Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 05 Août 2010
Abandonné par sa Saeko, à présent mariée, Sohta reste bien décidé à la conquérir au moins grâce à ses chocolats, si ce n'est plus, d'autant que la presse ne cesse de l'encenser, allant même jusqu'à le surnommer "Le Prince du chocolat"... Mais lorsqu'un nouveau chocolatier de renom vient ouvrir ses portes sur les terres de notre amoureux transi et fait lui aussi le bonheur des papilles de Saeko, le trouble est on ne peut plus présent chez lui...
Tantôt jaloux, tantôt intrigué, il n'en faut pas plus à Sohta pour se décider à se rendre chez ce nouveau chocolatier, en qui il ne voit guère plus qu'une énorme gêne dans la reconquête de Saeko... Il aura vite fait de se raviser quand il fera la connaissance de Seinosuke Rikudo, le chocolatier rival en question, qui s'avèrera à des années-lumière de l'image dont notre héros s'en faisait, ne serait-ce qu'au niveau de ses penchants amoureux... L'humour sera de mise, Mizushiro exploitant sans véritable subtilité, sans éviter les clichés, mais avec une redoutable efficacité, la personnalité très "folle" de Rikudo. Mais au final, ce sont bel et bien le talent et l'expérience de chocolatier, mais aussi la gentillesse de Rikudo qui renverront Sohta face à lui-même et à son orgueil: lui qui se pensait un Prince du chocolat n'est plus que l'ombre de lui-même. Mais il en ressort grandi, bien décidé à suivre méthodiquement chacune des étapes qui pourront faire de lui le "bad boy" inaccessible qu'il veut devenir pour reprendre Saeko.
Tout au long du volume, des doutes ne cesseront d'apparaître chez notre chocolatier. Face à Saeko, il n'aura de cesse de changer, tantôt gentil et serviable, tantôt au 36ème dessous, tantôt cassant et impassible... La route pour devenir un véritable "bad boy" est encore longue, car selon Mizushiro, maîtriser ses plus profonds sentiments amoureux est plus difficile qu'il n'y paraît pour un homme, d'autant plus lorsque les sentiments amoureux en question sont frustrés...
Mais "heureusement", Sohta pourra compter sur une aide pas forcément attendue: celle d'Olivier, qui, derrière ses airs de simple otaku propices à quelques petites scènes humoristiques, cache, lui, un vrai côté sombre, capable de véritables raisonnements de manipulateur, de calculateur, quand il s'agit de se rapprocher petit à petit de sa proie, Matsuri, vivant pour l'instant un difficile mais irrépressible amour coupable... On appréciera beaucoup le travail apporté ici au jeune chocolatier français, qui semble destiné à servir plus ou moins d'exemple à Sohta, et qui nous montre d'ores et déjà jusqu'où peut aller un homme amoureux transi...
Parfois douces et consensuelles, parfois cruelles, les réactions de Sohta et Olivier montrent à quel point un amour fou mais transi peut flirter avec les sentiments de mépris, voire de domination. Le chocolatier français et le "Prince du chocolat" sont prêts à tout pour satisfaire cet amour furieux et orgueilleux qui confine à l'obsession, le premier n'hésitant pas à se montrer désagréable envers Matsuri, le deuxième allant jusqu'à coucher avec une autre femme. Au beau milieu de tout ceci, ce sont les femmes qui en font les frais: tandis que Matsuri subit de plein fouet les remarques d'Olivier, la si attachante mais bien malheureuse Kaoruko ne peut qu'observer l'obsession de Sohta sans jamais oser quoi que ce soit, si bien que l'on a véritablement de la peine pour elle et que l'on peut en vouloir à notre héros d'être si aveugle. Quant à Saeko, elle reste difficile à cerner. Si l'on adore détester cette poupée superficielle, on se demande encore si l'innocence qu'elle montre face à Sohta est naturelle, ou si elle n'est qu'une horrible croqueuse d'hommes.
Et le chocolat dans tout ça ? Hé bien il reste bien évidemment très présent, et si les métaphores à connotation sexuelle se font plus discrètes, ce sont bel et bien les sentiments frustrés de Sohta qui continuent de lui procurer une impressionnante créativité pour la confection de nouvelles bouchées. Et chacune de ses nouvelles créations témoigne de l'évolution du jeune homme, comme le prouve en fin de volume, par exemple, un nouveau chocolat qu'il a l'intention de faire goûter à Saeko, et qui lui a été inspiré par sa nuit d'amour avec une autre femme. Un exemple qui, a lui seul, suffit à montrer l'évolution du jeune homme vers les plus sombres côtés de l'amour, puisqu'il n'hésite pas à se servir d'une femme pour chercher à en conquérir une autre...
Au final, on se retrouve avec un deuxième volume de haute volée, dans lequel Setona Mizushiro, après les amourettes, les amours homosexuels ou les amours féminins, aborde ici les amours masculins frustrés avec un réalisme, une pertinence et une subtilité saisissants. Le coup de crayon reste fin et expressif, les chocolats délicieux. On espère de tout coeur une suite tout aussi grandiose.