Goodbye my Rose Garden Vol.1 - Actualité manga
Goodbye my Rose Garden Vol.1 - Manga

Goodbye my Rose Garden Vol.1 : Critiques

Sayonara Rose Garden

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 08 Octobre 2020

Initialement prévu fin mars puis repoussé à cause du confinement, le premier volume de Goodbye my Rose Garden 1 est finalement arrivé aux éditions Komikku fin août. Cette courte série en 3 volumes a été prépubliée au Japon sous le titre Sayonara Rose Garden de 2018 à début 2020 dans le MAGxiv, le site de prépublication Pixiv de l'éditeur Mag Garden, dont était déjà tirée la série Soupinou. Il s'agit de la première oeuvre publiée en France de Dr.pepperco (ou Dokuta Pepako), un mangaka officiant depuis le début des années 2010 dans des genres assez différents, et à qui l'on lui doit notamment la version manga de l'anime Ano Natsu de Matteru.

L'oeuvre nous plonge dans l'Angleterre de la toute fin de l'ère victorienne, et plus précisément en 1900. Jeune japonaise ayant traversé le monde pour rencontre à Londres son écrivain favori Victor Franks, dont les romans lui ont beaucoup apporté au point qu'elle-même aimerait devenir écrivaine et lui faire lire son roman. Mais la jeune fille, débarquée sans toit ni argent jusqu'à la capitale anglaise, se voit refuser toute rencontre avec Franks par son éditeur, le romancier étant quelqu'un d'extrêmement secret que quasiment personne n'a jamais vu. En affirmant sa passion chez l'éditeur, la japonaise attire toutefois l'attention d'Alice, une noble présente sur les lieux et se présentant comme une critique littéraire. Gentille et généreuse, Alice fait de Hanako sa nouvelle femme de chambre, et de fil en aiguille une belle amitié naît entre elles deux, notamment grâce à leur passion commune pour les livres. Mais en accueillant ainsi Hanako, Alice semblent également avoir une idée derrière la tête, idée sombre et tragique: elle pourrait tout à fait s'arranger pour permettre à Hanako de rencontre Victor Franks, mais à une seule condition: que la jeune japonaise la tue, le moment venu.

Goodbye my Rose-Garden nous plonge donc dans une Angleterre de la fin de l'époque victorienne que certain(e)s autres mangakas, en tête desquelles Kaoru Mori (que l'on sait passionnée par cette période via ses séries Emma et Shirley) ne renieraient sans doute pas. En effet, loin des récits victoriens trop fantasmés et des mangas bourrés de maids clichées, Dr.pepperco ancre plutôt son récit dans la lignée d'Emma, croquant notamment l'évolution d'une néo-domestique dans un cadre aristocratique anglais dont elle a d'abord tout à découvrir, quitte à se frotter rapidement à certaines de ses dures réalités. Dans cette optique, l'auteur joue volontiers sur un léger choc de cultures, que ce soit à travers la découverte de la mode occidentale par Hanako, les remarques de certains nobles anglais face à une étrangère comme ils en voient rarement (appelée "lionne")... et, surtout, tout le système de hiérarchie et d'obligations dans cette société aristocratique anglaise que Hanako peine parfois à comprendre, ce dernier point étant voué à avoir une importance capitale dans le récit, mais nous y reviendrons. Qui plus est, le mangaka ponctue le récit de nombre de petites références littéraires anglophones allant de certaines écrivaines féministes (ce choix n'étant pas un hasard) à Frankenstein de Mary Shelley, en passant par oscar Wilde ou Emily Brontë, lesdites références ayant souvent leur utilité dans l'intrigue, à l'image de la façon dont Hanako replace Frankenstein dans sa discussion avec Alice pour lui faire comprendre certaines choses, du cas d'Emily Brontë permettant d'évoquer les préjugés encore tenaces sur les écrivaines féminines, ou de la fin d'Oscar Wilde (justement mort en 1900, l'auteur n'ayant décidément pas choisi l'année de son manga au hasard) à cause d'accusations en disant long sur la manière dont était vue l'homosexualité à l'époque.

Et ce dernier point s'avère particulièrement important dans l'intrigue. Car pourquoi donc Alice souhaite-elle que Hanako la tue ? Pourquoi veut-elle mourir ? La réponse se devine facilement mais est bien amenée, et traduit très efficacement la difficile condition que pouvait avoir une femme comme Alice à cette époque dans la noblesse anglaise. L'aspect strict de cette société se ressent bien sûr à nombre de moments, notamment quand Alice admire les hanches "libres" de Hanako qui n'ont pas été étouffées par un corset ou quand il est question du mariage de la domestique Gisèle avec un noble. Mais la vérité concernant Alice, autant côté amour que côté écriture (puisqu'on devine vite qui elle est réellement sur ce dernier point, l'auteur ne cherchant d'ailleurs pas à jouer le suspense longtemps), accentue de plus belle cette donne jusqu'à en faire un élément central, avec d'autant plus d'attentes pour le lecteur, tant Alice semble totalement prisonnière de sa condition et de ce que la société et son entourages veulent pour elle.

On n'a alors qu'une seule envie: voire la jeune noble pouvoir s'en sortir, grâce à la présence d'une Hanako qui ne peut se résoudre à simplement la tuer pour mettre fin à tout. Dans cette optique, la relation entre les deux héroïnes évolue à bon rythme, se révèle fort jolie, et on espère bien la voir perdurer malgré les épreuves, voire se renforcer encore jusqu'à devenir passionnée. Et c'est d'autant plus efficace que Dr.pepperco fait aussi appel à de jolies petites métaphores autour des roses pour évoquer le lien entre les deux demoiselles, qu'il en profite pour mettre en valeur l'importance que peut avoir la lecture dans une vie (pour fuir la réalité, ou au contraire la surmonter), et qu'il n'oublie pas d'également installer des éléments intrigants autour de Hanako et de sa professeure quand elle était au Japon...

Sur le plan visuel, Dr.pepperco livre une copie particulièrement plaisante, où il brille notamment pour les tenues de ses héroïnes, que ce soit les vêtements nobles d'époque ou plus encore la tenue de domestique de Hanako qu'il a beaucoup soignée. Les décors, bien présents, s'avèrent crédibles, et les designs de personnages sont tout aussi réussis, nos deux héroïnes se détachant du lot avec un côté un peu plus mignon.

En somme, difficile de ne pas être happé par le premier volume de Goodbye my Rose-Garden, qui, tout en offrant un cadre victorien très honnête, a beaucoup de choses à aborder à travers ses deux héroïnes, que ce soit la condition féminine et homosexuelle de l'époque ou l'emprise de la société aristocratique sur elles. Nul doute que la suite sera tout aussi captivante !

Quant à l'édition française, elle est vraiment belle, dès sa jaquette bénéficiant d'un joli logo-titre et d'un vernis sélectif. A l'intérieur, la première page en couleur est un plus appréciable, le papier et l'impression sont de qualité, et la traduction d'Aline Kukor est très soignée.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs