Gereksiz - La dimension invisible Vol.1 - Actualité manga
Gereksiz - La dimension invisible Vol.1 - Manga

Gereksiz - La dimension invisible Vol.1 : Critiques

Gerekushisu

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 09 Avril 2019

Minoru Furuya est un auteur qui, de par son style atypique, son importance et ses thèmes, manquait sans nul doute au paysage manga en France, mais fort heureusement les éditions Akata on décidé de combler ce manque depuis l'année dernière, tout d'abord avec le très bon Saltiness, et désormais avec ce Gereksiz, l'oeuvre qu'il a dessinée juste après Saltiness et qui est également sa dernière série en date.

Prépubliée en 2016-2017 dans le magazine Morning des éditions Kôdansha au Japon, cette série nous invite à suivre Tatsumi Ônishi, un homme de 39 ans qui, depuis 23 ans, "vit baumkuchen", ces gâteaux à la broche d'origine allemande. Depuis qu'il a a été forcé de reprendre la boutique de son père, il est devenu un véritable spécialiste de cette pâtisserie... mais son existence se limite à ça, et jour après jour il s'adonne à la conception de baumkuchen en compagnie de son apprentie Yûko Kurauchi, 23 ans, jeune femme aimant sortir des blagues alors qu'elle n'a aucun talent pour ça. Mais voilà qu'un jour, pour la première fois de sa vie, il est tombé amoureux, et ainsi autre chose que les baumkuchen occupe ses pensées pour la première fois depuis trèèès longtemps. Et du coup, Ônishi, hé bien il commence à s'interroger sur l'image qu'il peut bien renvoyer depuis toutes ces années. Apparaît-il comme un homme lambda qu'on ne remarque même pas ? Qu'a-t-il pour lui ? Le jour de ses 40 ans, il décide donc de demander conseil à son apprentie, avant d'aller aborder pour la première fois cette femme pour qui il a eu le coup de foudre, qui reste toujours au même endroit d'un parc sans bouger. Mais une fois sur place, il y a comme un petit problème: Yûko ne voit aucune femme. Ônishi est apparemment le seul à voir l'élue de son coeur. A-t-il des visions ? Est-il fou ? En s'approchant de la femme et en la touchant, il se produit alors des événements pour le moins... bizarres. Le beau visage de la femme laisse place à un oeuf géant, tandis qu'Ônishi se retrouve lui-me^me avec une tête de cul. Littéralement. Pire encore: sa présence, tout comme celle de la femme, semble disparaître aux yeux des autres: plus personne, même Yûko, ne le voit, et bientôt les deux êtres se mettent à errer dans une étrange dimension qui semble invisible...

Vous trouviez déjà Saltiness perché ? Vous n'êtes tellement pas prêt pour Gereksiz ! Car pour le coup, Furuya nous offre un trip encore plus halluciné, où après une introduction efficace de quelques dizaines de pages on se contente surtout de suivre ces deux personnages perdus dans une dimension où on ne les voit pas et dont, tout comme nous, ils ne comprennent pas grand chose. Entre dialogues ciselés, piquants ou absurdes (bravo à la traduction d'Anaïs Koechlin qui rend très bien cet aspect) et événements surréalistes (allures complètement fumées, tête qui se détache, changement de physique...), l'auteur n'est pas forcément facile à suivre, mais il risque de pas mal régaler celles et ceux qui adhéreront à son délire, d'autant plus que pas mal d'interrogations arrivent forcément à notre esprit. Comment expliquer ce qui se passe ? Quelle est cette "dimension invisible" ? Pourquoi tout ça arrive à Ônishi ? Qui est cette femme dont il est tombé amoureux et qui l'accompagne dans ce "voyage" halluciné ? L'auteur aura beaucoup de choses à expliquer (ou non) dans le deuxième et dernier volume, et en attendant on peut volontiers faire des hypothèses, chercher des pistes (23 ans qu'Ônishi fait des baumkuchen, 23 ans que la femme est coincée dans la dimension invisible... Y a-t-il un lien ?).

Ce que l'on comprend toutefois sans trop de mal en filigranes, c'est que l'auteur continue d'aborder à sa sauce, comme dans Saltiness, un portrait d'homme plutôt inadapté puisque pendant 23 ans il a été un véritable "monomaniaque du baumkuchen" et n'a vécu pour rien d'autre. On comprend donc assez facilement ses interrogations un peu existentielle dans la première partie du tome, et par la suite le récit, avec son concept de dimension invisible, ne manque pas d'évoquer même brièvement ou à sa façon des sujets de société autour du besoin de l'humain de ne pas être invisible aux yeux des autres, d'avoir des interactions avec son entourage et ses proches.

Enfin, visuellement, Furuya est dans la droite lignée de Saltiness: personnages globalement réalistes ('fin, au moins dans la première partie), trips visuels bien barrés (dans la suite), décors très présents et bien cadrés, caméra quasiment toujours placée à hauteur des personnages... C'est bien maîtrisé.

Avec ce premier tome, Gereksiz est une expérience de lecture qui à cause de son côté bien perché ne plaira forcément pas à tout le monde, mais qui révèle beaucoup de choses intéressantes au fil de la lecture: des thèmes intéressants, des pistes et interrogations intrigantes... La suite et fin se fera attendre avec beaucoup de curiosité.

Côté édition, en plus de l'excellente traduction dont on a déjà parlé, Akata livre un objet agréable à prendre en main, avec une très bonne impression sans bavures sur un papier soul et épais. Le travail de lettrage est très soigné, tout comme le rendu de la jaquette, fidèle à l'originale et mettant tout de suite dans le bain.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs