I am a Hero Vol.1 - Actualité manga
I am a Hero Vol.1 - Manga

I am a Hero Vol.1 : Critiques

I am a Hero

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 26 Avril 2012

Figurant régulièrement dans le top des ventes au Japon, I am a Hero était une série qui attirait fortement la curiosité, ne serait-ce que par son titre et ses couvertures. En ce mois d'avril 2012, la série de Kengo Hanazawa, auteur jusqu'alors inconnu en France, débarque enfin dans nos contrées grâce aux éditions Kana, qui lui offrent une jolie publicité. Attendu au tournant, ce nouveau seinen tient-il ses promesses ?

Pour le savoir, il faudra déjà adhérer au parti pris de l'auteur dans une introduction aussi étrange et difficile à cerner que fascinante. Les premières pages laissent voir une porte blindée de verrous s'ouvrant les uns après les autres, puis finissant par laisser apparaître un homme qui se met à effectuer une danse bizarre, puis à parler tout seul, ou plutôt à un ami imaginaire, à provoquer les esprits malins... Le ton est donné : pendant une soixantaine de pages, Kengo Hanazawa nous plonge aux côtés d'un homme qui ne laisse pas de marbre : paranoïaque au point d'avoir un fusil et de verrouiller exagérément sa porte, seul au point de s'inventer des amis, médiocre au point de s'imaginer à la lutte contre des esprits et de se répéter qu'il est un héros, histoire de ne pas se lamenter sur sa médiocrité... Cet homme, c'est notre personnage principal, Hideo Suzuki.
Etrange, cette introduction l'est. Efficace aussi. Si l'on se demande où l'auteur va nous amener, il paraît difficile de ne pas tourner les pages avec curiosité, tant Hideo se démarque de la majorité des héros habituels. Et il est d'autant plus dur de décrocher que le mangaka, se focalisant directement aux côtés de Hideo, rend facilement le tout immersif.
A vrai dire, dans cette introduction, on pense volontiers aux histoires courtes d'Inio Asano, via ce goût pour la peinture de personnages se dépêtrant dans une vie moyenne, médiocre ou simple, tandis que les plus grosses frasques de Hideo rappellent les instants plus étranges et barrés de Bonne nuit Punpun.

La suite, quant à elle, nous immerge toujours plus dans le quotidien de Hideo, dont on découvre les principales activités, les principaux traits de caractères. Ainsi découvre-t-on un homme moyen, sans histoire réellement abracadabrante, qui vit depuis des années de son job d'assistant de mangaka, la seule fois où il fut mangaka à part entière ayant été un semi-échec. En parallèle, on découvre un caractère particulier (par exemple, un goût prononcé pour le monologue l'aidant à évacuer les peurs qui le tiraillent), et sa relation un brin bancale avec Tekko, une jeune femme un peu instable, se réfugiant dans ses bras alors qu'elle ne fait que parler de son ex, un mangaka qui a réussi. Un état de fait qui a le don d'irriter Hideo, mais contre lequel il n'a pas la force de se rebeller.
Ainsi voit-on se dessiner petit à petit le portrait d'un Hideo se réfugiant dans ses illusions et ses délires, ou se raccrochant comme il le peut à ses lueurs d'espoir (Tekko) pour surmonter sa vie médiocre.

Le pari de Kengo Hanazawa est globalement réussi : le portrait de Hideo est efficace, immersif, sort de l'ordinaire, et profite à Kengo Hanazawa pour apporter certains de ses points de vue sur des éléments du monde qui nous entoure, comme les journalistes de la télé ou, surtout, le milieu du manga. Mine de rien, l'auteur apporte ici, via le quotidien de Hideo en tant qu'assistant de mangaka, pléthore de petits détails sur ce milieu : horaires de travail, conditions de travail, rôle des assistants, aspects plus techniques (critères préétablis et méthodes de floutage sur les mangas érotiques, par exemple)...
Mais en filigrane, on voit surtout arriver petit à petit le principal sujet, via des indices disséminés de part et d'autre au fil des pages : des individus sont mordus, une fille renversée par une voiture se relève et poursuit sa route alors que sa nuque est brisée, des personnalités importantes sont soudainement malades ou hospitalisées d'urgence, les forces d'auto-défense envahissent la rue... Les signes ne trompent pas : quelque chose de grave est en train d'arriver, mais Hideo, perdu dans sa médiocre vie, y fait à peine attention... jusqu'à des dernières pages marquant l'arrivée du premier événement-choc pour lui, qui, à n'en pas douter, va l'obliger à se faire violence, à regarder la réalité en face. A partir de là, peut-être réussira-t-il à devenir enfin le héros de sa propre vie, mais seule la suite nous le dira.

En tout cas, tout est en place dans cette introduction construite en plusieurs temps : mise en place d'un personnage principal étrange, présentation de son quotidien médiocre permettant à l'auteur d'aborder en filigranes de nombreux sujets, et lente arrivée en parallèle des événements destinés à changer le cours des choses. De par cette introduction déconcertante et cette construction en plusieurs temps, certains lecteurs risquent fort de rester un peu circonspects sur le coup, d'autant que certains éléments, comme les délires barrés de Hideo, sont très présents puis tendent à s'estomper un peu par la suite. Mais il y a dans ce tome 1 tout ce qu'il faut pour intriguer, et c'est avec une curiosité certaine que l'on se penchera sur le deuxième volume.

C'est également sur le plan visuel qu'il faudra adhérer au style de l'auteur. A vocation généralement réaliste jusque dans les décors urbains un peu malsains ou étouffants, le trait de Kengo Hanazawa rappelle un peu celui de Shohei Manabe, l'auteur d'Ushijima. Mais on notera également un goût pour les visages exagérément expressifs ou peu ragoûtants, histoire de renforcer l'ambiance étrange.
De manière générale, les dialogues n'hésitent pas non plus à être assez rentre-dedans ou vulgaires, à l'image de l'étrange "Comptine des chattes" de Hideo. Quelques dessins se veulent même volontairement très malsains ou choquants, à l'image de la scène où Hideo urine sur son ami imaginaire encastré dans les toilettes.
Des aspects qui pourraient aisément écarter une tranche du lectorat, tant ils sont parfois volontairement exagérés pour créer une ambiance encore plus particulière.

Du côté de l'édition, les éditions Kana nous offrent un bon travail. La traduction, qui peut paraître un peu étrange sur certaines phrases, s'en sort globalement très bien, notamment pour retranscrire les longs monologues de Hideo. Les premières pages en couleur sont un plus sympathique, et l'on saluera l'effort effectué sur la couverture pour incruster le titre sous les reflets argentés.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs