Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 18 Août 2023
"Pourquoi voudrais-tu qu'un avocat s'embarrasse de justice ?"
Dans la lutte judiciaire qui a commencé en opposant Kujô à son mentor Yamashiro, l'avantage semble avoir été pris par le premier dès deux, dès lors qu'un journal en ligne publie une interview d’un employé de la maison de retraite tenue par Sugawara, en témoignant des violences subies par les pensionnaires. Pendant que Sugawara cherche s'il y a, parmi ses hommes, un traître susceptible d'avoir parlé, Yamashiro, lui, a déjà une idée de l’identité de la personne qui tire les ficelles dans l’ombre: il ne fait aucun doute pour lui que Kujô manigance, si bien que les hostilités sont bel et bien ouvertes entre les deux avocats qui, il y a encore peu de temps, étaient comme un père et un fils l'un pour l'autre.
Suite et fin, dans la première partie de ce tome, de l'affaire Iemori, où notre personnage principal confirme la qualitatif d'"implacable" du titre français: il a beau beaucoup devoir à Yamashiro, ce n'est pas pour ça qu'il renoncera, quitte à employer quelques méthodes un peu sournoises impliquant notamment Mibu ! Mais derrière le portrait sans foi ni loi qui est fait de ce monde judiciaire, Shôhei Manabe s'applique également non seulement à bien faire ressortir l'opposition de valeurs entre Yamashiro et Kujô (l'un ne prend que les affaires rapportant de l'argent, tandis que l'autre accepte les contrats quel que soit le passif des clients - criminels compris - en offrant un service égal à tout le monde), mais aussi à souligner la part humaine de cette affaire via le cas de Hanae Iemori, de sa famille et de son rapport à son défunt père dont elle s'est longtemps occupée, le tout nous laissant même sur une note d'émotion.
Après l'issue très convaincante de cette affaire, la suite du volume s'avère tout aussi intéressante avec deux nouveaux cas. Dans l'un, une affaire de suicide, suite à une affaire de maison rachetée dont s'est occupé Kujô et qui impliquait Mibu et les yakuzas, permet surtout à Manabe d'aborder une face difficile du passé de Karasuma concernant le suicide d'un ami, puis de faire entrer en scène un nouveau personnage important en Kiyoshi Kyôgoku, l'héritier du clan Fushimi auquel est rattaché Mibu. Et dans l'autre, il est justement question de Kyôgoku, d'abord dans le cadre d'une garde à vue où intervient Kujô, puis au sujet de son rapport assez complexe avec Mibu, les deux hommes ayant un passé commun tâché de sang et, peut-être, teinté d'une haine cachée de Mibu envers le chef de clan.
Il résulte de tout ça un tome particulièrement bien équilibré, entre les petits développements de personnages, les affaires qui sont souvent vicieuses, et la façon dont Manabe profite de tout ça pour poser tout un regard assez critique et cynique sur la société qui l'entoure, les choses allant ici de la vieillesse au suicide en passant par différentes failles du système judiciaire (en tête, le fait que les riches et les pauvres ne sont pas égaux devant la loi, puisque les riches peuvent se permettre de se payer les meilleurs avocats).