Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 25 Août 2025
Les éditions Shiba ont beau avoir le plus canin des logos, c'est bien un manga très félin qui vient d'arriver dans leur catalogue en cette fin août, et avec la manière s'il vous plaît puisque, parallèlement à l'édition classique, une édition collector est proposée avec, en guise de bonus, une jaquette alternative réversible dont l'illustration exclusive est très fun, ainsi qu'un assez grand et chat-ôyant standee en acrylique qui s'avère être de bonne facture. Pour un prix de 13,95€, donc 2€ de plus que l'édition classique, il n'y a pas de quoi bouder son plaisir, d'autant que le reste de l'édition est suffisamment qualitatif avec un grand format appréciable pour ce type d'oeuvre, une première page en couleurs sur papier glacé, une impression très propre, un papier assez souple, épais et dans l'ensemble suffisamment opaque, une traduction claire de Satoko Fujimoto même si quelques coquilles ont échappé à la relecture, et un travail d'adaptation graphique et de lettrage soigné de la part de Nicolas Willame.
Neo Cat, puisque c'est son nom aussi bien en français qu'en japonais, est une mini-série d'environ 170 pages dont les huit chapitres furent initialement prépubliés dans leur pays d'origine en 2020-2021 au sein de l'excellente magazine Feel Young des éditions Shôdensha, magazine très réputé pour ses oeuvres majoritairement destinées à un public féminin adulte et ayant vu passer un paquet d'autrices de renom comme Tomoko Yamashita (L'éveil de Hibari, Entre les lignes, HER), Moyoco Anno (Happy Mania, Colette), Mari Okazaki (& - And, Complément affectif) ou encore Haruka Kawachi (Les fleurs du passé, Le ballet des coeurs). Pour être plus précis, l'oeuvre est initialement un one-shot stand-alone (qui est le premier chapitre du tome) prépublié en mai 2020, avant que celui-ci ne devienne une série à part entière avec sept chapitres supplémentaires proposés entre janvier et septembre 2021, le dernier de ces chapitres étant un épilogue choral.
Le principe de l'oeuvre est assez simple: Aoka, qui signait là la toute première série de sa carrière, a imaginé un monde futuriste mais ressemblant quand même beaucoup au nôtre, où les chats peuvent désormais parler et se comporter sensiblement comme des humains, notamment en étant bipèdes, en travaillant, en ayant des loisirs souvent similaires aux nôtres... et cela, même s'ils conservent quand même assez régulièrement leur caractère félin ! Chaque chapitre, globalement indépendant, va alors mettre en scène ce nouveau quotidien où humains et chats tâchent naturellement, autant que possible, de coexister dans nombre de situations professionnelles et personnelles.
Un vieil artiste séparé de sa femme et ayant longtemps négligé sa famille, mais qui va se lier d'amitié avec un chat grâce à leur passion commune. Une visite dans un host club un peu spécial. une visite dans une entreprise dirigée par un félin. Une agence de mode où matous et humains cohabitent. Des cours à l'université... Voici quelques exemples de ce qui est au programme du livre, au fil duquel Aoka s'amuse bien à imaginer les chats dans différents rôles à diverses strates de la société, où leur intégration dit se faire en prenant aussi en compte leurs comportements typiquement félins: leur côté libre comme le vent faisant qu'ils peuvent disparaître aussi vite qu'ils sont apparus, leurs grimaces parfois invraisemblables, l'importance de leur cycle de sommeil... Tout ceci, naturellement, amène une part d'humour où il y a un vrai plaisir à voir les chats mis dans des situations normalement typiquement humaines (au volant d'une décapotable, en train de surfer, se donnant à fond dans un jeu de drague en tirant parti de ce qui fait le charme félin...), le décalage fonctionnant d'autant mieux qu'Aoka, en plus de soigner l'élégance de son trait, la finesse de ses décors et l'efficacité de sa mise en page, a su trouver un très bon équilibre pour humaniser les chats sans qu'il perdre leurs caractéristiques physiques félines.
Mais limiter la lecture à son simple aspect décalé et souvent assez humoristique serait une erreur tant, en filigranes, Aoka esquisse des réflexions intéressantes où l'intégration des chats dans ce monde se révèle être une sorte d'analogie de notre société: au fil des histoires, il pourra ainsi être question de la possibilité d'unir des liens malgré les différences, de l'acceptation de ces différences qui est précisément parfois difficile avec un lot de préjugés ou de racisme, de combats pour l'égalité... Mine de rien, dans le petit univers imaginé par Aoka, les chats ont alors beaucoup à dire sur nous-mêmes, surtout quand il s'agit de faire ressortir l'idée essentielle de coexistence.
En somme, Neo Cat est clairement une chouette petite lecture. Pouvant compter sur son très efficace travail visuel, Aoka sait mine de rien aller plus loin que la simple tranche de vie féline humoristique et décalée, afin de parler avec simplicité de nous-mêmes et de certaines facette de notre société. Une jolie trouvaille assez originale et pertinente, qui donne largement envie de retrouver cet(te) artiste un jour.