Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 22 Décembre 2023
Ce quatrième volume s'ouvre sur une question légitime de Tanosuke Sakuraba: pourquoi donc son interlocuteur souhaite-t-il tant en apprendre davantage sur Kan'ichiro Yoshimura ? Une fois la réponse donnée, l'entrepreneur peut alors reprendre consciencieusement son témoignage, ou plutôt ses témoignages puisque, au fur et à mesure qu'il ressasse ses souvenirs, bien d'autres choses se dévoilent à nous, à la fois sur différentes période de cette époque trouble ainsi que sur un petit paquet de personnages. Et ainsi, malgré quelques petites répétitions (inévitables au vu de la narration basée sur des témoignages), et même si Sakuraba aime facilement tergiverser, le tout est toujours passionnant à suivre afin de, petit à petit, essayer de retracer toute la complexité du parcours que l'enquêteur souhaite mieux comprendre.
Bien sûr, Kan'ichiro reste la figure centrale de ces témoignages, et ici on retiendra notamment deux choses à son sujet. Tout d'abord, le fait que Sakuraba fut lui-même étonné le jour où il apprit que Yoshimura s'était rallié au Shinsen-Gumi, notamment car même s'il était une fine lame du domaine de Nanbu, il ne l'aurait jamais imaginé capable d'ôter la vie de qui que ce soit. Et pourtant, le fait est qu'il a massacré nombre de gens sous la bannière du Shinsen-Gumi, ce qui renforce encore l'ambiguïté du personnage. Et ensuite, la possibilité persistante qu'un autre facteur de cette époque absurde et obscure ait grandement impacté la vision des choses de Yoshimura pour préserver ses proches: la famine, tout simplement, qui était alors un mal important parmi d'autres, forcément corrélé aux conflits et aux inégalités de rang.
Mais comme dit précédemment, les dires de Sakuraba ne se limitent pas au seul cas de Kan'ichiro, et viennent nous éclairer aussi sur certains aspects et sur le parcours de plusieurs autres figures, parfois jusqu'à leur mort: Sakuraba lui-même, mais aussi son père, Jiroemon sur lequel est fait un portrait globalement peu reluisant (l'occasion d'évoquer l'importance de la notion très humaine de compassion, d'empathie), son fils Chiaki qui semblait bien plus humain selon l'entrepreneur, et surtout le propre fils de Yoshimura: Kaichiro. On découvre mieux, à travers le témoignage de Sakuraba, un jeune garçon débrouillard, qui a dû traverser nombre d'épreuves suite à la fuite de son père, qui a souhaité prendre la voie de la rédemption alors que lui-même n'avait pas péché selon le code d'honneur des samouraïs, et qui garda lui-même un rapport assez ambigu avec cette figure paternelle.
"Mieux connaître la vie de ceux qui ont été ballottés par le cours de l'Histoire pourrait s'avérer très utile, dans le monde de demain."
On reste alors sur un récit toujours aussi intéressant, riche, bourré de nuances et immersif, qui doit notamment beaucoup à la construction narrative basée sur des témoignages (ce qui permet de jongler efficacement entre différentes époques pour essayer de reconstruire l'entièreté des personnages petit à petit) ainsi qu'au travail visuel toujours excellent du mangaka.