Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 25 Août 2025
Sorti en France chez Taifu Comics en tout début d'année, My beloved Strange man est un ouvrage boy's love d'un peu plus de 170 pages qui est sorti au Japon en octobre 2016 et qui regroupe deux histoires initialement prépubliées pendant cette même année dans le magazine Comic Chocolat des éditions Shinkosha. Il s'agit du tout premier livre de la carrière d'Amco, mangaka qui, après avoir fait ses premières armes dans le BL jusqu'en 2019, a adopté le nom de Ranpei Ashio pour se lancer dans des oeuvres plus grand public par lesquelles Reincarnated Into a Game as the Hero's Friend, un manga isekai publié dans notre langue par les éditions Meian.
Dans la première des deux histoires, qui s'étire sur cinq chapitres pour un total d'environ 130 pages, on suit deux jeunes étudiants que tout semble opposer: là où Gô Yamaoka est un adorable petit bonhomme d'1m60 toujours de bonne humeur et à l'allure innocente, Yutaka est un grand gabarit d'1m88 qui attire tous les regards par son allure de beau gosse mais qui reste souvent distant et difficile à cerner pour beaucoup de monde. Pourtant, ces deux-là sont facilement devenus les meilleurs amis du monde, en étant toujours collés ensemble, en dormant souvent l'un chez l'autre... à tel point que, au fil du temps, Gô est tombé éperdument amoureux de Yutaka, au point de sentir qu'il ne pourrait plus se passer de lui. Pourtant, après des mois de doutes, lorsque Gô prend enfin son courage à deux mains pour avouer à Yutaka qu'il l'aime, il a le sentiment de se prendre un énorme vent puisque ce dernier lui répond juste un "ok" impassible. Yutaka a-t-il volontairement ignoré cette déclaration avec froideur pour signifier un rejet ? N'a-t-il tout simplement pas compris ? Ou y a-t-il encore autre chose ? Yutaka n'étant pas d'un naturel hyper expressif sur ce qu'il ressent, il va falloir à Gô de la persévérance, mais aussi les bons conseils de ses autres potes, pour mieux cerner son bien-aimé et lui faire comprendre la sincérité de ses sentiments...
Démarrant immédiatement par le vent monumental que Gô semble se prendre lors de sa déclaration, cette histoire va ensuite voire Amco essayer de sortir des sentiers battus dans le déroulement de sa petite intrigue amoureuse, dans la mesure où au fil des chapitres elle va soigneusement alterner les points de vue entre ses deux personnages principaux: tandis que le premier chapitre se place du point de vue de Gô, de ses sentiments et de ses difficultés à comprendre totalement ce que que peut exactement ressentir l'assez mutique Yutaka, le deuxième chapitre va précisément éclairer le ressenti de ce dernier et mettre l'accent sur sa personnalité pouvant sembler au premier abord un peu étrange. Quant aux trois derniers chapitres, ils proposeront quelques moments de disputes et de distance qui sont voués à mettre en lumière une chose: l'importance de ne pas s'arrêter au premier aspect. Car que ce soit les admirateurs de Yutaka qui n'ont jamais cherché à voir plus loin de l'apparence belle mais distante du jeune homme, ou Gô qui devra prendre conscience qu'il a peut-être trop idéalisé celui qu'il aime, il sera surtout question ici de faire ressortir les nuances que chacun a en soi derrière le premier aspect. Bien que le récit soit franchement très (trop) rapide et se contente de rebondissements brefs et faciles dans leur résolution, Amco y dégage l'essentiel avec beaucoup de douceur, mais aussi un certain peps que l'insouciant Gô ainsi que les sympathiques personnages secondaires Takumi et Akira appuient bien.
Bien plus courte avec sa quarantaine de pages, la deuxième et dernière histoire de l'ouvrage nous fait suivre l'arrivée à la campagne d'un lycéen passionné de photographie, qui va rencontrer sur place un camarade de classe aussi beau que lunatique et qui rêve de quitter la campagne pour certaines raisons que l'on va vite découvrir. Bien que cette histoire, a priori toute première publication professionnelle de la carrière d'Amco, soit trop brève pour vraiment exploiter à fond ses idées (la passion du héros pour la photographie devient vite totalement secondaire, le background de son camarade n'est qu'esquissé pur servir vite fait l'intrigue, l'évolution relationnelle est somme toute rushée), elle a pour elle une atmosphère de campagne et de douceur qui est bien servie par le style visuel assez atypique. De manière générale, dans les deux histoires, Amco développe un style qui lui appartient, et malgré diverses inégalités (notamment dans certains visages et dans certaines utilisations de trames) un véritable charme s'en dégage, surtout à travers les designs (coiffures, vêtements...) et les découpages.
My beloved Strange man est, à l'arrivée, un ouvrage sympathique. Malgré le côté un peu lisse des événements, les histoires proposent des personnages facilement attachants et des thématiques très jolies, tandis qu'Amco y montre un style visuel très prometteur, assez personnel et ayant juste besoin de s'affirmer. Dans l'ensemble, il s'agit donc d'une bonne petite pioche de la part de Taifu Comics qui, en prime, nous offre une édition soignée: jaquette fidèle à l'originale japonaise, première page en couleurs sur papier glacé, impression convaincante faite en France chez Dupliprint sur un papier souple et suffisamment opaque, traduction claire de Nicolas Pujol, et lettrage propre de Jef.Mod.