Nouvelle interview de Cédric Biscay autour du retour de Blitz- Actus manga
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Manga Nouvelle interview de Cédric Biscay autour du retour de Blitz

Vendredi, 17 Octobre 2025 à 18h00 - Source :Rubrique interviews

Manga atypique s'il en est, Blitz est né de l'imagination de l'auteur monégasque Cédric Biscay, jusqu'ici davantage connu sous sa casquette de producteur touchant à la pop culture au sens large, via de grandes connexions avec les industries japonaises. Manga traitant des échecs qui fut sur une très bonne lancée, malgré une inauguration au pire moment possible que fut celui de la pandémie et des confinements, Blitz a pourtant connu une interruption de près de deux ans, entre 2023 et cet automne. Une halte qui a des explications, par exemple les nombreux projets chapeautés par l'auteur qui nous a même rassurés sur la production de la série animée Astro Boy, annoncée il y a plus de 10 ans, et toujours en chantier.


Avec cette reprise, nous avons pu rencontrer de nouveau Cédric Biscay qui est revenu sur les circonstances de ce retour, sur les changements connus sur le développement de Blitz depuis son neuvième tome, sur la façon de créer le récit entre trois artistes, et sur les bilans que lui et le dessinateur, Daitarô Nishihara, tirent de cette publication qui a dépassé les 10 volumes.


 
© BLITZ / IWA



Plus de deux ans séparent les tomes 10 et 11 de Blitz. Que s’est-il passé entre temps ? Comment s’est préparé ce onzième volume ?


Cédric Biscay : Je gère beaucoup de projets. D’autres choses ont pris tout mon temps par rapport à la sortie de Blitz qui est pourtant l’une de mes priorités. On a quitté les lecteurs avec un épisode spécial commandé par le gouvernement de la Principauté de Monaco pour dénoncer le harcèlement scolaire. C’était une bonne initiative, mais je n’ai pas pu me remettre immédiatement sur Blitz pour diverses raisons personnelles. Aujourd’hui, c’est le grand retour. Je ne cache pas que j’avais peur qu’on ait un peu oublié la série, alors je suis allé voir dans les librairies, et j’ai été content de voir qu’elle est toujours dans les rayons. (rires)

J’ai accès aux chiffres de vente, je sais donc que le titre fonctionne, mais ça fait toujours plaisir de le voir en vente de ses propres yeux.



D’autant plus que sur un marché si riche, il peut y avoir la crainte d’une série qui se perd parmi d’autres nouveautés…


Cédric Biscay : Tout à fait. Mais Blitz a la chance d’être énormément suivi, notamment par la presse. En général, les médias ne chroniquent qu’un premier tome de manga, et je suppose que c’est la même chose pour la bande dessinée. Pourtant, Blitz profite d’un suivi sur le long terme. Je ne me rendais pas compte que c’était rare. Ça veut dire que le titre reste apprécié, et ça me fait énormément plaisir !


 
© BLITZ / IWA


Il est possible que l’originalité de Blitz, création monégasque et japonaise, joue dans cette balance.


Cédric Biscay : C’est sûr que l’originalité de la série est là. Aussi, elle fait partie des précurseurs du renouveau autour de l’intérêt des échecs. Quand le premier tome est sorti, le confinement arrivait. C’est à ce moment-là que les échecs ont repris du poil de la bête, et la série Netflix Le jeu de la Dame est venu tout rafler sur son passage. Depuis 2020, l’engouement autour des échecs n’a fait qu’augmenter. Avant ça, on avait l’image d’un jeu poussiéreux uniquement pratiqué par quelques élites. Maintenant, je pense qu’il ne se passe pas un seul jour sans qu’il y ait une actualité autour du jeu, d’une personnalité ou d’un influenceur liés aux échecs.



Justement, l’actualité des échecs a-t-elle un impact dans la conception de Blitz ?


Cédric Biscay : Elle n’a pas d’impacté dans l’écriture à proprement parler, mais elle en a un dans la manière d’envisager la suite. Si les échecs ne sont toujours pas populaires au Japon, bien qu’un peu plus qu’avant, il y a un buzz mondial qui dure. En tant que résultante à cette évolution, on peut ajouter que les échecs sont devenus importants dans le e-sport, ce qui rajoute un aspect économique via les investissements massifs, venant notamment de l’Arabie Saoudite. Tout ceci influence le milieu. Plus les échecs prennent de l'ampleur, et mieux c’est pour Blitz.


Rien ne change du côté de l’histoire, car j’ai déjà mon scénario en tête depuis un moment. En revanche, cette actualité apporte à la vie de la série. Quelque part, on y a participé, et on profite de ce juste retour.



C’est intéressant que l’actualité et les moyens de communication modernes façonnent les échecs, car Blitz est une série qui parle du jeu en rapport avec les nouvelles technologies.


Cédric Biscay : J’ai pensé la série comme ça. J’ai écrit les premiers tomes avant que tout l’engouement des échecs n’arrive. Maintenant, voir des personnes jouer sur mobile est devenu quelque chose de banal. On observe aussi de plus en plus de personnalités jouer, je pense notamment à la partie entre Wembanyama et Julien Song, un influenceur autour des échecs. Ce sont des choses qui ont un retentissement plus important que si ça avait eu lieu il y a quelques années. Ça a rendu les échecs plus « cools », et c’est la nouvelle donne. Avant, on pouvait se dire qu’il fallait un certain niveau pour apprécier le jeu. Ce n’est plus vraiment le cas, tout ceci a permis de le vulgariser.


 
© BLITZ / IWA


Blitz a dépassé les 10 tomes, quel bilan tires-tu de cette première dizaine ?


Cédric Biscay : C’est un bilan au-delà de mes espérances. Comme j’ai mon scénario, j’avais calculé une série sur environ 25 tomes. Mais il s’agissait d’espoirs dans ma tête. Car, quand le premier tome est arrivé, les librairies fermaient à cause du Covid, et la série n’était pas encore en vente sur Amazon. À ce moment, j’ai plutôt pensé qu’on était mal parti pour un manga aussi long… (rires)


Mais on y a cru. La sortie du 11e tome est donc assez exceptionnelle. J’ai beau être producteur et avoir fait beaucoup de dessins animés et de jeux vidéos, je n’avais pas de données chiffrées du marché du manga. C’est pour ça qu’avec 10 000 exemplaires du premier opus vendus, on m’a présenté ça comme un exploit. J’ai posé des questions aux personnes concernées qui m’ont répondu que pour un manga hors blockbuster façon One Piece, vendre déjà 3000 exemplaires est une belle performance. Aujourd’hui, nous en sommes à 200 000 tomes vendus, ce qui est hallucinant. Bien sûr, certaines œuvres comme Radiant et Dreamland réussissent encore plus, et ce sont les références pour tout mangaka français. Quand je vois que Dreamland part sur un anime, j’ai forcément envie d’avoir ce même succès.



Qu’est-ce qui est le plus difficile à écrire dans la série ? Son histoire globale, les arcs de personnages, ou le déroulé des parties ?


Cédric Biscay : Je gère tous ces aspects du récit, y compris la scénarisation des parties. La plus grande difficulté reste les dialogues, et c’est pour ça que je me suis adjoint Tsukasa Mori qui est co-scénariste. Je ne suis pas auteur à la base, j’ai appris à l’être. Blitz est une histoire qui vient du cœur, mais je serai incapable d’écrire un projet de commande. C’est donc sur cet aspect que j’avais besoin d’aide, car je ne me voyais pas écrire des dialogues suffisamment percutants et intéressants, bien que j’amène le scénario.


Peut-être que certains pensent qu’une fois l’histoire écrite, il suffit de mettre les bons textes dans des bulles. Mais écrire des dialogues, ce n’est pas ça. Je suis content de pouvoir apprendre cet aspect aux côtés de Tsukasa Mori.



Avant la sortie du tome 10, le distributeur de Blitz a changé, les éditions Iwa étant passées de Makassar à Interforum. Peux-tu nous en parler ? Évoquer l’impact que cette évolution a eu sur la série ?


Cédric Biscay : Ce changement a eu lieu sur le tome 9 ou 10. Auparavant, nous étions chez Makassar qui a un réseau de distribution plus limité. Par exemple, cela empêchait les volumes d’être vendus sur Amazon. Nous restons en très bons termes, mais il fallait que Blitz grandisse davantage. On a switché vers Interforum qui ont été ravis d’accueillir la série. On a ainsi pu se développer sur certaines grandes surfaces et sur Amazon. Leur réseau de libraires est aussi beaucoup plus grand. Certains commerces ne travaillent pas avec Makassar, et ça nous a posé problème.


Quand on a lancé Blitz, je n’avais aucune connaissance de toutes ces données. J’étais très content de rencontrer Makassar, un distributeur qui croyait en notre projet et qui s’est montré très réactif. Blitz avait juste besoin de changer de division.


Ce changement a forcément eu un impact sur les chiffres. Je n’en ai pas de précis en tête. Mais, pour donner un exemple, chaque tirage via Interforum est de 15 000 copies, car la mise en place est plus importante et le réseau est plus vaste. Et comme Blitz est disponible à plus d’endroits, j’ai davantage de sollicitations pour des séances de dédicace. Je suis aussi invité à des salons auxquels je n’aurais jamais pensé aller comme le Lucca Comics, en Italie. C’est un pays où Blitz fonctionne très, c’est un engouement que je n’avais pas vu venir. Je réalise difficilement ce succès, car je suis davantage connu comme "le gars qui a fait Shenmue 3 et organisé le salon Magic". Que les événements me sollicitent pour Blitz me rend donc heureux.


 
© BLITZ / IWA


C’est un point que nous n’avons jamais vraiment abordé : comment se déroulent les échanges avec Daitarô Nishihara, le dessinateur du manga ?


Cédric Biscay : Nous ne sommes pas en échanges directs, car il y a la barrière de la langue. Daitarô Nishihara ne parle que japonais, et mes scénarios sont écrits en français ou en anglais. Il passe donc par une traductrice. C’est lors de réunions que nous échangeons de manière plus large, sur notre vision de la suite, par exemple.



Tout comme tu as fait ton bilan de la publication, pourrait-on connaître le ressenti de Daitarô Nishihara sur son expérience ?


Cédric Biscay : C’est amusant, car, au départ, il ne connaissait rien aux échecs. Il a appris sur le tas afin de pouvoir mieux représenter le jeu. Pour donner une anecdote, il n’est pas satisfait de son dessin sur le tome un. Il est vrai qu’en tant que lecteur, on remarque que son trait n’a fait que s’améliorer au fil des tomes. Lui-même se sent aujourd’hui très à l’aise, il a saisi les personnages et parvient à faire ce qu’il a envie. C’est un retour vraiment humble de sa part, car ce n’est pas n’importe qui, il a par exemple travaillé sur Pokémon. Daitarô Nishihara est un auteur exigeant avec lui-même. Il est très content du succès en France, bien que modeste, car Blitz n’est pas un blockbuster non plus. Outre l’Italie, la série est aussi présente en Angleterre, en Australie et aux États-Unis. C’est quelque chose qu’il n’avait pas vu venir, car il est rare qu’un manga qui n’est pas exclusivement japonais ait une présence à l’international.



Parler de ces échanges est intéressant, car nous n’avons jamais rencontré Daitarô Nishihara et Tsukasa Mori.


Cédric Biscay : C’est vrai, d’autant plus que le trio est assez atypique. J’admire ces mangakas capables de concevoir le scénario, le storyboard, les dialogues et les dessins. Ce sont des génies. Il faut penser à tout et, surtout, être solide en dessin quand on a une bonne histoire. Ou, à l’inverse, être capable d’écrire quand on a un dessin qui envoie. Ce n’est pas quelque chose d’évident. Mais ce n’est pas simple non plus de procéder comme on le fait avec Blitz, avec un scénariste francophone et une dialogiste et un dessinateur japonais. C’est une autre complexité, mais c’est la seule que je pouvais me permettre, car je ne sais pas dessiner. (rires)


 
© BLITZ / IWA


As-tu une dernière chose à rajouter vis-à-vis de la reprise de Blitz ?


Cédric Biscay : Dans Blitz, j’aime beaucoup faire apparaître des invités intégrés à l’histoire. On avait par exemple fait apparaître le Maire de Kyoto ainsi que le Prince Albert et la Princesse Charlène. Dans le tome 11, nous avons deux guests : Valtteri Bottas, ancien vice champion du monde de Formule 1, et Alain Ducasse, présent pour une scène très fun. J’ai envie de faire intervenir des gens réels dans une histoire qui ne l’est pas. Mais c’est toujours saupoudré, et ce n’est en aucun cas un projet business. Ce sont des clins d’œil qui m’amusent, tout simplement.



Remerciements à Cédric Biscay pour sa disponibilité et à Sahé Cibot pour l'organisation de la rencontre.


Les 11 premiers tomes de Blitz sont disponibles aux éditions Iwa.

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