Mémoires Fantômes Vol.1 : Critiques

Nagi to Arashi

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 22 Février 2024

Voici déjà un paquet d'années que les éditions Akata s'évertuent à démontrer la diversité du shôjo, et c'est à nouveau le cas avec leur nouveauté du mois de février qui entremêle plusieurs styles entre mystère, enquête, surnaturel, suspense et même une petite part de tranche de vie. De son nom original Nagi to Arashi, Mémoires Fantômes nous permet de retrouver en France, après quelques années d'absence, la talentueuse Akiko Monden, mangaka dont la prolifique carrière dure depuis la deuxième moitié des années 1980, qui s'est déjà essayée à de nombreux registres, et que l'on connaît déjà dans notre pays pour deux excellentes séries, à savoir Professeur Eiji (éditions Kana) et Yukito (éditions Panini). L'oeuvre qui nous intéresse ici a été prépubliée au Japon en 2014-2015, à rythme mensuel, dans les pages de feu le magazine You des éditions Shûeisha.

Mémoires Fantômes commence par nous plonger auprès de deux yakuzas: Tetsushi Suzuki, qui a toujours vécu dans les marges de la société, et son patron Hiroki Gohda, le genre de petit mafieux impitoyable. D'ailleurs, c'est en comptant s'en prendre à une jeune fille esseulée, perdue dans les bas-fonds de la ville, que Gohda est victime d'un phénomène impensable sous les yeux de son subalterne: un ange nommé Arashi expulse son âme pour prendre possession de son corps, dans un but bien précis: protéger la fameuse jeune fille, nommée Nagi. Âgée de 18 ans, celle-ci a tout perdu: sa seule famille qui était sa grand-mère, son logement, et même son envie de vivre. Qui plus est, elle se pense maudite, peut-être à juste titre puisque l'on apprendra vite qu'elle n'a aucun souvenir de son enfance avant ses 8 ans, qu'elle ne connaît pas ses parents, qu'elle peut voir des choses que les humains ne perçoivent normalement pas, qu'une entité démoniaque se trouve en elle, que celle-ci peut se réveiller quand elle est en colère, et qu'elle représente un grand danger pour celle qui l'abrite...

Même si quelques autres personnages intéressants, comme la dénommée Yû Mishima, vont venir se greffer soigneusement à l'intrigue, ce premier volume repose avant tout sur le surprenant trio que sont voués à former Nagi, Arashi et Tetsushi. Bien sûr, c'est autour de la jeune fille qu'ont lieu les plus importants enjeux: entre ses dons (ou malédictions) surnaturels, son passé en grande partie mystérieux et sa personnalité pouvant décontenancer son entourage (notamment car elle n'a jamais connu une vie normale, et régresse mentalement après avoir été dominée par le démon comme si elle était une petite fille), elle dégage d'emblée une aura très nébuleuse, si bien que son ange protecteur Arashi et Tetsushi devront faire équipe avec elle, à la fois pour la protéger, pour enquêter sur les nombreuses zones d'ombre autour d'elle, et pour peut-être trouver un moyen de la sauver des dangers qui la guettent. Cependant, à ses côtés, Arashi et Tetsushi sont loin de se limiter au rôle de protecteurs. D'un côté, l'ange pourra parfois amuser via ses petites découvertes sur le monde humain, mais il intrigue aussi dès lors que l'on apprend comment et pourquoi naissent les anges, ce qui soulève des mystères sur son passé à lui aussi. Quant à Tetsushi, on découvre surtout en lui un brave garçon, qui a toujours vécu dans les marges, a toujours été seul en ayant grandi sans réelle famille (on comprend alors facilement comme il s'est retrouvé à bosser pour la pègre), ne s'estime ni beau ni intelligent... alors forcément, il ressent quelque chose de particulier quand ses nouveaux compagnons lui accordent une considération telle qu'il n'en avait jamais connue auparavant, et se veut on ne peut plus attentionné envers Nagi qui éveille des sentiments nouveaux en lui.

Il y aurait encore pas mal d'autres choses à dire sur ce premier volume, à l'image de certains autres mystères bien distillés (l'incendie ayant emporté la grand-mère de Nagi était-il vraiment accidentel ? Nagi a-t-elle vraiment entraperçu une funeste aura de mort sur Tetsushi ?), de premiers dangers menaçant nos héros (à commencer par l'âme de Gohda, pas jouasse d'avoir été dégagée de son corps), des premières étapes à accomplir (couper les ponts avec la pègre, dénicher un endroit où vivre à trois, apprendre à vivre ensemble...), du besoin de faire goûter à Nagi des choses positives qu'elle n'a jamais connues... Mais on va s'arrêter là, car la mangaka a à coeur d'installer ainsi beaucoup d'enjeux différents et d'éléments intrigants, dans un rythme toujours limpide, et sous un dessin soigné, profond et assez mature qui contribue à donner à ce début de récit une saveur particulière. Il n'y a alors plus qu'à attendre de voir comme l'autrice compte développer et parvenir à bien boucler tout ça en seulement deux autres tomes par la suite, mais elle a toute notre confiance, au vu de sa longue expérience et de la limpidité de ce premier opus stimulant !

Concernant l'édition française, Akata nous offre un petit format shôjo particulièrement convaincant avec sa bonne qualité d'impression, son papier à la fois souple et assez opaque, son lettrage très appliqué de la part de Marianne Saintrapt, et sa traduction signée Olivier Malosse qui est très claire et qui colle bien aux différents personnages. Enfin, soulignons le beau rendu extérieur grâce à une jaquette très jolie, fidèle à l'originale nippone pour l'illustration, et dotée d'un logo-titre bien imaginé par Tom "spAde" Bertrand, bien intégré et rehaussé d'un léger relief avec vernis sélectif.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs