Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 20 Décembre 2023
Ce troisième volume s'ouvre sur des premières dizaines de pages où, après le témoignage du tenancier du Kadoya en 1914, on replonge dans le passé au plus près de Kan'ichirô, au crépuscule de sa vie, alors que Jiroe lui a intimé l'ordre de mourir. Alors que, dans le précédent opus, on a pu cerner l'ambivalence d'un homme dont l'avidité marquait surtout le désir d'offrir une vie décente à sa famille, l'heure est précisément venue de voir notre homme penser à ses proches, à l'heure où son existence semble proche de s'éteindre. Son épouse Shizu qu'il aime depuis la plus tendre enfance, ses enfants, la contrée de Shizukuishi où ils vivent, le Mont Iwate et autres collines qui doivent être enneigées à cette période de l'année... Au fil d'une narration très introspective puisqu'elle passe entièrement par les pensées de Kan'ichirô, on ressent pleinement ce qui s'empare de lui: la nostalgie, la mélancolie, les regrets, et surtout l'amour indéfectible qu'il porte à ses proches. Pour lui, un guerrier doit d'abord assurer la prospérité du peuple, à commencer par celle de son propre foyer. Dans le fond, il n'y a rien de plus humain. Alors, où a-t-il péché ?
Après ce début de volume très poignant et joliment narré, on revient pour le deuxième témoignage recueilli par l'enquêteur de 1914 auprès, cette fois-ci de Yanosuke Sakuraba, un entrepreneur et soutien du politicien Hara qui, en filigranes, sera l'occasion d'évoquer un petit peu le contexte politique d'alors et les évolution de la société nippone depuis la fin du bakufu. mais bien vite, l'essentiel se trouve ailleurs: évidemment dans les nouveaux témoignages que les auteurs présentent toujours aussi bien, en remontant le fil des souvenirs qui reviennent peu à peu à la mémoire de Sakuraba au sujet de Kan'ichirô, ce dernier ayant été son instructeur à l'école dans son enfance, pour présenter là aussi une nouvelle dualité de notre personnage central: brillant esprit en matière de lettres, de science et de guerre, il finit pourtant par s'enfuir précipitamment en jetant l'opprobre sur les siens, à commencer par son fils Kaichirô qui le paya. De fil en aiguille, on découvrira alors un peu cette fameuse famille que Kan'ichirô laissera, par la suite, avec regrets en devant mourir, entre un fils digne malgré son statut non-noble et une épouse à la fois si belle et à la santé si fragile. Les auteurs nous font ressentir la part de misère régnant encore sur cette famille malgré la belle réputation qu'avait alors Kan'ichirô avant de fuir, ce qui nous rappelle de plus belle la raison pour laquelle il semblait si obsédé par l'argent, et nous souligne aussi certaines absurdités des règles du monde des samouraïs et de ses castes.
Toujours servi par une grande rigueur visuelle, où le réalisme des personnages rivalise avec la richesse et la beauté des décors urbains et naturels, le récit historique d'Asada et de Nagayasu reste ici captivant, poignant en particulier dans sa première partie, et surtout très nuancé dans le portrait qui est fait de Yoshimura et de l'époque à laquelle il vécut.