Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 05 Mars 2024
La jeune collection Yuri des éditions Meian s'enrichit très rapidement. Aussi, le mois de février fut l'occasion de découvrir le premier volume d'une courte série signée Miyako Miyahara, artiste spécialisée dans la tranche de vie et dans les romances entre filles : I Can't Believe I Slept With You.
Le manga a vu le jour au Japon en 2019, dans la revue Dengeki Daioh des éditions ASCII Mediaworks, sous le titre original "Ichido Dake Demo, Kôkai Shitemasu", pour se conclure avec son troisième volume en mars 2021. À ce jour, il s'agit donc du titre le plus court qui garnit le label Yuri de la maison Meian.
Chiyo est une jeune femme âgée de 24 ans. Après avoir quitté son emploi suite à un échec qui l'a affectée, elle se retrouve dans une situation précaire puisqu'elle est incapable de payer son loyer. La propriétaire de son logement, une demoiselle d'à peine 19 ans, vient alors toquer à sa porte pour lui proposer un étonnant marché : si elle couche avec elle, ses dettes de loyer s'envoleront. Dépassée par les événements, Chiyo a à peine le temps de cligner des yeux que sa propriétaire choisit de s'installer avec elle, le temps qu'elle paye ses loyers en retard. Mais il ne sera pas forcément question de sexe pour la suite, car c'est en petits services que la jeune femme honorera ce qu'elle doit. Elle est cependant loin de se douter que sa propriétaire, une jeune fille assez froide, cache une affection pour Chiyo que la concernée ne soupçonne même pas...
Le pitch de "I Can't Believe I Slept With You" peut faire peur, à juste titre. Loin de jouer vicieusement sur le chantage sexuel, l'amorce de la comédie sentimentale de Miyako Miyahara s'amuse volontairement d'une situation initiale sulfureuse avant de cadrer le récit et planter une cohabitation mouvementée entre deux jeunes femmes nettement opposées. Chiyo et sa propriétaire n'entretiennent pas une relation basée sur le chantage charnel, mais une colocation où chaque petit geste agit dans le décompte des loyers impayés de l'héroïne. Et si un tel système est mis en place, c'est bien parce que cette jeune propriétaire taciturne connaît Chiyo bien plus qu'elle ne veut le faire croire, et que la notion d'amour pourrait bien fait partie de l'équation.
Alors, ce premier tome nous embarque facilement dans sa petite routine. Le quotidien des deux protagonistes est particulièrement dynamique et amusant, avec une touche de sensualité mignonnette apportée par la mangaka à plusieurs moments, afin de donner à l'œuvre un zeste d'érotisme. Pourtant, ce début de récit reste dans un écueil plutôt grand public, si bien que la première nuit passée entre les deux jeunes femmes est presque entièrement passée sous silence. L'intérêt n'est pas les liens charnels, finalement rares, entre les personnages, mais plutôt la relation solide que les deux concernées nouent au fil des pages. Et dans cette optique, cette première partie de trilogie réussit à nous emporter, à nous amuser, et même à nous émouvoir. C'est d'autant plus le cas quand le personnage de la propriétaire (dont le nom n'est communiqué qu'à la toute fin et sans que Chiyo puisse l'apprendre) se dévoile tant dans ses sentiments que dans sa psychologie, faisant d'elle une figure complexe et attachante.
Il n'en faut pas plus pour passer un bon moment et être séduit par ce premier tome, de son scénario à la patte graphique rondelette et mignonne de Miyako Miyahara. Étant donné qu'il ne reste déjà que deux tomes avant le fin mot de l'histoire, il y a de quoi tenter la suite avec plaisir !
Côté édition, outre les standards solides de fabrication, on apprécie la traduction de Célia Chinarro, dont la version française vivante donne de la force à cette histoire mouvementée. De son côté, Mickaël Ponsard assure un lettrage de qualité et un texte bien calibré.