Pays des cerisiers (le) - Actualité manga
Pays des cerisiers (le) - Manga

Pays des cerisiers (le) : Critiques

Yunagi no Machi Sakura no Kuni

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 04 Juin 2014

Critique 1


Le pays des cerisiers est un recueil de trois histoires. Chaque récit peut être lu indépendamment des autres, mais malgré tout les trois restent liés.
Pour ne pas vous dévoiler trop d'éléments, j'ai choisi de vous parler uniquement de la première nouvelle, intitulée "La ville du Yûnagi".
Le Yûnagi est un terme japonais qui évoque un temps lourd, sans souffle, pesant et chaud.
Comme vous vous en doutez, au delà de la question climatique, il fait référence à ce jour fatidique du 06 du août 1945.
Fumiyo Kouno nous narre la vie de Minami Hirano, jeune fille d'une vingtaine d'années qui a survécu au terrible bombardement.
Par de multiples références, évidentes ou parfois plus implicites, l'auteur nous fait découvrir avec beaucoup de justesse le quotidien d'un peuple traumatisé, qui essaie de se remettre tant bien que mal de cet horrible évènement. Mais c'est parfois difficile, entre les problèmes de logement, de chômage, sans compter le désoeuvrement d'une certaine partie de la population qui n'arrive pas à se remettre....
Pourtant notre héroïne fait face. Elle travaille tout en aidant sa mère à la maison (si on peut appeler le lieu où elle vit maison). Mais Minami est assaillie par les souvenirs du bombardement, ce qui la rend incapable d'être totalement heureuse... Le sentiment de culpabilité qui la ronge semble trop lourd à porter, pour elle qui a survécu alors que tant d'autres sont morts.
C'est ainsi que nous découvrons le destin de cette jeune fille...
Les dessins, de prime abord simplistes, se révèlent particulièrement beaux et caractéristiques du style particulier de l'auteur. Ils servent et mettent en valeur la profondeur d'un récit qui s'attache à nous montrer le quotidien d'une survivante, sans jamais tomber dans une surenchère ou un excès de morale qui se reléverait particulièrement indigeste.
Une oeuvre que je conseille vivement à tous ceux qui; comme le dirait Monsieur Boilet; veulent "lire de la manga autrement".



Critique 2


Premier titre de Fumiyo Kouno à être sorti en France, le Pays des Cerisiers arriva dans notre pays avec une très flatteuse réputation. Grand Prix du Japan Media Arts Festival en 2004 et "Creative Award" du Prix Culturel Osamu Tezuka l'année suivant, ce titre d'à peine 100 pages, en seulement trois chapitres à la fois indépendants et connectés entre eux, a su développer avec brio son sujet : la bombe atomique de Hiroshima et ses conséquences sur les civils les décennies suivantes.

L'ouvrage s'ouvre sur l'année 1955. A Hiroshima, dix ans après la bombe atomique, Minami Hirano, jeune femme de 23 ans, poursuit sa vie dans une apparente insouciance. Quand elle ne travaille pas avec entrain dans son entreprise de vêtements avec ses collègues, elle s'occupe de sa mère, ou alors s'entretient avec Uchikoshi, un jeune homme amoureux d'elle, pour laquelle on devine vite qu'elle éprouve aussi quelques sentiments. Tout simplement, elle tente de poursuivre sa vie, comme si de rien n'était... Mais peut-on oublier si facilement ce sinistre jour d'août 1945 ? A chaque fois que Minami voit le bonheur arriver devant elle, elle ne peut s'empêcher de repenser au passé. De culpabiliser en repensant à la manière dont elle a pu échapper au pire pendant que d'autres gisaient ou étaient déjà morts. De revivre les traumatismes, les pertes d'êtres chers provoquées par ce drame. De s'interroger sur la place qu'elle doit désormais occuper dans ce monde alors que d'autres n'ont pas survécu. Pourquoi cela est-il arrivé ? A-t-elle le droit d'être heureuse ? Et plusieurs années plus tard, ceux qui ont lancé la bombe sont-ils heureux de savoir que des humains souffrent encore de ce qu'ils ont fait par le passé ?
Avec son habituel trait doux, enfantin presque naïf, Fumiyo Kouno croque en une trentaine de pages un portrait psychologique fort, touchant, tragique mais sans pathos, d'une jeune femme qui ne demande rien d'autre que de retrouver une vie normale et heureuse. Mais la bombe atomique est ce qu'elle est, peut rattraper les humains à tout moment, et dans un élan dramatique allant crescendo et où les tourments de Minami sont de plus en plus forts, la mangaka nous fait suivre avec force et justesse une issue qui ne peut être heureuse. Un ton d'autant plus juste que l'auteur s'applique à retranscrire le quotidien de l'époque : ville de Hiroshima qui se reconstruit doucement mais peine à malgré tout à effacer le souvenir de la bombe, références médiatiques typiques du Japon des années 50, portrait du travail de Minami dans sa société de vêtements... Et Minami touche, dans la manière qu'elle a de tenter de faire face au passé. Son histoire a beau être tragique, on garde d'elle le souvenir d'une personne qui a tenté courageusement de reconstruire son existence.

Pour ne pas gâcher certaines surprises touchantes, nous en dirons un peu moins sur les deux chapitres suivants.
Nous pouvons évoquer le fait qu'ils se passent à d'autres époques, l'un quelques décennies après le premier chapitre et l'autre quasiment à notre époque, mais que malgré les années qui passent les vies à Hiroshima restent marquées par le souvenir de la bombe, au fil des générations.
Et, nous pouvons parler de la principale héroïne de ces deux chapitres, Nanami, enfant de 11 ans dans l'un et femme célibataire de 28 ans dans l'autre. De son amitié avec la jeune Tôko qu'elle a été contrainte de laisser derrière elle dans sa jeunesse, et qu'elle retrouve 17 ans plus tard dans un contexte à la fois différent et identique. De ses aïeuls marqués à jamais par les malheurs de la bombe, malgré les nombreuses années qui passent toujours.
Tout en s'appliquant à dépeindre quelques évolutions de Hiroshima dans le temps, Fumiyo Kouno soulève toujours plus de questions. Les préjugés liés aux hibakusha, terme péjoratif désignant les personnes victimes de la bombe ou de ses effets. Le fait que des êtres toujours en vie soient victimes de ces craintes sur la bombe, alors que d'autres sont mortes sans qu'on ait accusé celle-ci, comme une loi du silence. Et la volonté, signe d'espoir, de ne pas oublier les générations antérieures et ce qu'elles ont enduré.

En moins de 100 pages, Fumiyo Kouno parvient alors à nous faire vivre et ressentir un demi-siècle lié à la bombe et à ses effets, au fil de plusieurs générations qu'elle croque admirablement, avec une grande application et une certaine tendresse. Son oeuvre nous fait constamment passer de la tristesse au bonheur en passant par la mélancolie et l'amertume. Dans tous les cas, il s'agit d'une forme de témoignage encore assez unique à ce jour et profondément essentielle, offrant un brillant travail de mémoire, émouvant sans être pathos, et offrant régulièrement de belle lueur d'espoir, d'une vie qu'il faut reprendre en main et vivre avec optimisme, à l'image de la déclaration presque naïve des pages 92-93.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs