'emblée la bouille capricieuse et égocentrique de Myrtis, on trouve un papier souple et assez opaque (même s'il y a parfois une légère transparence, selon la densité des planches), une impression tout à fait honnête et un travail de lettrage/adaptation graphique soigné.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction