Gleipnir Vol.1 - Actualité manga
Gleipnir Vol.1 - Manga

Gleipnir Vol.1 : Critiques

Gleipnir

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 19 Mars 2018

Shûichi Kagaya, lycéen, menait jusqu'à il y a encore peu de temps une vie tout à fait ordinaire. Il se contentait de vivre tranquillement avec les autres, avec une certaine insouciance propre à ces années-là... Mais désormais, ce n'est plus le cas. L'adolescent tend à éviter les autres, à s'effacer, à éviter de trop s'interroger sur son avenir quand son professeur le lui demande... La raison ? Depuis quelque temps, sans aucune raison ni explication, il a subitement acquis la capacité de se transformer en un étrange monstre, aux allures de peluche géante aux traits canins. Une chose qu'il vit très mal, pour laquelle il a peur d'être rejeté si elle est découverte. Pourtant, quand il voit un incendie, c'est ce corps de "mascotte" inhabituel qui va lui permettre de sauver une jeune fille prise dans le bâtiment. A-t-il enfin trouvé une utilité à cette transformation ? En réalité, il ne sait pas que ce sauvetage va marquer pour lui le début des ennuis... Peu de temps après, Claire Aoki, la camarade de lycée qu'il a sauvée et qui est sa cadette, vient le voir, non pas pour le remercier, mais pour lui faire un chantage ! S'il ne l'aide pas à retrouver sa grande soeur qui a tué ses parents en ayant elle-même une forme de monstre, elle dévoilera à tout le monde la vérité sur sa transformation...


Lancée au Japon en 2015 dans le magazine Young Magazine the 3rd des éditions Kôdansha, Gleipnir est la première série paraissant en France de Sun Takeda, un auteur qui a démarré sa carrière en 2006 et qui a déjà signé auparavant trois autres séries, toutes teintées d'un soupçon d'ecchi. Ici, c'est à nouveau le cas, mais nous allons voir que l'oeuvre est très loin de se limiter à ça.


On pourrait pourtant croire le contraire dès la première page, troublante, laissant apparaître un garçon enragé et désespéré d'un côté, et des jambes féminines avec un léger filet liquide de l'autre. En réalité, ça expose déjà très bien ce que va être Gleipnir dans sa forme, une forme où Takeda va beaucoup jouer sur un certain zeste d'érotisme, mais rarement de manière gratuite. Pour cela, le mangaka, très régulièrement, distille des petites vues qui vont dans ce sens, notamment par le biais de différents petits plans assez serrés sur différentes parties du corps de Claire (ses jambes, sa jupette, une infime partie de sa culotte via l'angle de vue choisi...), et via certains choix: quelques réflexions un peu tendancieuses de la jeune fille, le fait que Shûichi soit tenté de la toucher après l'avoir sauvée alors qu'elle est apparemment évanouie, le fait qu'elle doive se déshabiller pour une certaine raison (que l'on ne peut dévoiler ici, car ça spoilerait fortement)... Qu'ils soient distillés presque discrètement ou de façon plus visible, tous ces petits instants entretiennent constamment une étonnante tension érotique... et le mot tension n'est pas faible ici, tant, par moments, le choix sont faits pour créer une sorte de malaise, une ambiance un peu malsaine. Mais la pointe d'érotisme qui pourrait tant déroute voire rebuter au départ prend encore plus de sens par le prisme de ce qui se dessine en filigranes de la lecture : une certaine métaphore de l'adolescence et de certains de ses tourments liés au corps.


En effet, il apparaît vite assez évident que la transformation du corps de Shûichi est un écho à cette période charnière qu'est la puberté, où le corps se transforme, mûrit, mais peut également être complexe à comprendre, comme s'il nous échappait. Ici, l'adolescent ne comprend pas ce qui lui arrive, alors il le rejette, tout comme il commence à rejeter ce qui l'entoure (aaaah, la fameuse crise d'adolescence...) et a peur dans ses relations. La note d'érotisme de l'oeuvre s'inscrit aussi dans cette optique, car la puberté reste la période où l'on commence à s'intéresser très fortement à l'autre sexe.


La tension sexuelle qui se dégage quasiment constamment du volume possède donc plus d'un intérêt, que ce soit pour ce qu'elle a à dire, pour l'ambiance qu'elle véhicule... Elle n'est pas gratuite, mais elle et la métaphore de l'adolescence ne sont pas les seuls intérêts. Il y en a bien d'autres, à commencer par la relation qui se construit entre Shûichi et Claire, relation résolument unique qui démarre par un chantage puis qui se développer à la fois autour d'un rapport de soumission et d'un lien indispensable, où les deux adolescents vont devoir être fusionnels l'un envers l'autre. D'un bout à l'autre du tome, Shûichi est un héros qui subit, sans pouvoir faire quoi que ce soit. S'il se rebelle, Claire dévoilera la vérité sur lui. Quant à Claire, au-delà de l'érotisme qu'elle dégage, elle s'avère plutôt manipulatrice, voire très inquiétante parfois dans certains actes extrêmement violents qu'elle commet. Et pourtant, tous les deux ont des intérêts à coopérer, à bâtir ensemble un lien. Car pour avancer dans la recherche de sa soeur et pour commettre ce qu'elle veut, la physiquement faible Claire a besoin du puissant corps transformé de Shûichi. Et pour tenter de comprendre ce qui lui arrive, Shûichi a besoin de Claire, même si elle lui apparaît clairement monstrueuse parfois (après tout, il la traite de démon dès la 1ère page). Le choix du titre Gleipnir vient d'ailleurs peut-être de là: dans la mythologie nordique, Gleipnir est le lien, à la fois très fin, mais très résistant, qui maintient enchaîne le loup monstrueux Fenrir. Reste à savoir qui, de Shûichi ou de Claire, est le plus monstrueux, au vu de ce à quoi on assiste dans ce premier tome...


Mais en dehors de tout ça, l'auteur prend également le temps de mettre en place d'autres bases. Il y a l'arrivée de premiers dangers avec d'autres ennemis hors du commun qu'il va falloir combattre, mais aussi beaucoup de questions. Celles que Shûichi se pose sur sa condition, d'abord : est-ce une maladie ? Risque-t-il de mourir du jour au lendemain ? Ne risque-t-il pas de rester coincé sous sa forme de peluche un jour ? Sa transformation sert-elle à quelque chose ? Son corps renferme-t-il une grande puissance, ou est-il complètement vide ? Mais aussi d'autres : que sont exactement les médailles, qui apparemment peuvent offrir beaucoup de puissance à quiconque est prêt à tout perdre ? Qu'est-ce que Le distributeur ? Quelle est l'origine de tout ? Quel est ce mystérieux garçon blond que l'on dans ce qui semble être des petits flashbacks ?


Le premier volume de Gleipnir offre une lecture assez déroutante au départ,puis très intrigante sur la longueur. Sous un train assez personnel et léché (soulignons le design de Shûichi transformé, assez chouette), Sun Takeda, mais en place un concept encore assez opaque, mais très prometteur, une atmosphère qui lui est propre, un duo de personnages principaux dont le lien est tout sauf conventionnel... Ça s'annonce bien !


L'édition française de Kana est portée par une bonne traduction de Rodolphe Gicquel qui est toujours claire, et par un papier bien souple, un peu fin, mais sans transparence. L'impression est honnête, et la jaquette colle d'assez près à l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs