Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 06 Octobre 2023
Un nouveau manga d'action fantastique sur fond de croyances nippones débarque dans le catalogue des éditions Doki-Doki en ce mois d'octobre: Miyabichi no Onmyôji - L'exorciste hérétique. Lancée au Japon en 2021 dans le magazine GFantasy de Square Enix avec actuellement 3 volumes au compteur, cette série est la première publication française de Sakura Fujimoto, une mangaka dont c'est la deuxième série professionnelle et qui a débuté sa carrière en 2019.
On plonge ici au sein du Pays du Soleil, un empire dont la capitale renferme les dix trésors sacrés, des objets de grand pouvoir qui pourraient mener à la catastrophe s'ils tombaient entre de mauvaises mains, si bien que la ville est en permanence protégée par des barrières repoussant les créatures malfaisantes. Et pourtant, voici qu'un jour, des ayakashi, sortes d'esprit malveillants, parviennent à s'infiltrer dans la capitale et à voler les trésors, ce qui est une catastrophe puisqu'ils leur suffirait de fusionner avec pour que leur puissance soit décuplée ! L'Empereur exige donc immédiatement la réunion de tous les exorcistes du pays, les onmyo-ji... y compris le plus redouté de tous: Fuzuki, le plus puissant des exorcistes, mais qui est également appelé l'hérétique, et qui vivait depuis longtemps reclus dans son château noir en compagnie de son étrange domestique Izumo et de son acolyte Hakuro, un jeune homme-loup. Alors que le début de la quête pour retrouver les trésors commence tout juste, les pas de Fuzuki et Hakuro les amènent rapidement à croiser la route de Ranmaru, un petit garçon orphelin qui, à cause de ses origines mi-humaine mi-ayakashi/tanuki, est rejeté de tout le monde. Pris dans la traque d'un ayakashi, le pauvre petit se retrouve, malgré lui, fusionné avec le magatama, un des trésors. Mais alors que Fuzuki compte tout bonnement tuer l'enfant pour récupérer le trésor, Hakuro a autre chose à lui proposer: garder Ranmaru avec eux, et s'en servir pour repérer les autres ayakashi porteurs de trésor.
Si son histoire ne se déroule pas au Japon, Sakura Fujimoto imprègne toutefois en permanence son récit d'une ambiance fantastique typiquement nippone, à la fois dans ses concepts (le Pays du Soleil dont le nom fait référence au japon, les onmyo-ji, les ayakashi, le magatama... qui sont tous des éléments typiques des anciennes croyances nippones) et dans son rendu visuel au niveau des tenues et des décors, par ailleurs très soignés. Dans ce contexte, on part sur une histoire somme toute très classique, à base d'exorcistes traquant de méchants esprits malfaisants, chose qui a déjà été vue une infinité de fois. De ce fait, pour le moment il n'y a rien de bien original dans ce début de série qui suit un déroulement prévisible, mais ce n'est pas pour autant que l'oeuvre n'est pas divertissante et assez intrigante, essentiellement grâce à deux aspects.
Le premier des deux est tout simplement la patte visuelle de Sakura Fujimoto qui, sans être très personnelle, est vraiment soignée et n'a aucune difficulté à séduire. En plus des décors comme déjà dit précédemment, l'autrice propose des designs d'ayakashi assez élaborés. Mais c'est surtout les designs des personnages qui devraient facilement plaire à une partie du lectorat: fidèle à l'esprit du magazine GFantasy qui est estampillé shônen mais qui cherche à séduire autant les garçons que les filles pour la plupart de ses séries (Black Butler et Horimiya ne sont que deux exemples), Fujimoto veut proposer un "manga à beaux gosses" comme il est dit dans la postface, et sur ce plan-là c'est réussi. D'ailleurs, notons que pour l'instant il n'y a pas la moindre petite bribe de personnage féminin. Et à cela s'ajoute le design beaucoup plus chibi de Ranmaru, dont le côté mignon/adorable aura facilement de quoi faire craquer. On regrettera juste, dans tout ça, des moments d'action expéditifs et pas spécialement inspirés côté découpage et mise en scène, malgré le côté assez esthétique de certaines techniques de Fuzuki, onmyo-ji ayant les particularités de manipuler son sang et de pouvoir régénérer ses membres... Dans ce contexte, une question arrive tout naturellement: est-il vraiment humain ?
Cela nous amène au deuxième aspect suffisamment intrigant de ce premier tome: ses principaux personnages. Bien sûr, Fuzuki suscite naturellement la curiosité au vu de ses capacités, de son qualificatif d'hérétique et du fait qu'il était reclus dans son château jusqu'à présent. Qu'a-t-il bien pu faire par le passé ? Le fait qu'il soit quelque peu rejeté par ses semblables est-il dû à ce passé ? A son caractère plutôt hautain, arrogant, provocateur voire flippant (puisqu'il n'hésiterait pas, sans Hakuro, à tuer froidement Ranmaru) ? A tout ça à la fois ? Quant à Hakuro, pourquoi coopère-t-il avec Fuzuki, et pourquoi protège-t-il tant Ranmaru ? On se demande également comment évoluera le lien entre les trois figures principales, être tous els trois rejetés par les autres. Enfin, en plus de tout ceci, il y a de quoi se demander comment les ayakashi ont pu s'infiltrer dans une capitale pourtant très bien protégée. Et à l'heure où l'on apprend déjà qu'un mystérieux humain n'est peut-être pas étrange à ça, on a déjà envie de faire quelques petites hypothèses (soyons francs: l'Empereur n'est étrangement pas du tout paniqué par la situation).
A l'arrivée, on a affaire à un début de série qui ne cherche pas du tout à faire dans l'originalité, mais qui est suffisamment bien gratté, rythmé et doté d'éléments assez intrigants pour divertir sans difficulté. De plus, Doki-Doki nous propose une qualité d'édition impeccable, avec une jaquette proche de l'originale japonaise jusque dans la typo de son logo-titre, une première page en couleurs sur papier glacé, un papier bien épais et opaque permettant une excellente impression, un lettrage soigné de Jean-François Leyssène, et une traduction très claire de la part de Marylou Leclerc.