Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 17 Octobre 2025

Pour ce mois d’Halloween, les éditions Mangetsu cherchent à nous donner de beaux frissons. Car un programme d’effroi chargé attend les lecteurs en ce mois d’octobre, ce qui a déjà commencé avec le premier tome d’Animal Human et se poursuivra avec le recueil d’histoires courtes Froid glacial du maître Junji Itô. Entre-temps, un autre lancement s’avère tout particulier : celui de Shin Tokyo.


Aujourd’hui conclu en 12 volumes au Japon, l’œuvre fut prépubliée sur la célèbre plateforme Shônen Jump+, reconnue au point de voler la vedette au magazine papier Shônen Jump. Son autrice est loin d’être une inconnue du paysage manga, y compris chez nous. Kenji Sakaki fait ses débuts en tant qu’assistante d’Akira Amano sur Reborn ! Entre 2004 et 2007, ce qui représente le début de l’histoire jusqu’à l’amorce de l’arc du futur. C’est dès 2010 qu’elle embrasse sa propre carrière de mangaka avec sa série Enigma, publiée dans le Shônen Jump. Malgré de très bons débuts, le manga est stoppé à son septième tome, faute d’un soutien des lecteurs. Chez nous, le manga sera publié aux éditions Kazé Manga dès le mois de mars 2012.


Loin de rester sur cet échec, Kenji Sakaki fait son retour en 2015, mais cette fois sur la plateforme Jump+, avec son manga Love Dester qui comptera lui aussi 12 volumes. Shin Tokyo est sa troisième série, et on espère qu’une quatrième viendra garnir son œuvre. De notre côté, retrouver la mangaka est un vrai plaisir tant Enigma avait marqué votre serviteur pour son habile cocktail de suspense, d’action et de fantastique.


L’histoire nous plonge aux côtés de jumeaux, Yomi et Yami Kanda. L’un est plus timide, mais attaché à la justice, et l’autre plus impulsif et toujours prêt pour venir à la rescousse de son frère. Depuis toujours, ils partagent une connexion surnaturelle : la douleur ressentie par l’un est aussi vécue par l’autre. Élève en première au lycée Daiba, ils assistent quotidiennement au harcèlement de Yabuuchi, leur professeur principal, de la part des autres élèves. Même s’ils interviennent, les brimades reprennent aussitôt, et les deux frères restent impuissants.


Lors d’une excursion, l’enseignant se donne la mort sous les yeux de ses élèves. Son objectif ? Les plonger dans l’Underground, un purgatoire où sont châtiés les criminels. Cet enfer, qui n’était qu’une légende urbaine aux yeux de tous, devient une réalité, et les élèves vont devoir s’y confronter…


Fidèle à elle-même, Tsuyoshi Takaki renoue avec la formule du manga survival où s’ajoute une once de fantastique. S’il est question d’une classe de lycéens face à la mort, ce n’est pas un battle royale à proprement parler qui nous est proposé, mais un jeu de survie dans un Tokyo délabré. La formule est on ne peut plus classique, mais elle s’enrichit de pointes de mystères, notamment en ce qui concerne cet étrange monde parallèle, les secrets de ce purgatoire, et le lien entre celui-ci et l’une des élèves qui attire rapidement notre intérêt. Finalement, ces éléments dominent bien plus que la connexion surnaturelle qui relie les deux héros, Yomi et Yami, un aspect qui joue dans la tension, mais qui, pour l’heure, ne révèle que peu d’intérêt scénaristique.


Néanmoins, ces pistes de scénario sont-elles suffisantes pour honorer le concept ? Clairement pas, et c’est pourquoi l’autrice a la bonne idée de faire de ce jeu de survie une succession de combat de boss qui prennent l’allure d’énigmes. Faisant office d’introduction, ce premier tome plante le concept et ses subtilités, un cocktail assez habile pour créer de la tension et amener quelques rebondissements tout en exploitant différents personnages, et pas uniquement les deux protagonistes.


Derrière un trait rondouillard, la mangaka ne se prive pas de déjà de développe une vraie boucherie dès ce premier opus. La démarche est même surprenante tant les morts sont sanguinolentes et que les cadavres se multiplient, le récit ne cherchant donc pas à développer chacun des élèves de la classe. Au contraire, on a l’impression que l’intrigue fait du tri afin de garder une poignée de personnages par la suite, une démarche qui sera salutaire si cela permet de mieux se concentrer sur eux et les exploiter. On pourra néanmoins soulever une lacune graphique de l’ordre de la narration, parfois maladroite, qui gâche le potentiel de certains grands moments. Il est possible que la mangaka tâtonne encore dans ses compositions pour une œuvre aussi effrénée et sanglante, aussi on espère qu’elle trouvera davantage d’assurance par la suite.


C’est donc une première lecture enthousiasmante, quoiqu’un peu tiède sur quelques aspects, que nous offre Kenji Sakaki. Jouant avec un genre essoré jusqu’à la moelle, la mangaka parvient pourtant à y donner de l’intérêt grâce à un concept bien trouvé et quelques mystères qui titillent notre curiosité. Ces bases doivent encore se confirmer tandis que l’action serait encore plus efficace si les planches gagnaient en lisibilité. À voir avec le deuxième opus, donc. Heureusement pour nous, Mangetsu l’a publié en simultanée de ce premier volume !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
14.5 20
Note de la rédaction