Je crois que mon fils est gay Vol.1 - Actualité manga

Je crois que mon fils est gay Vol.1 : Critiques

Uchi no Musuko wa tabun Gay

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 18 Août 2021

Chronique 2 :

Avec la publication, aux éditions Akata, de la série en 3 tomes Comme sur un nuage entre octobre 2020 et avril 2021, on avait découvert en le scénariste Okura un auteur capable de parler avec finesse, ouverture et positivisme de l'homosexualité, une qualité d'autant plus logique qu'il est lui-même directement concerné par le sujet. Fidèles à leurs auteurs ainsi qu'à leurs sujets de prédilection mettant en avant toutes les diversités, les éditions Akata ont donc très logiquement décidé de poursuivre sur ce mangaka en ayant lancé dans notre pays, en mai dernier, sa toute dernière série en date, où il est cette fois-ci à la fois au scénario et au dessin: Je crois que mon fils est gay.

De son nom original Uchi no Musuko wa tabun Gay (littéralement "Mon fils est probablement gay", le titre français étant donc très proche), cette oeuvre a vu le jour sur internet, Okura l'ayant d'abord lancée à titre personnel sur son compte twitter. Finalement vite repérée par l'éditeur Square Enix après un joli succès auprès du public, elle a entamé sa publication en volumes brochés en 2019, et se poursuit encore à l'heure actuelle avec 3 tomes parus au Japon, après prépublication des chapitres sur le site Gangan Pixiv.

Difficile de faire plus parlant que le titre de cette série, puisque l'on y suit tout simplement une mère de famille qui, à force d'observations, comprend que son enfant est sûrement gay. Tomoko Aoyama, 40 ans, n'est en tout cas absolument pas du genre à juger négativement cela, et s'applique donc jour après jour à créer un foyer aimant autour de Hiroko, lycéen en première année qui n'ose pas encore faire son coming out. Ainsi, cette maman ouverte peut veiller sur lui sans le brusquer, en attendant le jour où son garçon pourra lui parler de ça en toute franchise, sans plus le cacher.

Sans doute est-ce un héritage de l'époque de la publication twitter de la série: celle-ci se compose de très courts chapitres, quasiment tous de 4 pages hormis les deux derniers, et narrant chacun un petit moment différent du quotidien de la famille Aoyama, entre la mère Tomoko par qui passe la narration et qui est bel et bien le personnage principal, son fils aîné Hiroki qui est donc le centre de son attention, son fils cadet Yûri qui est un collégien sans doute déjà perspicace quant à l'orientation de son grand frère, et un père souvent absent car muté à l'autre bout du pays, qui ne se doute de rien au point d'avoir parfois des paroles pouvant être maladroites, mais qui est néanmoins lui aussi un parent aimant. La brièveté des chapitres aurait pu être un petit handicap dans l'approfondissement des différentes petites scènes, et on ne va pas cacher que dans certains cas c'est effectivement le cas puisque certains moments auraient peut-être gagné à être plus en valeur. Mais dans l'ensemble, ce format court permet généralement très bien à Okura de véhiculer ses idées, sans se détourner de l'essentiel.

Et des idées, l'auteur en a un paquet à transmettre au travers de Tomoko. Gagnant beaucoup en intérêt en présentant le sujet de l'homosexualité non pas du point de vue du principal concerné mais bien du point de vue d'une personne de son entourage (ce qui était déjà un peu le cas dans Comme sur un nuage, finalement), le récit nous invite, à chaque chapitre, dans les pensées de cette mère, dans ses observations de son fils, et surtout dans tout l'amour qu'elle lui porte. Quand elle le voit essayer de cacher son homosexualité alors qu'on lit en lui comme dans un livre ouvert, elle a le regard d'une mère attendrie. Quand il fait montre de sa puberté, semble amoureux de son ami Daigo ou parle de lui avec des étoiles dans les yeux, idem. Quand son mari a sans le savoir des paroles qui pourraient faire mal à Hiroki, elle tâche de rebondir tout en douceur pour calmer les choses et pousser son époux à plus d'ouverture. Simplement, Tomoko se fiche bien de l'orientation de son enfant: il est avant tout son fils qu'elle aime et chérit, aimerait lui donner davantage l'occasion de parler franchement sans avoir à se mentir, veut bien lui faire comprendre que sa famille sera toujours là car tous tiennent beaucoup à lui, est désireuse de comprendre au mieux ce qu'il ressent... Quoi de plus normal pour une mère ? Qui plus est, certains chapitres sont aussi l'occasion pour elle de se questionner sur certains à côté comme le possible désir de personnes homos d'avoir des enfants, ce qui enrichit encore le sujet dans des points de vue modernes et sans jugements péjoratifs.

Les éditions Akata ne mentaient pas en présentant Je crois que mon fils est gay comme une lecture "rayon de soleil": à travers cette mère aimante, bienveillante et dépourvue de préjugés, Okura véhicule une atmosphère très positive et saine qui fait du bien, et qu'il emballe dans des dessins restant assez simples afin d'accentuer douceur et expressivité. Totalement soft, la série peut être intéressante à lire aussi bien pour des personnes homosexuelles que pour leur entourage, et peut parler autant aux jeunes qu'aux adultes.

Quant à l'édition française, une seule légère ombre au tableau: une petite erreur en quatrième de couverture où, dans le résumé, Hiroki est appelé Hiroko, ce qui n'est en soi par bien grave. A part ça, la jaquette simple et colorée est bien dans le ton de l'oeuvre, la qualité de papier et d'impression est très bonne, le lettrage d'Isabelle Bovay est soigné, et la traduction de Jordan Sines (déjà traducteur de Comme sur un nuage) sonne avec beaucoup de clarté et de naturel.


Chronique 1 :

Akata est le principal acteur du marché français du manga à dédier un pan de son catalogue aux œuvres traitant des thématiques LGBTQIA+, une initiative entre autre amorcée avec le très touchant Le Mari de mon Frère de Gengoroh Tagame, et qui s'est enrichie d'une belle poignée d'autres titres durant les années qui ont suivi. En octobre 2020, l'éditeur nous faisait découvrir l'artiste Okura, un auteur traitant de l'homosexualité dans ses œuvres et publiant principalement en ligne de manière indépendante. Comme sur un nuage est sa première œuvre à nous avoir été proposée, un titre qui a une histoire particulière que nous détaillons dans nos chroniques à son sujet. Quelques temps après la parution « professionnelle » de cette histoire au Japon, Okura parvint à faire publier chez un éditeur un autre de ses récits initialement proposé de manière indépendante : Je crois que mon fils est gay.

Au départ, c'est sur Twitter que le dessinateur publie Uchi no Musuko wa Tabun Gay, le succès lui permettant ensuite une parution physique chez l'éditeur Square Enix dès 2019, pour 3 volumes parus à ce jour. Vous l'aurez compris, Akata a rapidement tenu à publier de nouveau Okura dans nos contrées avec ce manga dont la forme change nettement du précédent. Nommé chez nous Je crois que mon fils est gay (une traduction très littérale mais cohérente de l'intitulé nippon), son premier volet nous est proposé le 27 mai 2021.

Hiroki Aoyama est un lycéen comme bien d'autres. Il a bon appétit, mène une scolarité paisible, aime lire comme jouer aux jeux vidéos... Mais sa maman, Tomoko, a bien remarqué que son rejeton cache un secret. Lorsqu'ils parlent d'amour, c'est un « petit copain » que le jeune homme évoque, tandis que d'autres lapsus mettent à cette mère au foyer la puce à l'oreille. Hiroki pourrait bien être gay, mais l'orientation de son fils ne la dérange pas, loin de là. Ouverte, elle est surtout attendrie par la manière qu'a son enfant de cacher ce tabou, ne cherchant pas à le brusquer en abordant elle-même le sujet. Leur quotidien est parsemé de petits échanges durant lesquels la langue de Hiroki pourra fourcher, des maladresses qui provoqueront toujours une petite émotion chez cette maman attentionnée, qui entretient un lien fort avec son enfant.

Avec cette série, et tout particulièrement ce premier tome, Okura aborde la question de l'homosexualité chez un adolescent via un point de vue original : Celui d'une maman. Mais pas n'importe quelle mère puisque Tomoko Aoyama est une figure extrêmement ouverte et attentionnée, ne jugeant jamais son fils dont elle soupçonne l'homosexualité, et s'amusant même des petites maladresses de ce dernier. Car Hiroki cache son orientation à son entourage, mais il semble bien difficile de garder le secret en toute circonstance et sans faux pas. Ce plot, déjà surprenant dans son approche, est développé via de très courts chapitres, parfois de quelques pages à peine, si bien que ce sont 21 histoires qui sont racontées dans ce premier volume.

Avec Je crois que mon fils est gay, le mangaka aborde avec une extrême douceur un point de vue extérieur que celui du concerné. Bien qu'il soit le sujet central du récit, Hiroki n'en n'est pas le protagoniste, la place étant laissée à cette maman bienveillante et attachante qu'est Tomoko. Et c'est là le leitmotiv de ce premier opus : La bienveillance. Rapidement, l'auteur nous faire comprendre l'acceptation innée de l'orientation de son fils par cette mère, ce qui devient un point de départ pour aborder en filigrane plein de petits sujets autour de l'homosexualité via le vécu d'un adolescent, mais aussi le regard que la société peut jeter sur les personnes attirées par le même genre qu'elles. La prouesse, c'est de traiter tous ces sujets avec délicatesse et bonne humeur, sans jamais créer d'ambiance trop dramatique. Au contraire, Tomoko parvient toujours à créer une certaine douceur dans l’œuvre, même lorsqu'il s'agit de briser oralement le tabou de l'homosexualité dans la société. Entre autre, le récit met en avant l'opinion d'une alliée pleine de sens et de bons sentiments, pour aboutir à une lecture feel-good qui brasse différentes optiques via une belle humeur permanente.

Et si Tomoko est le personnage centrale, Hiroki reste le centre de l'attention. A la manière de sa maman, on se prend de plaisir à suivre son petit quotidien, l'histoire de ses premiers amours aussi, ses petites maladresses amenant toujours quelques doses d'humour bien dosée. Là n'est pas l'idée de se moquer, bien au contraire, mais d'apprécier l'innocence d'un adolescent qui cherche à tout prix à cacher son secret. A ce titre, son désir de coming-out n'est jamais évoqué, tandis qu'on comprend peu à peu que la maman préfère laissant son enfant aborder le sujet de lui-même plutôt que le brusquer.
Et tout comme on apprécie Hiroki dans ses petites « gaffes », son quotidien avec sa famille et celui dont il est amoureux, le fameux Daigo, amène de petites tranches de vie savoureuses de bout en bout. Les chapitres courts permettent alors une succession de scénettes qui se renouvellent sans mal pour donner lieu à une lecture feel good étonnante et envoutante, abordant un sujet de société fort tout en s'adressant au grand public, en terme de lectorat. Et si le récit se veut surtout divertissant, cela ne l'empêche jamais d'aborder très subtilement des problématiques actuelles, comme la difficulté de s'épanouir en étant gay tant les règles de vie sont très hétéronormées. En arrière-plan, il en découlerait presque une ambiance douce amère, bien que l'atmosphère guillerette parvienne toujours à triompher.

Notons aussi que la patte graphique d'Okura aide à maintenir cette ambiance joviale. Son style est rond et épuré, tout en se montrant très expressif en ce qui concerne les personnages, comme le faciès bienveillant de Tomoko ou encore les mines alertées de Hiroki lorsque ce dernier se rend compte d'une gaffe, ou tout simplement quand son visage devient écarlate aux côtés de son amoureux. Loin d'être une faiblesse, le trait du mangaka sert la bonne humeur communicative de ce premier opus.

Concernant l'édition, Akata nous sert un volume fin élégant grâce à son habituel papier un poil épais, l'ouvrage étant aussi agrémenté d'une appréciable page couleur. Jordan Sines signe une traduction sans fausse note, surtout en ce qui concerne l'ambiance du titre. Seul couac au final : Cette faute sur le prénom du héros dans le synopsis figurant sur la quatrième de couverture, qui relève plus de la coquille/étourderie qu'autre chose.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

15.75 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs