Karakuri Circus - Edition Perfect Vol.1 - Actualité manga
Karakuri Circus - Edition Perfect Vol.1 - Manga

Karakuri Circus - Edition Perfect Vol.1 : Critiques

Karakuri Circus

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 19 Août 2022

Chronique 2 :


Si Kazuhiro Fujita a su imposer son nom au Japon, le constat n'est malheureusement pas le même dans nos contrées. Pourtant, c'est dès 2003 que le mangaka arrive dans nos librairies avec son légendaire Karakuri Circus aux éditions Delcourt, un titre qui ne trouvera pas son public au point de voir sa parution stoppée à sa moitié. D'autres tenteront de publier l'auteur comme Casterman avec le court Bakegyamon, que Fujita scénarise tandis que Mitsuhisa Tamura est en charge du dessin. Ki-oon nous régalera des excellents Springald et Ghost & Lady de la collection Black Museum (dont un troisième récit est en cours au Japon), tandis que Kazé publiera Moonlight Act, mené à bout mais rencontrant aussi un succès timide. Il faut dire que l'éditeur sera resté discret sur ce titre, ne proposant aucune réelle communication et des réimpressions soit minimes, soit inexistantes.

Malgré ce parcours francophone, Kazuhiro Fujita profite d'un réel succès d'estime, et la curiosité quant à son art s'est amplifiée au fil des années au point que le titre « Karakuri Circus » est presque devenu une légende, un récit dont beaucoup aimeraient se régaler. L'adaptation animée du manga diffusée en 2018, qui divise certes, a sans doute joué dans cet intérêt. Pourtant, l'oeuvre phare du maître demeurait toujours indisponible, quand Kazé ne faisait pas grand chose pour honorer son contrat avec Moonlight Act. Pourtant, une rumeur commence à enfler à la fin des années 2010 : Un éditeur aurait acquis les droits de Karakuri Circus. Après quelques années supplémentaires d'attente, Meian se confirme comme le repreneur de l'oeuvre et ne compte pas faire les choses à moitié, puisque le matériel de base sera ni plus ni moins que l'édition Deluxe, dite Kanzenban au Japon, compilant les 43 tomes d'origines en 26 opus grand format et agrémenté des pages couleur de la prépublication. Un matériau de base solide donc, et qui aboutit à une édition d'une superbe qualité, sur laquelle nous reviendrons plus tard. Après des années d'espoir (pour ne pas dire de prières), Karakuri Circus revient chez nous dès le mois de juillet 2022, en librairies ou par formules d'abonnement, à l'instar de ce qui s'est fait avec Kingdom et Kengan Ashura.

Alors, de quoi traite Karakuri Circus ? Récit à la construction plus complexe que ce à quoi on peut s'attendre de prime abord, c'est par la rencontre entre deux êtres que tout commence. D'un côté, Narumi Katô, jeune adulte maîtrisant le kung-fu mais souffrant d'un mal curieux lui coupant la respiration, à moins de faire rire son entourage. Sa route croise celle de Masaru Saiga, un enfant de 10 ans dont le père vient de trépasser. Le garçon semble traqué par des gens peu commodes et mal intentionnés, et doit trouver la trace d'une certaine Shirogane pour son salut. Voilà donc que Narumi s'embarque dans une aventure risquée et explosive qui ne le concerne pas, l'homme ne pouvant laisser Masaru livré à lui même face à des gens prêt à tout pour mettre la main sur le garçonnet. Mais pour quelle raison ? Que cache la valise que traine Masaru avec lui, et qui est Shirogane ? Aucun doute, Narumi a choisi une voie qui va totalement le dépasser.

« Explosif » est bien le terme qui pourrait caractériser le mieux ce premier épais volume qui ne tarde pas à embrasser l'action. D'une simple situation de base, celle d'une rencontre, Kazuhiro Fujita transporte son lecteur dans une aventure aussi marquée par sa richesse visuelle que par l'inventivité de son univers. Par ce premier arc, c'est l'histoire d'un trio qui nous est narré, trois personnalités totalement différentes se frottant à des êtres dangereux tandis que se dessine peu à peu un vrai complot qui donne du sens à cette avalanche d'événements. De la rencontre entre un petit garçon avec un jeune adulte déguisé en ours, le mangaka propose un démarrage particulièrement inventif, qui nous secoue par ses scènes d'action à la belle densité graphique, tandis que le scénario se construit petit à petit, via des révélations surtout distillées dans les derniers chapitres de l'opus. Et là où cette écriture paraît habile, c'est qu'il est impossible de deviner l'ampleur que prendront ces événements par la suite. L'arc semblant dénouer plusieurs de ses enjeux forts sur les dernières pages, on ne sait nullement comment rebondira l'auteur et quel destin celui-ci prévoit pour ses personnages. Il y a pourtant fort à faire, notamment via ce concept de pantins de combat, esthétiquement bluffant, qui ont de quoi mener à de futurs affrontements toujours plus efficace.

Et pourtant, tout ce côté action ne fait pas tout au sein de ce premier tome, de même en ce qui concerne l'intrigue qui gravite en grande partie autour de Masaru. Car dans ce déluge d'action, Kazuhiro Fujita parvient à se poser aux moments les plus propices, d'une part pour nous permettre de respirer, mais aussi pour mieux croquer les interactions entre ses personnages... et l'un des messages des débuts de l'histoire. Car on le comprend vite, notamment par la figure de Narumi et la manière dont Masaru évolue : Karakuri Circus s'avère déjà généreux dans ses propos, l'altruisme présent dans les comportements des deux garçons véhiculant de grandes vagues d'énergie dans ce début d'histoire. Le concept est simple, mais le mangaka utilise ces idées pour rythmer l'ensemble et justifier efficacement les choix des uns et des autres, surtout quand il s'agit de risquer sa vie et plonger dans l'action pour sauver quelqu'un rencontré il y a à peine quelques heures. Qu'est-ce que l'auteur fera de tout cet aspect morale ? Voilà un autre point qui a de quoi piquer notre attention.

Une lecture déjà grandement efficace donc, sublimée par l'édition plus que convaincante de Meian. Ancrant l'œuvre de Fujita dans sa gamme des Perfect Edition, Karakuri Circus s'offre donc un grand format qui permet de mieux apprécier la patte de l'artiste, un papier de qualité et la présence des pages couleur d'origine, pour un opus complet au possible. Le plus épatant vient sans doute des finitions de la jaquette qui, par son grammage particulier et ses effets de vernis sélectif qui donnent du relief, laisse même une « fenêtre » donnant sur la première de couverture de l'ouvrage, et sur laquelle apparaît l'un des personnages (ici Narumi). La fabrication est donc audacieuse et bien pensée, et on peut dire que l'éditeur tient là l'une de ses plus jolies conceptions.
Saluons au passage le lettrage bien calibré de Florian Monnier, ainsi que la traduction de Vincent Marcantognini qui semble retranscrire comme il se doit toute l'énergie de l'histoire et des personnages de Kazuhiro Fujita.



Chronique 1 :


Meian est un éditeur qui ne cesse d'étonner. Après s'être ambitieusement et brillamment lancé il y a déjà quelques années avec la publication du manga-fleuve culte Kingdom, il s'est assez rapidement développé en enchaînant des sorties toujours plus nombreuses, au point qu'il est difficile voire impossible de toutes les suivre. mais au moins, il y en a un peu pour tous les goûts. Et si certaines publications de l'éditeur peuvent paraître anecdotiques et faire dans la série B, d'autres ont su acquérir une réputation solide. Ainsi, aux côtés de mangas populaires portés par leur nom (Konosuba, Grand Blue, Uzaki-chan...), il y a également des prises de risques hautement appréciables et permettant de découvrir ou redécouvrir des oeuvres parfois trop longtemps attendues dans notre pays ou qui méritaient largement une réédition: Escale à Yokohama, Shigurui, bientôt Baki... et parmi ces derniers noms, on trouve désormais, depuis ce mois de juillet, une pierre angulaire du manga shônen, qui a quelque peu révolutionné le genre en développant, sur la longueur, un scénario profondément complexe, une atmosphère assez mature et des concepts ingénieux: Karakuri Circus.

Manga culte de Kazuhiro Fujita (Ushio & Tora, Bakegyamon, Moonlight Act, Springald, Ghost & Lady...), Karakuri Circus revient effectivement enfin en langue française, en étant sans doute promis à un meilleur accueil qu'il y a une quinzaine d'années. En effet, rappelons que les éditions Akata/Delcourt s'étaient déjà essayées à sa publication à partir de 2003, mais à l'époque le public n'a pas répondu présent, contraignant l'éditeur à stopper sa publication au tome 21 (pile à la fin d'une grande partie) en 2008, laissant alors les rares lectrices et lecteurs (dont votre serviteur) dans un grand état de frustration au vu de la montée en puissance que l'histoire connaît sans cesse. Mais depuis 2008, bien du chemin a été fait: le public manga a sûrement mûri, et l'oeuvre a été re-popularisée par son adaptation animée (diffusée en 2018-2019 sur Amazon Prime Vidéo, puis sortie sur support physique chez Kazé l'année dernière).

Cette incroyable fresque fut, au Japon, la deuxième série de la carrière de Fujita, la première ayant bien sûr été le tout aussi culte Ushio & Tora une oeuvre malheureusement toujours inédite en France malgré une adaptation animée de bonne qualité il y a quelques années. Riche de 43 tomes dans son édition initiale, Karakuri Circus reste toujours, aujourd'hui, la plus longue oeuvre du maître, et a été initialement prépubliée de 1997 à 2006 dans le magazine Shônen Sunday de l'éditeur Shôgakukan.

Pour la nouvelle édition française, Meian met les petits plats dans les grands en proposant une Perfect Edition en 26 volumes d'environ 300 pages chacun, basée sur la dernière édition japonaise en date, à savoir la Kanzenban (édition deluxe japonaise) sortie chez Shôgakukan entre septembre 2018 et septembre 2019 à l'occasion de la diffusion de l'anime. Et autant le dire tout de suite, pour un prix de 12,95€ par volume, la qualité est bel et bien au rendez-vous, avec un grand format 21x14,8cm permettant de bien profiter des planches foisonnantes de l'auteur, la conservation de toutes les pages couleurs (25 pour ce premier tome), un papier premium assez épais et suffisamment souple permettant une très bonne qualité d'impression, une jaquette aux très beaux effets qui laisse entrevoir une couverture tout en couleur... Les mentions spéciales reviendront toutefois aux quelques pages bonus qui devraient être présentes à chaque fin de tome pour présenter un petit peu plus les coulisses de la création de l'oeuvre, au lettrage particulièrement soigné de Florian Monnier (ne serait-ce que les différences de police pour montrer quand Shirogane ne parle pas japonais), et à la traduction de Vincent Marcantognini (déjà à l'oeuvre sur la l'édition Perfect de Shigurui et sur les 7 Ninjas d'Efu) qui se révèle convaincante, le traducteur ne montrant aucune coquille, étant toujours clair (chose pas forcément aisée au vu de certains concepts se mettant peu à peu en place), et proposant un parler assez naturel et collant bien au caractère des différents personnages.

C'est donc dans des conditions éditoriales idéales que l'on repart à la découverte des péripéties de Narumi Katô, jeune homme de 18 ans alors en train de s'égosiller les poumons dans un costume pour faire la promotion d'un cirque en ville, et qui va vite se retrouver face à un choix crucial dès lors qu'il croise la route d'un petit garçon de 10 ans, Masaru Saiga. Fils du PDG de la compagnie de montres et d'électroménager Psyga, il a récemment perdu son père, et depuis sa vie a basculé sans qu'il sache trop pourquoi: le voici traqué de toutes parts par des hommes qui veulent visiblement le faire disparaître, le tout cachant évidemment de sombres affaires d'héritage puisque le défunt père de Masaru a décidé de lui léguer toute sa fortune et de ne rien laisser aux autres membres de sa famille. Tout en se rappelant des paroles de son grand-père qui lui affirmait qu'une certaine Shirogane serait toujours là pour le protéger, l'enfant va aussi recevoir la protection de Narumi, qui ne peut se résoudre à laisser en danger un enfant aussi gentil et aussi jeune. C'est le début d'une périlleuse aventure qui emmènera les personnages toujours plus loin dans les révélations complexes et dans un univers bien particulier: celui des marionnettes (mues par des fils utilisés par leurs possesseurs), des automates (pouvant bouger tout seuls), des pantins (inanimés), que le père et le grand-père de Masaru n'ont cessé de développer...

Karakuri Circus, avec ce premier tome, semble d'abord se diriger vers une simple affaire d'héritages, avec un enfant traqué par le reste de sa famille qui veut empocher les milliards laissé par le défunt papa Saiga. Et même si, dans les faits, l'essentiel de cette mise en place se résume à cette traque au fil de ce premier volume jusqu'à des toutes dernières pages déjà beaucoup pus ambitieuses en dévoilant les effroyables raisons de la naissance de Masaru ainsi que les plans de son père, le fait est que Fujita en profite bel et bien pour installer nombre de choses qui piquent beaucoup plus la curiosité, à commencer par un élément tout simple: le rythme narratif, particulièrement fluide et dense. Grand maître de la narration devant l'Eternel, le mangaka démarre son histoire très, très vite, pour ensuite ne jamais laisser son lecteur souffler: les choses s'enchaînent avec limpidité côté aventure/action, tandis que les concepts se posent les uns après les autres, et cette densité est parfaitement servie par un dessin réussi, entre les designs humains typiques de l'auteur, ceux des marionnettes qui rivalisent d'inventivité, les fond bourrés de détails foisonnants, les cadrage attirant toujours l'oeil où il faut sans omettre les détails...

Bref, tout est fait pour assurer un divertissement intense d'un bout à l'autre, qui ne nous lâche pas, qui met bien en place ses idées fondatrices... et justement, parlons-en, de ces idées !

La plus évidente est forcément celle prêtant une importance capitale à l'univers des marionnettes, qui deviennent ici de véritables objets de combat que leurs possesseurs doivent manier habilement, généralement avec des fils mais pas que. Et en plus d'un esthétisme poussé, cela pourra permettre pas mal de variations dans les affrontements au fil du récit, puisque Fujita, sur la longueur, exploitera à fond le concept et ne s'en tiendra évidemment pas uniquement à celui-ci.

Quant à l'autre idée-phare, elle provient indéniablement du trio principal qui se forme autour de Masaru, l'orphelin pourchassé, Narumi, le jeune garçon costaud et au grand coeur, et Shirogane, la marionnettiste aussi sublime et agile que surdouée quand il s'agit de manipuler sa marionnette Arlequin. Le trio pourrait apparaître classique, surtout au vu de débuts de relations standards et qui évolueront beaucoup sur la longueur (Narumi et Shirogane se font peu confiance au départ, mais ça changera beaucoup), mais Fujita est pus malin que ça en dégageant déjà, chez chacun d'eux, un peu plus de complexité, un début de background, et des pointes d'originalités.
Ainsi, on découvre en Masaru un enfant innocent mais pas bête pour autant (il sent bien quand on lui ment, et sait sur qui il peut réellement compter), orphelin traqué de toutes parts, regrettant d'être trop faible à son jeune âge, et pour qui les révélations des toutes dernières pages constitueront forcément un énorme choc bousculant déjà son existence-même.
Quant à Shirogane, derrière sa beauté, sa souplesse, son caractère, ses grands talents dans le maniement d'Arlequin, on découvre une fille fiable, qui semble n'être née que pour protéger Masaru et qui affiche donc une détermination sans failles dans cette mission, mais chez qui on finit également par ressentir une part de mystère. Quels sont les secrets de sa naissance et de sa famille ?
Enfin, alors que Narumi aurait pu juste être un héros au grand coeur et particulièrement costaud (il a appris différents styles de kung-fu en Chine pendant sa jeunesse, et sait donc impeccablement se battre), il faut noter chez lui non seulement une pointe de mystère (dans le fond, pourquoi a-t-il choisi de protéger un enfant qui n'a aucun lien avec lui ? Lui-même ne semble pas encore prêt à parler des raisons les plus profondes), mais aussi une originalité: la maladie qui le touche, nommée Zonapha, qui le contraint à devoir régulièrement faire rire les autres sans quoi il mourra. une idée pouvant apparaître saugrenue sur le coup voire juste loufoque, mais que Fujita tâche d'expliquer de manière assez crédible sur le plan "biologique", et qui aura en réalité une importance capitale au fur et à mesure que l'intrigue progressera.
Simplement, Fujita fait de ces trois personnages principaux des êtres qui nous intriguent beaucoup d'emblée, dont on a envie de découvrir toutes les facettes, et que l'on veut forcément voir évoluer dans leurs liens et leurs tourments. Chacun d'eux a ses forces, mais aussi ses faiblesses, ses zones plus sombres, ses mystères, et il est alors impressionnant de voir tout ce que le mangaka parvient déjà à installer autour d'eux en 300 pages.

Après bien des années d'espoir, le manga culte de Kazuhiro Fujita, pierre angulaire du shônen manga, fait donc son retour en France par la grande porte. Même s'il faut être assez attentif pour bien se plonger dans l'univers très dense que l'auteur met en place, le fait est que l'on ne décroche pas, sa patte unique aidant beaucoup. Le mieux étant que Karakuri Circus ne fait que commencer ici, et que l'oeuvre atteindra par la suite de véritables sommets.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs