Fuuto Pi Vol.1 - Actualité manga
Fuuto Pi Vol.1 - Manga

Fuuto Pi Vol.1 : Critiques

Kamen Rider W - Fuuto Tantei

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 08 Août 2022

Fuuto Pi est une œuvre qu'on n'attendait pas forcément dans nos contrées, et pour cause : Celle-ci est dérivée de la grande saga tokusatsu qu'est Kamen Rider, initiée par la légende qu'est Shotarô Ishinomori, mais n'a jamais trouvé sa place chez nous. Née en 1971, la licence Kamen Rider n'a cessé de s'étoffer par diverses œuvres. Et si Isan Manga a eu la bonne idée de nous proposer le manga initial d'Ishinomori qui accompagna la toute première série télévisée, c'est malheureusement trop peu pour cristalliser le statut légendaire de la fresque tokusatsu en francophonie.

En septembre 2009, la vingtième série de l'univers Kamen Rider est lancée sur les écrans japonais. Nommée Kamen Rider W (prononcé « double »), elle jouit d'un succès suffisamment fort pour se poursuivra via d'autres médias, dont des films. C'est ainsi qu'en 2017, le scénariste bien connu pour « Dragon Quest : La Quête de Dai » qu'est Riku Sanjo, s'associe avec le dessinateur Masaki Satô (connu chez nous pour le délirant Yakuza Love Theory) afin de donner lieu à une suite directe sous forme de manga. Lancé dans le magazine Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan, celui-ci suit son cours avec 12 opus parus actuellement au Japon. Pourtant, pas de trace de l'intitulé « Kamen Rider » dans le nom de ce titre nommé Fuuto Pi, qui atterrit chez nous dans la collection Kazoku des éditions Michel Lafon, et qui profite même d'une adaptation animée depuis cet été.

Dans la ville de Fuuto exerce Shotaro, un détective qui se veut « hard-boiled » mais ne l'est pas autant qui le souhaiterait. Avec Philip, son partenaire aussi mystique que particulier tant il est doté de capacité à lire dans l'histoire de la planète, il lutta quelques temps auparavant contre une organisation utilisant des « Dopants » afin de créer des monstres qui ont terrorisé la ville. Alors que le calme est revenu, Shotaro suit la piste d'une jeune femme aussi envoûtante que terrifiante, a priori responsable de différents crimes. De fil en aiguille, le détective va comprendre que la présence de Dopants n'est pas à exclure, ce qui le contraindra à utiliser le pouvoir qui le lie à Philip : En unissant leurs pouvoirs, tous deux deviennent le guerrier connu sous le nom de Kamen Rider W.

Voilà un cas de figure aussi intrigant qu'excitant qu'est ce Fuuto Pi, dont le premier volume laisse assez difficilement de marbre. Quand on s'intéresse quelques minutes à la place qu'occupe le manga dans sa licence, il y a de quoi être décontenancé, et peut-être même un peu effrayé d'être perdu dans un univers qui évolue depuis les années 70. Et en se limitant simplement au tokusatsu qu'est Kamen Rider W, on peut craindre de passer à côté de bien des éléments de scénario et d'univers... Un piège dont Riku Sanjo avait très certainement conscience. L'enjeu est donc le suivant pour les deux mangas : Exprimer un univers qui leur est cher tout en partant sur des bases nouvelles, de manière à accrocher un total néophyte. En ce sens, Riku Sanjo a tout le talent pour un tel exercice, comme l'atteste son travail d'antan sur La Quête de Dai qui se veut grand public et pas seulement destiné aux joueurs de Dragon Quest.

Ainsi, sur ce premier volume, ce sont les mécaniques de la série Kamen Rider W qui nous sont exposées via l'enquête menée par Shotaro autour de la mystérieuse Tokime, cette magnifique femme presque vampirique qui semble terroriser la ville de Fuuto. L'exercice s'avère assez réussi dans le sens où toute cette amorce prend le temps d'être narrée. Par conséquent, les divers concepts prennent eux aussi leur temps à nous être présentés, quand bien même on sent qu'il y a une histoire bien plus vaste derrière l'aventure des deux héros. C'est notamment Philip qui nous met la puce à l'oreille : Le fantastique acolyte de Shotaro intrigue, mais nous ne connaissons pas l'histoire qui a été développée autour de lui dans la série live d'origine. Est-ce que le manga reviendra sur ce cas particulier ? C'est tout ce qu'on espère, tant la figure captive !

Malgré ce tout petit manque de liaison entre le manga et son univers, il faut reconnaître que les auteurs parviennent à créer un point de départ on ne peut plus accessible, l'enquête paranormale qui s'offre à nous se laissant alors suivre avec plaisir. De nouveaux points de démarrage semblent s'installer, tout en utilisant les concepts de Kamen Rider W, rendant ainsi l'enjeu assez clair et défini pour le nouveau lecteur qui se montrera intrigué par le potentiel du récit. Que ce soit la véritable identité de l’envoûtante Tokime ou la vérité derrière la ville du Fuuto parallèle, le récit se dote d'un enrobage qui attire, séduit et questionne. En ce sens, et parce que la formule du récit de détective fonctionne dans un tel univers surnaturel, les auteurs parviennent à faire de leur début de manga une lecture accessible et efficace dans ses ambitions.

Au final, le réel manque de ce premier tome viendra surtout du découpage de Masaki Satô, encore bien trop sage pour une histoire qui cherche à offrir quelques moments d'intensité. Comme si le dessinateur voulait ne faire du héros Kamen Rider W un point facultatif du manga, le personnage n'a pas la place qui lui est due, visuellement parlant. Pourtant, la précision du trait du mangaka couplé à la densité de ses planches plantent habilement le ton de ce récit d'enquêtes aux élans fantastiques. Peut-être faut-il laisser le temps à l'artiste de s'acclimater aux diverses nuances de ce récit qui doit être minutieusement équilibré, aussi on suivra avec grande curiosité son évolution dans les tomes à venir.

Il en résulte ainsi un tome d'amorce réussi dans son équilibre (un point qui n'était pas forcément évident à atteindre), et qui aboutit à une lecture globalement prenante par ses mystères, son univers, et par la patte fouillée du mangaka qui jongle entre les éléments stylisés et glamour avec brio. Sans encore être une claque, Fuuto Pi s'offre des débuts aux attraits indéniables.

Côté édition, Michel Lafon offre un joli pavé garni d'un papier épais et de qualité. Florent Faguet signe un lettrage et une maquette bien calibrés pour rendre honneur à l'ouvrage, tandis que la traduction de Fabrice Buon semble en phase avec le ton de l’œuvre, et a priori sans incohérences avec le vaste univers d'origine.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
14.5 20
Note de la rédaction