Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 20 Août 2024
Nouveauté boy's love du mois de juillet du côté des éditions Taifu Comics, L'Histoire de papa, papa et moi est la toute première publication française et la toute première série longue de Roji, une autrice qui a débuté sa carrière professionnelle en 2022, après quelques années passées à concevoir des doujinshi (notamment sur Haikyû!! ) au sein du cercle amateur Mensuto (où elle reste toujours active de temps à autre). De son nom original "Boku no papa to papa no hanashi" (dont le titre français est une traduction très fidèle), l'oeuvre est prépubliée au Japon depuis 2022 sur le site Byô de Wakaru BL des éditions Libre, un site déjà connu en France pour quelques autres titres comme Sous le linceul de la mariée, Practiced Liar ou encore L'Empereur et le Monstre.
Dans un monde où le Japon a légalisé le mariage homosexuel puis a ouvert l'adoption à tout le monde, Nao Miura et son compagnon Ai Odawara viennent d'adopter un nouveau-né baptisé Hiro. Ce bambin mignon tout plein est désormais leur fils, et ils sont prêts à lui donner tout l'amour et les besoins qu'il lui faut pour grandir sainement, au fil des années passant bien trop vite, et peu importe les épreuves et préjugés qui pourront se dresser sur leur route.
"A nous trois, nous formons désormais une famille."
Ainsi, au fil de ce premier volume, le temps défile rapidement pour cette famille sortant de ce que l'on appelle la "normalité", en nous invitant à suivre certaines étapes clés de la vie de Hiro et de ses deux papas, que ce soit à l'âge de quelques mois, d'un an, d'un an et demi, de trois ans, jusqu'à une ellipse de cinq ans. Peut-être pourra-t-on trouver que l'autrice avance très vite, mais dans les faits elle évite de s'éterniser pour mieux cristalliser une idée: la manière dont Hiro grandit tout à fait sainement malgré la particularité de sa famille,en étant entouré d'amour et de tout ce qui lui faut, en montrant que quelles que soient la nature du couple de parents, les sentiments et les besoins sont souvent les mêmes. Ainsi assiste-t-on autant à des petites difficultés ainsi qu'à des instants de bonheur qui sont communs à nombre de familles: les nuits blanches pour s'occuper de lui, l'aspect très chronophage, la joie d'observer le bébé faire ses premiers rires, le premier été, le premier jour à la crèche, les premiers mots, la crise des deux ans, les premiers amis, les événements récurrents comme les visites des grands-parents d'Ai, les sorties ou les anniversaires... sans oublier des étapes plus cruciales, à commencer par celle où Nao et Ai devront trouver le bon moment pour expliquer en toute transparence à Hiro expliquer la vérité sur ses géniteurs.
Les moments de bonheur sont largement plus nombreux, tant on sent l'osmose de cette famille et le cadre bénéfique dans lequel grandit Hiro, l'autrice sachant notamment très bien mettre en valeur les diverses émotions que les personnages peuvent connaître à chaque nouvelle étape. On soulignera aussi la valeur de certains personnages secondaires véhiculant des choses très positives, comme les grands-parents d'Ai ou encore Nanami et sa mère qui sont tous ouverts d'esprit en voyant avant tout le bonheur de nos héros. On mettra également une mention spéciale à Yumi, grande soeur de Nanami qui véhicule rapidement l'importance non seulement d'être juste soi-même même si on ne colle pas aux codes, mais aussi de ne pas catégoriser les autres. Enfin, certains moments réveillent aussi en nos deux papas poules de précieux souvenirs qui, entre autres, nous permettent de découvrir vite et plutôt bien comment ils se sont rapprochés et sont tombés amoureux à l'époque de l'université.
Mais il va de soi que des épreuves plus difficiles seront aussi de la partie, entre le contexte familial passé compliqué de Nao (on n'en dira pas plus pour ne pas spoiler), le fait que l'homoparentalité souffre encore de clichés car il faut forcément du temps pour qu'elle entre dans les moeurs, ou encore quelques inévitables disputes propres à tous les couples. Mais même dans ces cas-là, Nao et Ai restent toujours unis parleur bonne communication, parle soutien de leurs proches et, surtout, par leur amour commun pour l'adorable petit Hiro que l'on voit grandir et s'épanouir avec bienveillance.
Soutenu par un dessin tout en expressivité et en douceur en plus d'être totalement soft (on a juste quelques bisous d'une tendresse folle), ce début de série est alors une jolie petite réussite, au fil de laquelle la mangaka parvient à évoquer son sujet avec justesse, intelligence et émotion sans avoir besoin de s'éterniser. Qui plus est, l'édition française est très honnête, entre une jaquette fidèle à l'originale japonaise, un papier sans doute trop fin mais restant assez opaque, une honnête qualité d'impression, une traduction convaincante d'Isabelle Eloy, et un lettrage propre signé Jef.Mod.